L'infirmière Magazine n° 397 du 01/10/2018

 

IDE EN CENTRE MATERNEL

CARRIÈRE

PARCOURS

Sandra Mignot  

Méconnu, le rôle de la puéricultrice en centre maternel s’inscrit dans l’accompagnement et la multidisciplinarité Des postes rares, mais dans lesquels les professionnelles semblent aussi s’épanouir dans la durée.

La puéricultrice en centre maternel accompagne l’enfance, l’adolescence, la grossesse et la parentalité, en collaboration avec les autres professionnels, dans une mission de protection de l’enfance. » Cette définition, extraite d’un article d’Alix Haentjens, puéricultrice et coordinatrice de la maison Maëlis, à Marseille, semble simple.

Pourtant, l’exercice en centre maternel est peu connu et délicat à résumer. On sait qu’il existe une obligation légale pour les départements de disposer d’au moins un de ces centres, autrefois appelés maison ou hôtel maternel. Mais tous n’emploient pas nécessairement une puéricultrice au sein de leur équipe permanente. Ils peuvent choisir de s’organiser avec les professionnels des services de protection maternelle et infantile (PMI) pour des consultations et un suivi des enfants en externe. D’autres ont créé un poste d’infirmière comme référent santé global mère-enfant. D’autres encore possèdent une crèche en interne, gérée par une puéricultrice responsable.

MISSIONS LARGES ET PLURIDISCIPLINARITÉ

Globalement, les missions des puéricultrices en centre maternel demeurent celles attachées à leur formation, hors la réalisation de gestes techniques : éducation à la santé de l’enfant et prévention, accompagnement et observation du lien mère-enfant, conseil aux parents (accompagnement diététique, soins du corps, respect des rythmes de l’enfant…). « La principale différence avec le secteur du soin, c’est que nous sommes sur un temps long, celui de l’hébergement, et sur de l’observation, des réponses, un suivi au quotidien, explique Ophélie Chupin, puéricultrice au centre maternel d’Angers (Maine-et-Loire). Et puis, il faut aussi tenir compte de la problématique sociale, du projet d’insertion que les autres professionnels travaillent avec la maman, à côté de l’aspect santé. »

Intégrer un centre maternel, c’est en effet sortir du soin technique et de l’univers sanitaire pour découvrir le secteur social. « Tout est travaillé dans la durée, on n’est plus du tout dans action/réaction, explique Sophia C., chef de service crèche dans un centre maternel de région parisienne. Les choses n’ont plus le même degré d’urgence. Si on observe des symptômes inquiétants au niveau de la relation et du bien-être de l’enfant, on va prendre le temps d’en observer les causes, avant d’aborder les choses avec la maman. »

L’activité en centre maternel, c’est aussi la découverte d’une pluridisciplinarité riche, avec les professionnels de l’éducatif (moniteur-éducateur, éducateur de jeunes enfants, éducateurs spécialisés) et du social (conseillère en économie sociale et familiale, assistante sociale…). « Le travail en équipe passe beaucoup par des temps de synthèse, des réunions d’équipe, qui existaient aussi à l’hôpital mais en moins grand nombre », précise Ophélie Chupin. L’observation partagée (avec les autres professionnels du centre) est un des concepts-clés de l’exercice en centre maternel. « Toutes les décisions sont prises après de nombreuses discussions entre professionnels et avec les parents, observe Brigitte Desmons, responsable adjointe de la crèche de Porchefontaine, à Versailles (Yvelines). Et même lorsque le parcours débouche sur une recommandation de placement, cette façon de travailler fait que la décision viendra dans l’ordre des choses, par rapport à l’évolution de l’enfant auprès de sa maman. »

DES POSTES DIVERSIFIÉS

Au-delà de ces constats, il existe de nombreuses différences entre les pratiques des puéricultrices des centres maternels, même si la fonction demeure toujours transversale. « Chaque structure qui emploie une puéricultrice en fait un poste très différent, observe Alix Haentjens. Pour ma part, je suis entre la coordination d’équipe et paramédicale. Mon rôle est d’être le fil rouge entre l’équipe et la chef de service, entre les familles et les services médicaux. » À Angers, Ophélie Chupin a également sous sa responsabilité les auxiliaires de puériculture de la structure et les trois assistants familiaux chargés de prendre le relais lorsque les jeunes mamans saturent. Il peut donc y avoir une dimension managériale non négligeable. Et cette dernière est encore plus présente lorsque le centre maternel dispose d’une crèche pour la prise en charge des enfants en journée. La puéricultrice en est alors responsable. « Nous devons alors assurer le suivi des compétences des professionnels (auxiliaires de puériculture ou éducatrices de jeunes enfants), les aspects de gestion budgétaire, la construction du projet de service de la crèche… », ajoute Sophia C.

