TÉLÉMÉDECINE
DOSSIER
Désert médical, crise des Ehpad… À ces problèmes, la télémédecine semble souvent la solution idoine. Elle se développe à plein régime, grâce aux données collectées par l’IDE resté, lui, aux côtés du patient.
Oberbruck. Ce village alsacien a connu son moment de gloire en 2016 quand, désespérant de trouver un remplaçant à son généraliste parti à la retraite, il lui a substitué… un chariot de téléconsultation. Micros et caméras de tout le pays sont venus observer comment la télémédecine venait combler le désert naissant, avec l’aide non négligeable d’infirmiers salariés par Asame(1). C’est ainsi que les données d’Oberbruck voyagent désormais instantanément vers les cabinets de généralistes de Bordeaux, Nancy, Avignon ou encore Pfetterhouse, dans le Haut-Rhin.
Ces données sont bien sûr extrêmement sensibles. « Elles rassemblent tout ce qu’il peut y avoir dans un dossier patient », résume Lydie Canipel, cadre de santé et secrétaire générale de la Société française de télémédecine (SFT). En conséquence, assuret- elle, elles doivent être stockées chez des hébergeurs agréés (c’est-à-dire des serveurs labellisés par les autorités pour leur fiabilité), et les communications doivent être sécurisées. Mais ce n’est pas tout : le consentement du patient est aussi essentiel. « On lui demande expressément l’autorisation de stocker ses données et on lui explique comment elles le sont », ajoute la cadre.
Elle précise que pour les professionnels de santé concernés, et notamment pour les paramédicaux auprès du patient, « une formation sera nécessaire, ainsi peut-être qu’une vigilance accrue ». Mais ensuite, « tout se passe exactement comme lors du partage de n’importe quel dossier médical : ce sont seulement de nouveaux outils ». Et pour elle, il ne faut pas s’y tromper : la télémédecine est appelée à devenir omniprésente. « Dans dix ou quinze ans, il nous semblera naturel de prendre rendez-vous avec un médecin via un agenda partagé, et d’avoir ensuite une consultation en visioconférence », prédit-elle.
On n’en est pas encore là, mais il faut bien reconnaître que tous les signaux politiques pointent vers une montée en puissance de la télémédecine. Au printemps dernier, par exemple, l’Assurance maladie et les syndicats de médecins libéraux ont signé un avenant à la convention qui régit leurs relations pour intégrer deux actes (la téléconsultation et la télé-expertise) dans le champ de l’exercice de routine, alors qu’ils faisaient jusqu’alors partie de l’expérimentation. Les premiers effets de ce texte doivent se faire sentir dès septembre.
Autre grand chantier : les Ehpad. La télémédecine fait partie des axes stratégiques du plan que la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, a dévoilé fin mars pour améliorer la situation de ces établissements en crise. À la clé : 40 millions d’euros jusqu’en 2022 pour « généraliser l’accès à la télémédecine en Ehpad afin de limiter les déplacements et d’améliorer la qualité du suivi, en particulier dans les zones à faible présence médicale », indique-t-on, avenue Duquesne. Une généralisation que certaines régions ont d’ailleurs déjà bien entamée : en mai 2018, la Nouvelle-Aquitaine revendiquait déjà 1 500 téléconsultations réalisées dans les 54 Ehpad équipés dans le cadre de son projet destiné à réduire les hospitalisations non programmées.
Face à cette déferlante, les soignants n’auront d’autre choix que de s’adapter, prédit Lydie Canipel. Les postit que l’on voit trop souvent collés sur les écrans d’ordinateur des services, révélant des identifiants et mots de passe permettant d’accéder à des informations confidentielles, devront notamment disparaître. « Les professionnels de santé sont des gens responsables, ils aiment leur métier et appliquent leur code de déontologie, rappelle la cadre de santé. La seule chose qui vient parfois parasiter tout ça, c’est la routine et les journées surchargées. » En télémédecine comme ailleurs, la solution semble donc (aussi) passer par le bien-être au travail.
1 - Association de soins et d’aides Mulhouse et environs.