Prendre soin de ses dents est une des clés de la lutte contre la perte d’autonomie. C’est ce qu’assuraient les dentistes de l’UFSBD (1), lors de leur colloque annuel à Paris, le 4 octobre.
La santé bucco-dentaire des personnes dépendantes ne doit pas être oubliée. » C’est par ces paroles fortes que la présidente de l’UFSBD, Sophie Dartevelle, a ouvert le colloque que son organisation consacrait, le 4 octobre dernier, à la question de la dépendance. Un sujet qui ne peut laisser d’étonner : les chirurgiens-dentistes ne sont a priori pas les premiers concernés par les questions de toilette, de préparation des repas ou encore d’aide ménagère, qui sont le lot quotidien des professionnels de la prise en charge du vieillissement.
« Quand vous êtes en situation de dépendance, vous avez souvent différentes pathologies : il y a beaucoup de choses à régler, et la santé bucco-dentaire passe toujours en dernier, a assuré Sophie Dartevelle lors du colloque. Et puis, d’un seul coup, on se rend compte que la personne souffre, on se demande s’il n’y aurait pas un problème de dents, et cela devient une urgence. » La logique d’intervention préconisée par l’UFSBD tient donc en un mot : prévention.
Mais comme souvent, en matière de prévention, il est plus facile de dire ce qu’il faut faire que d’agir. Un geste aussi simple et efficace que le brossage de dents peut en effet, dans le cas d’une personne dépendante, devenir tout un problème.
« L’aide au brossage est quelque chose de très intime », témoignait Esther Schindler, responsable santé et autonomie à l’Union nationale ADMR (2), l’une des grandes fédérations de Ssiad et de Ssad (services de soins - infirmiers - à domicile). « C’est souvent un cap difficile à passer, pour la personne aidée comme pour le professionnel. C’est un rituel qui nécessite du temps et de la pédagogie. »
Autre problème : la visite périodique chez le dentiste, qui est, selon Sophie Dartevelle, l’un des piliers de la prévention en la matière. « On ne peut pas avoir une bonne santé bucco-dentaire sans contact avec un dentiste », a-t-elle martelé. Or, pour les personnes dépendantes, cette visite peut facilement devenir problématique. Aux obstacles logistiques évidents liés au transport s’ajoutent en effet des freins psychologiques. Elisabeth Drux-Cigana, aide médico-psychologique en service d’accompagnement médico-social pour adultes handicapés (Samsah), a notamment raconté lors du colloque qu’il lui était arrivé de devoir patienter cinq longues semaines pour que l’une de ses patientes à la joue gonflée par un abcès accepte enfin de se rendre chez le dentiste.
Et pourtant, l’enjeu est important car, derrière les pathologies carieuses et parodontales que l’hygiène dentaire permet d’éviter, se trouvent des enjeux majeurs pour la santé des personnes dépendantes. Premiers sur la liste : l’alimentation, les chutes ou bien les troubles bucco-dentaires affectant à la fois la capacité de mastication et l’équilibre. « L’hygiène bucco-dentaire doit entrer dans le mode de fonctionnement de tous les aidants, résume Sophie Dartevelle. Elle permet de limiter les besoins en soins, d’améliorer le bien-être, la qualité de vie, le sourire. » Bref, c’est un jeu qui en vaut la chandelle.
1- Union française de la santé bucco-dentaire.
2- Aide à domicile en milieu rural.
Afin de permettre à tous d’accéder aux soins bucco-dentaires, l’UFSBD a développé le programme Oralien, qui allie télémédecine et soins de proximité, pour parvenir à intervenir dans les établissements d’hébergement pour personnes âgées dépendantes (Ehpad) ou au domicile des personnes en perte d’autonomie.
Le programme se déroule en trois temps. D’abord, les encadrants, soignants ou aidants, sont formés pendant une journée aux enjeux de la santé bucco-dentaire, ainsi qu’aux gestes de prévention. Puis, un suivi d’indicateurs par télé-expertise est mis en place à l’aide de smartphones : les encadrants réalisent des vidéos envoyées aux dentistes afin de contrôler la santé bucco-dentaire des personnes prises en charge et pouvoir intervenir en cas de besoin. Enfin, un point d’étape est effectué au bout de six mois avec les équipes afin d’analyser et d’optimiser les pratiques.