Depuis la création des comités de lutte contre les infections nosocomiales (Clin) en 1988, la lutte contre ces infections contractées en établissement de santé a évolué. Le point sur cette instance encore d’actualité.
C’est une obligation. Chaque établissement de santé organise en son sein la lutte contre les infections nosocomiales (IN). Les Clin (comités de lutte contre les infections nosocomiales), créés en 1988, en sont la cheville ouvrière. Précisons qu’on entend par « infection nosocomiale » une infection acquise lors d’un séjour en établissement de santé. Actuellement, on parle plutôt d’infection associée aux soins (IAS) (lire encadré ci-dessous).
• Le premier texte à l’origine de la lutte contre les IN est une résolution du comité des ministres du conseil de l’Europe du 19 septembre 1972, invitant les états membres à mettre en place des mesures relatives à l’hygiène hospitalière. Suivra, en France, une circulaire de 1973, relative à la prévention des infections hospitalières énonçant la nécessité de créer un Cli (comité de lutte contre l’infection). En 1988, les Clin deviennent obligatoires pour les établissements publics et établissements privés participant au service public. Cette obligation est étendue à partir de 1999 à l’hospitalisation privée. Ainsi, tout établissement de santé devait créer un Clin et mettre en place une équipe opérationnelle d’hygiène (EOH) avant le 31 décembre 2001.
Les missions des Clin sont diverses : organiser et coordonner une surveillance continue des IN dans l’établissement ; promouvoir les actions de formation des personnels dans le cadre de la lutte contre les IN; rédiger un rapport d’activité (qui sera transmis au ministère) ; élaborer un programme annuel d’actions. Le Clin compte 22membres et se réunit, au minimum, trois fois par an.
• Le décret du 15 mai 2006 a fait évoluer la notion de Clin pour les établissements publics. Il devient une sous-commission de la commission médicale d’établissement (CME), chargée de contribuer à la qualité et à la sécurité des soins.
À partir de la loi Hôpital, patient, santé et territoire (HPST) du 21 juillet 2009, cette nouvelle organisation est étendue à tous les établissements de santé, publics et privés.
• Un décret d’application du 12 novembre 2010 apporte sa pierre à l’édifice en transformant la « gestion globale et coordonnée des risques » annoncée dans la loi HPST en « organisation de la lutte contre les événements indésirables associés aux soins ». Il souligne l’appartenance des IN au groupe des événements indésirables associés aux soins (EIAS). Une nouvelle classification qui va influer sur l’organisation de la lutte contre ces infections dans les établissements de santé.
• La lutte contre les EIAS est donc directement placée sous la responsabilité de la présidence de la CME dans les établissements publics ou de la conférence médicale (CM) dans les établissements privés. Le représentant légal de l’établissement, après concertation avec le président de CME, désigne les membres de l’équipe opérationnelle d’hygiène - composée de personnel médical, pharmaceutique et infirmier -, arrête l’organisation de la lutte contre les EIAS, ainsi que les mesures à mettre en œuvre dans le cadre du programme d’actions. Un coordonnateur de la gestion des risques associés aux soins (CoGR) est désigné de la même manière et est chargé de veiller à l’accomplissement des missions déclinées selon cinq axes :
- développer une culture de sécurité au moyen d’actions de formation et de communication (envers les personnels et les usagers) ;
- disposer d’une expertise relative à la méthodologie de gestion des risques associés aux soins, en particulier l’analyse des événements indésirables ;
- lutter contre les EIAS en permettant à la CME/CM de disposer des éléments nécessaires pour proposer le programme d’actions assorti d’indicateurs de suivi ;
- permettre à la CME/CM de disposer des éléments nécessaires à l’élaboration d’un bilan annuel des actions mises en œuvre ;
- assurer la cohérence de l’action des personnels qui participent à la lutte contre les EIAS.
L’obligation de créer des Clin n’est plus mentionnée et le décret laisse une souplesse pour organiser la lutte contre les IN.
• Certains établissements ont fait le choix de maintenir leur Clin. C’est le cas aux Hospices civils de Lyon (HCL). « Au quotidien, ce sont les équipes d’hygiène qui gèrent la lutte contre les IAS, explique le Dr Solweig Gerbier-Colomban, praticien hospitalier, membre de l’unité d’hygiène et épidémiologie à l’hôpital Lyon-Sud et du Clin. En revanche, les questions d’ordre organisationnel et politique sont traitées par le Clin. Si on fait face à une épidémie, par exemple, il est possible d’organiser un comité pour décider de ce qu’il faut faire. Cela permet notamment que tout le monde écoute le même message en même temps. » Parmi les actions possibles du Clin, elle cite la gestion des épidémies et la recommandation de mesures de contrôle lorsqu’un pa tient est infecté par un germe par ticulier, par exemple, une bactérie résistante aux antibiotiques.
Le Clin valide également tous les protocoles de soins. C’est à lui que l’équipe d’hygiène présente ses plans d’action et ses résultats de surveillance. « Le Clin peut aussi répondre aux sollicitations de certains services, par exemple si la pharmacie veut mettre en place un nouveau désinfectant », poursuit le Dr Solweig Gerbier-Colomban.
• La composition des Clin permet une approche transversale. Aux HCL, une vingtaine de personnes y siègent, notamment des représentants de la direction et de la direction des soins, des membres de la Commission du médicament et des dispositifs mé dicaux stériles (Comedims), un représentant du département d’informatique médical, des pharmaciens, un représentant de la direction des affaires techniques, des cadres de santé, un représentant du service de soins dentaires, des membres des équipes d’hygiène, un représentant de la médecine du personnel, un représentant des usagers et des repré sentants de l’institut des agents infectieux des HCL.
