L'infirmière Magazine n° 398 du 01/11/2018

 

FORMATION

BONNES PRATIQUES

Anne-Gaëlle Moulun  

L’évaluation gériatrique multidimensionnelle (EGM) est une démarche méthodologique interdisciplinaire qui guide la pratique afin de faciliter la prise en charge globale d’une personne âgée et d’identifier ses besoins. Dans cette évaluation, l’infirmière est un maillon essentiel.

L’évaluation gériatrique est un processus diagnostic interdisciplinaire dont l’objectif est de viser à l’identification des besoins spécifiques de la personne âgée. « C’est une approche multidimensionnelle : biologique, physique, psychologique, cognitive, sociale, culturelle, etc. Elle permet l’élaboration d’un projet personnalisé de soins et d’aide qui, en premier lieu, vise le maintien des capacités fonctionnelles et qui respecte les habitudes, l’histoire de vie du malade, ses attentes et ses désirs », explique le Dr Marie-Hélène Coste, gériatre en hospitalisation de jour à l’hôpital des Charpennes, à Lyon (HCL). Selon elle, la démarche d’évaluation a deux intentions : l’une fonctionnelle, qui est de maintenir ou restaurer l’autonomie, pour limiter l’impact des maladies chroniques ; l’autre préventive, qui est de retarder le déclin fonctionnel.

→ L’évaluation porte sur de nombreux domaines : contexte de vie, habiletés fonctionnelles dans les activités basales et instrumentales de la vie quotidienne, nutrition, cognition, affect, comportement, capacités motrices, risques de chute, habileté sensorielle, qualité de vie, motivation à accepter les soins ou à changer ses habitudes de santé… « Nous demandons à ce que les personnes âgées soient accompagnées et nous nous basons sur un recueil d’infor- mations à l’aide de grilles d’entretien et une évaluation clinique, souligne le Dr Coste. Nous utilisons des outils validés pour chacun de ces domaines. L’infirmière a en charge un certain nombre d’échelles d’évaluation et, à l’issue de ces dernières, donne des préconisations et des conseils, qui seront englobés dans la synthèse générale du médecin gériatre. »

→ Parmi les outils utilisés, on peut citer par exemple le Mini-mental score (MMS) permettant de détecter des troubles cognitifs, le Mini-nutrition assessment (MNA) pour évaluer la nutrition, ou encore le Mini geriatric depression scale (GDS) pour mesurer la dépression. Pour connaître le degré d’autonomie du patient, l’infirmière peut utiliser les échelles Activities of daily living (ADL) et Instrumental activity of daily living (IADL), qui évaluent les activités basales et instrumentales de la vie quotidienne. « Le questionnaire est effectué avec les proches et contribue à établir la grille Aggir(1) qui classe les patients en groupes d’autonomie et sert pour la mise en place des aides », détaille le Dr Coste.

→ L’infirmière procède à d’autres investigations : mesure de la tension artérielle, recherche d’hypotension orthostatique. Elle réalise aussi des tests sensoriels : mesure d’acuité visuelle, vision des couleurs, dépistage de la dégénérescence maculaire liée à l’âge (DMLA), vérification du suivi ophtalmologique régulier ou non des patients, test d’audition. Elle évalue aussi les risques environnementaux, vis-à-vis de la conduite automobile, des moyens de paiement, du démarchage, mais également les risques de chute. Si besoin, elle évalue la douleur.

→ L’infirmière se penche aussi sur les habitudes de sommeil du patient et sur le risque iatrogénique. « Elle récupère les coordonnées de la pharmacie d’officine pour avoir des informations sur les traitements et fait remplir au patient le questionnaire de Girerd qui évalue l’observance médicamenteuse, poursuit le Dr Coste. Au fil de la journée, elle évalue la motivation du patient et son aptitude à accepter les soins, à être motivé si on lui propose de l’aide ou une prise en charge. Enfin, elle mesure le besoin de soutien et le degré d’épuisement de l’aidant grâce au test Mini-Zarit, qui évalue le “fardeau” des aidants. À l’issue de l’évaluation, le gériatre fait une synthèse, regroupe les évaluations, les hiérarchise, pour établir le projet qui est ensuite communiqué au patient et à sa famille. Pilotée par le médecin gériatre, l’évaluation repose sur le binôme gériatre/infirmière et peut être complétée par l’intervention d’autres professionnels, « par exemple avec un kinésithérapeute, s’il y a des problèmes moteurs, avec un psychologue en cas de dépression, ou avec un orthophoniste. Cependant, l’infirmière a vraiment un rôle pivot dans ce processus. Elle a, à la fois, un rôle d’évaluation et d’observation tout au long de la journée d’hôpital de jour, mais aussi un rôle de fil conducteur entre les différents évaluateurs », souligne le Dr Coste.

1 - « Les degrés de perte d'autonomie sont classés en six groupes dits “iso-ressources” (Gir). À chaque Gir correspond un niveau de besoin d’aide pour accomplir les actes essentiels de la vie quotidienne. » Source : www.service-public.fr/particuliers/vosdroits