Après des controverses sur l’intérêt et les risques liés au dépistage organisé, un comité d’orientation indépendant et pluridisciplinaire a publié un rapport(1) de 166 pages en septembre 2016. Son constat est sans appel : le dépistage organisé doit être arrêté ou revu profondément.
C’est en 2015 que la ministre de la Santé, Marisol Touraine, lance une concertation citoyenne et scientifique pour réfléchir à la politique de dépistage du cancer du sein, évoquant les inégalités d’accès, un taux de participation qui stagne autour de 52 % et les controverses autour du surdiagnostic. Elle charge un comité d’orientation de neuf personnalités indépendantes de rédiger un rapport au terme de cette vaste concertation.
Le dispositif de concertation, de onze mois, a été organisé par l’Institut national du cancer (Inca). Il comprenait l’ouverture d’un site internet pour recueillir l’avis et les contributions des citoyens, l’organisation d’une conférence de vingt-sept Françaises tirées au sort, une conférence de dix-huit professionnels concernés par la question et l’audition d’experts par les membres du comité d’orientation.
Le rapport met en lumière les fondements du dépistage organisé en France, son organisation, puis reprend, de façon extrêmement exhaustive, toutes les publications en France et à l’étranger sur l’analyse de son intérêt, de ses bénéfices et de ses risques. Si la baisse de la mortalité est reconnue depuis l’instauration du dépistage organisé en France, il semble impossible d’affirmer que cette baisse est imputée au dépistage, en raison des progrès thérapeutiques. Le surdiagnostic (proportion de cancers du sein qui n’auraient pas dû être traités) et le surtraitement (prise en charge de cancers non évolutifs) sont admis par tous mais les estimations varient de 10 % à 56 % selon les études. Le rapport pointe également qu’aucune étude n’a été réalisée en France pour évaluer l’efficacité du dépistage et que l’information incitant les femmes à y participer est souvent incomplète concernant la balance bénéfices/risques. « Elle ne rend pas compte, ou seulement de manière limitée, des doutes existants et ne permet pas une prise de décision en toute connaissance de cause, énonce le rapport. De plus, l’information délivrée au sujet du dépistage organisé entretient une confusion entre prévention et diagnostic précoce. »
Le comité d’orientation a finalement fait deux propositions : arrêter le dépistage organisé ou bien le modifier profondément. Avec des recommandations à la clé :
- donner une information équilibrée et complète aux femmes et leur proposer des outils d’aide à la décision, pour leur donner les moyens de faire leur choix (accepter ou refuser l’invitation de participer au dépistage) ;
- développer des outils d’évaluation du dépistage organisé ;
- faire évoluer le dispositif en intégrant le médecin traitant dans la démarche, en systématisant la deuxième lecture de la mammographie et en évaluant la pertinence de la pratique d’échographie comme acte complémentaire (le rapport pointe qu’elle peut être à l’origine d’une augmentation de faux positifs)
- l’arrêt de tout dépistage précoce avant 50 ans pour les femmes sans facteur de risque particulier car « les recommandations internationales considèrent à la quasi unanimité qu’en deçà de 50 ans, les risques (surdiagnostic, faux positif et cancer radio-induit) sont plus importants que les bénéfices en termes de morbidité et de mortalité » ;
- intégrer le dépistage organisé dans une démarche globale de prévention avec l’instauration d’une consultation avant 40 ans ;
- développer une stratégie de dépistage en fonction du niveau de risque (moyen, élevé, très élevé) et définir les collaborations entre professionnels avec la mise en place de réseaux d’oncogénéticiens. L’Inca a proposé un plan d’action pour la rénovation du dépistage du cancer du sein en avril 2017 mais une véritable refonte du dispositif n’est pas encore en vue.
1 - Rapport du comité d’orientation de la concertation citoyenne et scientifique sur le dépistage du cancer du sein, septembre 2016.