• Le Clin travaille avec tous les services de l’hôpital : clinique, pharmacie, service biomédical, direction, services techniques, prestataires extérieurs (ex : bionettoyage). À l’extérieur, il collabore aussi avec les sociétés d’hospitalisation à domicile pour continuer à suivre les patients après leur sortie de l’hôpital. Il collabore également avec l’agence régionale de santé (ARS) et le centre de prévention des infections associées aux soins Auvergne-Rhône-Alpes (lire cicontre) à qui les équipes d’hygiène doivent signaler les IAS.
• Quand aux infirmières, « elles peuvent être concernées de plusieurs manières par cette instance, estime le Dr Solweig Gerbier-Colomban. Tout d’abord, elles sont au contact des patients, donc elles doivent appliquer les protocoles de prévention du risque infectieux. Ensuite, elles peuvent s’impliquer dans la politique de mise en place de la prévention du risque infectieux, soit en étant ré férentes ou correspondantes en hy giène hospitalière, soit en étant volontaires pour participer au Clin. En ce cas, elles seront moteur de la prévention du risque infectieux dans leur unité et le relais entre l’équipe d’hygiène et le terrain. »
Définition
La notion d’infection associée aux soins (IAS) recouvre toutes les infections acquises pendant le parcours de soins du patient, que ce soit en cabinet, à l’hôpital ou ailleurs. Il s’agit d’une « infection qui survient au décours d’une prise en charge (diagnostique, thérapeutique, palliative, préventive ou éducative) d’un patient, [qui] n’était ni présente ni en incubation au début de la prise en charge », d’après la définition de la Direction de l’hospitalisation et de l’organisation des soins (document de mai 2007).
Signalements
Le Bulletin épidémiologique hebdomadaire (BEH) du 17 juillet 2018 relève qu’entre le 26 juillet 2001 (date de mise en place du dispositif d’alerte) et le 12 septembre 2017, 23 012 signalements externes d’infection nosocomiale ont été reçus, dont 11 732 depuis 2012, via l’application e-SIN. Le nombre de signalements a augmenté de façon régulière depuis 2001. L’ensemble des signalements concernaient 100 658 patients infectés ou colonisés à la date du signalement.
→ Décret n° 2006-550 du 15 mai 2006 relatif aux souscommissions de la commission médicale d’établissement.
→ Décret n° 2010-1408 du 12 novembre 2010 relatif à la lutte contre les événements indésirables associés aux soins en établissement de santé.
→ Le guide de la SF2H : référentiel métier : spécialiste en hygiène, prévention, contrôle de l’infection en milieu de soins : bit.ly/2O9d6Jd
→ Le programme national d’actions de prévention des infections associées aux soins (Propias) 2015 : bit.ly/2GoUL75
→ « Signalement des infections associées aux soins », Bulletin épidémiologique hebdomadaire n° 25-26, 17 juillet 2018, pp. 520-540.
→ Le site du Cpias Auvergne-Rhône-Alpes : www.cpiasauvergnerhonealpes.fr
→ Les indicateurs du tableau de bord (HAS) : bit.ly/2x45Is6
Qu’est-ce que le Cpias Auvergne-Rhône-Alpes ?
• C’est le centre de prévention des infections associées aux soins. Il existe dix-sept Cpias régionaux, qui remplacent les cinq anciens Cclin (centres inter-régionaux de coordination de la lutte contre les infections nosocomiales) et les vingtsix anciens Arlin (Antennes régionales de lutte contre les infections nosocomiales). Il viennent en appui aux professionnels de santé de la région dans les trois secteurs de soins (sanitaire, médico-social et ville) dans le but de réduire le risque infectieux associé aux soins et de contribuer à la maîtrise de la résistance bactérienne aux antibiotiques. Le Cpias ARA est issu de la réorganisation du CClin Sud-Est et des Arlin Auvergne et Rhône-Alpes.
Quelles sont les missions du Cpias ?
• Le Cpias ARA contribue à l’expertise dans la gestion et la prévention du risque infectieux associé aux soins (IAS) dans les établissements de santé, les établissements et services médico-sociaux et le secteur des soins de ville. Nous agissons en appui du directeur général de l’agence régionale de santé (ARS), à l’Agence nationale de santé publique et aux professionnels de santé. Nos missions incluent par exemple des missions régionales de formation, d’animation de réseaux d’hygiéniste, d’évaluation, de conseil, d’expertise, de signalement, mais aussi d’information et de communication. Nous venons en appui des établissements pour investiguer des cas groupés et mettre en place des mesures correctives. Nous proposons des outils pratiques d’aide à la prévention. Nous avons aussi un rôle dans la prévention de l’antibiorésistance. Nous effectuons un travail avec des pharmaciens, infectiologues, infirmières et avec la commission antibiotiques des établissements pour veiller à ce que les précautions standards soient respectées, en particulier l’hygiène des mains.
Quelle est la particularité de la région ARA dans la lutte contre les IAS ?
• En Auvergne-Rhône-Alpes, des équipes mobiles d’hygiène ont été mises en place pour intervenir dans les Ehpad. Il existe actuellement vingt équipes mobiles d’hygiène, basées dans les hôpitaux, qui maillent toute la région Rhône-Alpes. Ce dispositif est en cours de montage en Auvergne.
Propos recueillis par A.-G. M.