La dénutrition ne touche pas que les pays en voie de développement. En France, elle affecte surtout les personnes âgées et celles atteintes de maladie chronique ou de cancer, affectant leurs capacités à lutter contre ces pathologies.
« Reconnaître la dénutrition comme une pathologie et allouer des moyens »
Pourquoi avoir monté le Collectif de lutte contre la dénutrition(1) ?
Depuis la création des Clan(2), par la directive du 29 mars 2002, peu de choses ont évolué quant à la prise en charge de la dénutrition, dont la prévalence ne baisse pas. Un groupe de médecins nutritionnistes a donc décidé, en 2015, de s’organiser afin d’éditer un manifeste(3). Il nous est apparu que les méthodes classiques, qui consistent à alerter le ministère, ne sont pas suffisantes. Nous allons donc ouvrir nos rangs à toutes les personnes mobilisées autour de cette problématique, afin de mener des actions auprès du grand public, comme le film diffusé en ligne fin 2018(4).
Que souhaitez-vous obtenir ?
Nous voulons que la dénutrition soit reconnue comme une pathologie et que des moyens soient alloués au dépistage et aux traitements. La mesure du poids devrait être obligatoire à chaque rendez-vous médical ou paramédical, voire chez le pharmacien, pour que ces professionnels renseignent le dossier médical partagé (DMP). Il faudrait aussi que l’alimentation à l’hôpital soit améliorée. Nous aimerions enfin que les consultations de diététique soient remboursées, de même que l’activité physique adaptée quand les patients ont besoin d’augmenter leur masse musculaire.
Ces décisions dépendent du ministère. Pourquoi vouloir mobiliser le grand public ?
Nous avons formulé des propositions à la Direction générale de la santé ; d’ailleurs, personne ne conteste nos chiffres. Mais, dans un contexte économique serré, il sera difficile d’avoir des budgets sans volonté politique forte. Pour obtenir ces moyens, il faudra convaincre de l’intérêt de les retirer ailleurs, aux examens ou soins inutiles. Nous ne disposons pas de la puissance d’un lobby pharmaceutique, la pression du grand public est donc indispensable pour peser sur les politiques. Il ne s’agit pas de culpabiliser les malades ou les familles, mais de les alerter sur la problématique de la dénutrition.
Concrètement, que proposez-vous ?
Nous avons lancé notre campagne vidéo sur les réseaux sociaux, nous espérons qu’elle sera largement relayée.?Le film est libre de droits. Sur notre site, nous proposons également d’alerter les députés grâce à une lettre pré-rédigée que l’on se charge d’envoyer quand les internautes l’ont signée.
Dans les années 1980, des voix se sont élevées contre l’absence de prise en charge de la douleur dans les soins, jusqu’à provoquer une indignation généralisée. Résultat : on ne laisse plus les patients souffrir. Nous aimerions une réaction similaire pour la dénutrition, pour que dans quelques années, on n’imagine plus qu’elle ne soit pas dépistée puis traitée.
Ne faudrait-il pas également impliquer les soignants ?
Si, bien sûr. Et nous demandons que la dénutrition soit systématiquement enseignée en médecine, mais aussi en Ifsi, en école de kinésithérapie, en Ifas, ainsi que dans les diplômes de service à la personne. L’information de tous les professionnels du soin est nécessaire, en formation intiale ou en formation continue.
2- Comités de liaison en alimentation et nutrition.
3- Manifeste de lutte contre la dénutrition, éditions du Bord de l’eau, 2016.
4- À voir sur : bit.ly/2A4wFNN