L'infirmière Magazine n° 398 du 01/11/2018

 

COLETTE MOBILE

SUR LE TERRAIN

INITIATIVE

SANDRINE LANA  

Depuis 2016, un gros camion blanc sillonne la ville de Marseille, d’un centre d’hébergement pour femmes à l’autre. Pensée en complément de la Permanence d’accès aux soins de santé de l’hôpital de la Timone, cette Pass mobile, prénommée Colette, vient à la rencontre des patientes invisibles et désœuvrées.

À Marseille, comme ailleurs, le nombre de femmes sans-abri augmente et l’accès aux soins ne leur est pas garanti. « Elles subissent beaucoup de violences physiques dans la rue. Une transaction sexuelle est souvent une possibilité d’avoir un hébergement. Leur problématique prioritaire, c’est de trouver un toit et de l’argent pour manger. La santé vient après », rapporte Lucile Pio, coordinatrice de la Pass Colette (permanence d’accès aux soins de santé). Ce gros camion blanc de l’AP-HM (Assistance publique-hôpitaux de Marseille) prend, deux fois par semaine, la direction des centres d’hébergement pour femmes de la cité phocéenne (1). Dans le véhicule, une équipe composée d’une IDE coordinatrice, une assistante sociale, un généraliste et une gynécologue.

« Oui, nous pourrons la rencontrer à notre arrivée, pas de souci. » Lucile Pio répond au téléphone tandis que l’assistante sociale est au volant, en direction du centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Saint-Louis, situé dans le nord de la ville. Ces six derniers mois, la Colette mobile a vu passer près de 183 patientes, soit trois fois plus que depuis son lancement en 2016. Cela a été notamment possible grâce à l’augmentation du temps de travail de l’IDE, passée à temps plein (2). Dans le centre, une dizaine de femmes sont hébergées après un divorce, une expulsion ou à peine débarquées en France, sans papiers. Elles attendent les soignants en-ceintes, malvoyantes, malades chroniques ou simplement épuisées.

Un accueil médical et social

Une fois le camion stationné dans la cour centrale, les “Colettes” saluent les femmes en anglais, en arabe, en français et même parfois, en russe. « On n’a pas de blouse, on va discuter de manière informelle », explique Lucile Pio, présente depuis le début du projet.

Autour d’un café, l’équipe fait ensuite le point, patiente par patiente, avec Célia Chaillard, infirmière du CHRS. « Pour moi, la Pass mobile est indispensable dans la mesure où beaucoup de ces femmes n’ont pas d’accès aux soins ou ne peuvent pas se rendre à la Pass de La Timone [à l’autre bout de la ville, NDLR] », explique-t-elle.

L’intérêt de la Pass Colette est aussi d’avoir rapidement accès au plateau technique de l’AP-HM en cas de besoin urgent. « Notre réunion préalable permet d’éclaircir toutes les situations de manière holistique, paramédical, somatique et social réunis. » Le premier accueil se fait souvent en binôme, avec l’IDE et l’assistante sociale. Pour Jérémy Khouani, interne en médecine qui assure les consultations, « on ne pourrait pas travailler sans ce premier accueil plus social, qui permet l’ouverture des droits. Cela apporte un autre schéma de pensée dans l’équipe et me permet de me concentrer sur le soin. » Et d’ajouter : « La force de l’équipe mobile, c’est “l’aller vers”. Sans cela, certaines femmes ne seraient jamais soignées. »

Les soignants répondent aux bésoins des patientes qu’ils suivent de semaine en semaine : prescription et délivrance de médicaments, analyse de résultats du labo, prise de rendez-vous, rédaction de lettres à destination de spécialistes… Les questions gynécologiques sont très présentes chez ces femmes souvent en âge de procréer : « Nous posons ou retirons des stérilets. Il y a de nombreuses envies de grossesse. Un besoin d’une présence à ses côtés, d’être mère, de garder un conjoint protecteur. Nous ne sommes pas là pour encourager ou décourager mais pour répondre à un besoin », raconte Lucile Pio.

Ce projet a été financé à hauteur de 125 000 € par l’ARS depuis 2016. L’équipe est dans l’attente du renouvellement du financement.

1- La Colette mobile fait pour l’instant halte à l’unité d’hébergement d’urgence (UHU) Jane-Pannier, à la plateforme d’accueil des demandeurs d’asile (Pada), au centre d’hébergement et de réinsertion sociale (CHRS) Saint-Louis et à l’Amicale du Nid.

2- L’équipe médicale étant à 20 % et l’assistante sociale à 50 %.