Les puéricultrices des centres maternels coordonnent également le lien avec les acteurs de santé extérieurs : PMI, maternité, pédiatre, planning familial… « Nous pouvons organiser avec eux des séances d’information, mais aussi accompagner les jeunes femmes en rendezvous si c’est nécessaire », explique Sophia C. Garante de la santé de l’enfant, la puéricultrice s’assurera donc aussi que la future maman suit bien les prescriptions médicales et d’hygiène de vie qui lui ont été formulées durant la grossesse. « Et il y a toujours beaucoup à faire quand les jeunes femmes n’ont pas vraiment été éduquées en la matière », précise la chef de service.

CÔTÉ STATUTS

Si tous les centres maternels relèvent de l’aide sociale à l’enfance, ils peuvent être gérés directement par le conseil départemental, et les professionnels recrutés ont alors un statut de fonctionnaire public territorial. Mais certaines collectivités territoriales délèguent la gestion à des associations. Là, les salariés relèvent alors le plus souvent de la convention collective nationale de 1966, qui organise l’activité des métiers du social. On trouve également des établissements territoriaux, dont les professionnels sont rattachés au statut de la fonction publique hospitalière. Enfin, il existe des établissements relevant du mouvement mutualiste, avec un statut propre. Les horaires de travail sont généralement des horaires de jour. Cependant, des établissements ont mis en place des permanences de soirée ou de week-end, et les puéricultrices qui ont un statut de chef de service peuvent assurer des astreintes.

IDE dans un centre maternel est donc un poste qu’il vaudrait mieux aborder après avoir cumulé des expériences dans plusieurs secteurs. « Pour ma part, je l’ai choisi en fin de carrière, observe Catherine Beaugrand, responsable de la crèche de Porchefontaine. J’estime qu’il permet de faire la synthèse de tout ce que j’ai fait avant : la néonatalogie, la PMI, le travail en crèche de ville. » Pour Catherine Agius, puéricultrice en centre maternel et chef de service adjointe au centre départemental de l’enfance et de la famille à Talence (Gironde), « le travail en PMI [est] quasiment indispensable à une prise de fonction sur ce lieu bien particulier d’accueil mère/enfant. En effet, l’accompagnement à domicile, le soutien à la parentalité dans ce moment de fragilité que peut représenter une naissance, et le suivi des familles en difficultés sociales et éducatives préparent bien aux missions de la puéricultrice en centre maternel. »

Une expérience préalable très variée et une bonne connaissance de l’enfant semblent en tout cas utiles. « Écoute, observation, patience et pédagogie sont aussi des qualités importantes pour exercer en centre maternel, observe Brigitte Desmons. Il faut savoir être disponible et à l’écoute, car les mamans débarquent à tout moment. » Travailler en centre maternel, c’est finalement intégrer un poste où les professionnelles apprennent ellesmêmes à se poser, pour mieux aider. Au point de ne même plus imaginer quitter cette fonction pour une autre. Lorsqu’on les interroge sur des perspectives de carrière, les puéricultrices de centre maternel ont du mal à formuler un projet. « Je suis tellement bien dans ce que je fais que j’y pense rarement », résume Frédérique Porcher, puéricultrice au centre parental de Rennes. Des évolutions seraient néanmoins possibles vers des postes de cadre dans le secteur social ou la fonction publique territoriale, comme auprès de l’aide sociale à l’enfance, après des formations complémentaires.

REPÈRES

Un centre maternel : quésaco ?

→ Selon la loi, ces centres accueillent « des femmes enceintes d’au moins 7 mois ou ayant un ou plusieurs enfants de moins de 3 ans. Ils proposent l’hébergement et un accompagnement éducatif de la relation mère/enfant, ainsi qu’un soutien à l’insertion sociale et professionnelle. » Les usagères sont orientées par un travailleur social qui aura repéré leurs problèmes financiers ou d’insertion. Dans les départements les mieux dotés, il existe plusieurs centres, dont certains se spécialisent dans l’accueil de futures mères, mineures ou non. La durée initiale de séjour est de six mois renouvelables.

→ Le code de l’action sociale et des familles définit les missions des centres maternels : assurer la protection des enfants en favorisant la qualité de la relation mère-enfant, rompre l’isolement des femmes en difficulté, informer les femmes enceintes afin de les aider à choisir de conduire ou non leur grossesse à terme, les préparer à l’accouchement en vue d’une maternité ou d’une adoption, assurer une aide matérielle, favoriser l’insertion des mères en les préparant à l’autonomie…

SOURCES UTILES

À LIRE

→ « Quand adolescence rime avec parentalité », A. Haentjens, C. Fugier, Les cahiers de la puéricultrice, juin/juillet 2018, pp. 24-29, n° 318.

→ « Puéricultrice en centre maternel », C. Agius, août/septembre 2015, pp. 33-36, n° 289.

FORMATION

→ Journées nationales d’études des puéricultrices, organisées par l’ANPDE, chaque année en juin. www.anpde.asso.fr/jne

→ Pikler Loczy France, créé pour diffuser la formation à la pédagogie de la prime enfance d’une pédiatre hongroise qui a travaillé sur le développement du petit enfant vivant en collectivité. http://pikler.fr