L'infirmière Magazine n° 398 du 01/11/2018

 

MÉDECINE DE GUERRE

DOSSIER

En zone de conflit, sous les bombes, sans accès à l’eau ou à l’électricité, le personnel humanitaire continue à agir. Pour les soignants, les gestes à effectuer relèvent parfois de la médecine de guerre.

Pascal Hundt, chef de la division assistance du CICR (1), donne les contours de ce champ particulier du soin qu’est la médecine de guerre : « Il s’agit de toute activité en lien avec des blessés dans des conflits (par balle, par explosion). » Pour agir efficacement, des organisations non gouvernementales (ONG) dispensent des formations spécifiques, lesquelles se multiplient car la nature des conditions de travail en zone de conflit a évolué. « Une large partie des conflits actuels sont de longue durée, avec des effets directs et indirects sur les gens. Il y a des blessés, certes, mais aussi un effondrement du système de santé. Par conséquent, il y a une recrudescence de maladies comme la polio, ou de mortalité des femmes par manque de soins après l’accouchement », explique Pascal Hundt.

La gestion des situations d’urgence

Le programme Health emergencies in large populations (Help, urgences sanitaires auprès d’une vaste population) du CICR est un exemple de formation pour préparer le personnel humanitaire aux conséquences des conflits. Help est ouvert à toute personne appelée à exercer son métier en situation d’urgence. Il aborde notamment les soins de santé, la nutrition, la prévention et le contrôle des maladies transmissibles, l’épidémiologie sur le terrain, la santé mentale, la violence sexuelle et le droit humanitaire international (2). « Dans ce genre de situation, le savoir-être est quasiment aussi important que le savoir-faire, met en avant Pascal Hundt. La formation aborde les notions de coordination avec les autres acteurs et la rapidité des actions, d’identification de dilemmes éthiques posés par des actions telles que faire le tri parmi les patients, prioriser une action au détriment d’une autre… » La formation du CICR, dispensée partout dans le monde, est souvent prise en charge par les employeurs des soignants. Si le coût entrave l’inscription, le CICR peut sponsoriser des candidats membres du personnel des comités nationaux de la Croix-Rouge et du Croissant-Rouge.

Autre exemple : la formation dispensée depuis 2013 et l’enlisement du conflit syrien par l’UOSSM (3) auprès de 12 000 stagiaires (médecins, sages-femmes, IDE, aides-soignants, casques blancs et secouristes) en Syrie, Turquie et Liban. Créée par Ziad Alissa, médecin anesthésiste réanimateur franco-syrien, et Raphaël Pitti, médecin de l’armée, l’organisation forme des équipes sur les lieux de guerre qui peuvent ensuite “reprendre la main” tandis que les soignants locaux sont surmenés… quand ils existent encore. « Durant le siège d’Alep, il n’y avait qu’un seul gynécologue et un chirurgien vasculaire pour une zone comparable à la Seine-Saint-Denis », regrette Ziad Alissa. L’approche est tant théorique que pratique : étude des pathologies de guerre (brûlures, blessures par mine ou explosion…), ateliers pratiques respiratoires et circulatoires (intubation, fréquence cardiaque…), ateliers autour de la prise en charge de la douleur et du transport des blessés, discussion de cas rencontrés. « À travers chaque cas clinique, on fait passer le message qu’il faut un chemin opératoire qui évite au soignant de se perdre car, avec le stress, les oublis sont possibles, il faut des protocoles », explique le soignant. L’un des dix modules proposés concerne les conséquences des bombardements aux armes chimiques, notamment utilisées en Syrie.

Sur le territoire français, l’université Lyon-I propose un diplôme universitaire (DU) de prise en charge des risques collectifs et sanitaires (4). « Il existait une formation diplômante à destination des médecins en capacité médicale des catastrophes. Nous avons décidé d’ouvrir ce DU aux autres soignants, cadres de santé et logisticiens. L’objectif est de pouvoir agir en cas d’incident ou d’attentat ici. Mais la formation peut aussi servir à l’étranger », indique le Dr Laurent Gabilly, médecin urgentiste et coordonnateur adjoint de l’enseignement. L’objectif est aussi de savoir comment réagir en cas d’une présence inhabituelle d’un grand nombre de victimes.

1- Comité international de la Croix-Rouge.

2- Plus d’informations sur : bit.ly/2O72Zsk

3- Union des organisations de secours et soins médicaux.

4- Plus d’informations sur : www.univ-lyon1.fr