FORMATION REVUE DE LA LITTÉRATURE
Kinésithérapeute,
PhD, service de
réhabilitation respiratoire,
CH des pays
de Morlaix
Chez les patients atteints de broncho-pneumopathie chronique obstructive (BPCO), la qualité de vie et la capacité à l’exercice sont altérées(1-4) à cause de la dyspnée(5). La faiblesse musculaire est également fréquente et contribue à cette limitation d’exercice(6). Quand cette faiblesse concerne les muscles inspiratoires, la dyspnée peut être augmentée(7-8). La dyspnée étant la plainte principale des patients atteints de BPCO, sa diminution est l’objectif majeur de soins pour tous les professionnels de santé. De plus, l’efficacité clinique de la diminution de la dyspnée est corrélée à l’adhérence au traitement(9).
L’entraînement des muscles inspiratoires (EMI) est utilisé depuis longtemps(10). Il consiste à renforcer les muscles inspiratoires (le diaphragme est le muscle inspiratoire principal) par l’intermédiaire d’un appareil (voir photo ci-contre) qui permet au patient d’inspirer contre une résistance et ainsi améliorer la force de ses muscles inspiratoires. Ce renforcement doit être réalisé au moins trois fois par semaine pendant quinze minutes. Des bénéfices en termes d’amélioration de la qualité de vie, de capacité à l’exercice et de diminution de la dyspnée ont été démontrés(11-14). L’EMI est efficace seul ou associé à un programme de réhabilitation respiratoire (PRR) en termes de gain de force et d’endurance des muscles inspiratoires(11-14). Cependant, il n’est pas démontré que l’association de l’EMI à un PRR apporte une plus-value sur la diminution de la dyspnée14. Pour rappel, la réhabilitation respiratoire est une intervention globale et individualisée, reposant sur une évaluation approfondie du patient, incluant l’entraînement à l’effort, l’éducation thérapeutique, les changements de comportement visant à améliorer la santé globale, physique et psychologique des personnes atteintes de maladie respiratoire chronique et à promouvoir leur adhésion à long terme à des comportements adaptés à leur état de santé. La réhabilitation respiratoire doit être réalisée par une équipe transdisciplinaire afin d’apporter les compétences de chacun dans tous les domaines nécessaires au patient.
La dernière revue systématique a été publiée il y a sept ans. Il semblait important de mettre à jour ces résultats avec des études publiées plus récemment. Celles-ci se sont concentrées sur de nouveaux sujets (dyspnée) et permettent d’améliorer la connaissance des avantages de l’EMI chez les patients BPCO. L’objectif de cette revue de littérature était de vérifier les effets de l’EMI dans la BPCO sur la dyspnée, la qualité de vie, la capacité à l’exercice, la force des muscles inspiratoires et l’effet additionnel de l’EMI associé à un PRR (versus PRR seul).
La revue systématique a été enregistrée (Prospero registration number : CRD42015017638) et est rapportée selon le guide Prisma(15) qui propose une méthodologie en vue de publier une revue de littérature et/ou une méta-analyse.
Cette revue a été conduite à partir des bases de données Pub Med, Science direct, Cochrane Library, Web of Science, Pascal. Les mots clés suivants ont été utilisés : « inspiratory, respiratory, ventilatory, muscle et training ». Ils ont été appliqués sur des conditions de pathologies suivantes : « pulmonary disease, chronic obstructive, chronic obstructive lung disease, chronic obstructive airway disease et chronic obstructive pulmonary disease ».
Les critères d’éligibilité étaient l’accès au texte complet en langue anglaise ou française. L’équation de recherche était la suivante :
(inspiratory muscle training OR respiratory muscle training OR ventilatory muscle training) AND (pulmonary disease OR chronic obstructive OR chronic obstructive lung disease OR chronic obstructive airway disease OR chronic obstructive pulmonary disease)
Un filtre basé sur la période de recherche (01/01/2001 - 21/12/2017) a été utilisé.
Les critères d’inclusion étaient :
- études évaluant les effets de l’EMI (avec un appareil à seuil) chez des patients BPCO en état stable ou en cours d’exacerbation ;
- études incluant un de ces résultats : dyspnée, qualité de vie, capacité à l’exercice, pression inspiratoire maximale (PImax). Les essais contrôlés randomisés, contrôlés non randomisés et les études de cohortes étaient inclus dans cette revue.
Le titre et le résumé ont été lus par deux investigateurs pour identifier les articles pertinents.
Les articles retenus ont ensuite été évalués de manière critique et indépendante par deux investigateurs sur les composantes suivantes : la taille de l’échantillon, les caractéristiques des patients et la fonction pulmonaire, l’intervention (durée, fréquence, intensité, outil utilisé), la comparaison, le résumé des résultats, la force et les limites de l’étude.
Pas moins de 2 058 articles ont été identifiés et 43 ont été inclus(16). Les motifs d’exclusion des études sont mentionnés dans la figure 1 (15)(voir p. 59).
Vingt-trois études utilisaient la dyspnée comme critère de résultat(16). Avec l’échelle de Borg ou l’EVA appliquée à la dyspnée, les auteurs ne retrouvaient pas de diminution significative de la dyspnée grâce à l’EMI. En utilisant l’échelle BDI-TDI (Baseline and Transitional Dyspnea Index), l’échelle de dyspnée mMRC (Modified Medical Research Council) ou l’item dyspnée du questionnaire CRQ (Chronic Respiratory Questionnaire), la diminution de la dyspnée était significative. À l’exercice, l’EMI permettait une diminution de la dyspnée mais lorsque l’EMI était associé à un PRR, les auteurs ne retrouvaient pas d’effet additionnel, comparativement à un PRR seul (sans EMI).
Concernant la qualité de vie
Neuf études évaluaient l’impact de l’EMI sur la qualité de vie(18). Le questionnaire Saint-Georges est un questionnaire spécifique qui permet de mesurer la qualité de vie des personnes vivant avec une BPCO.
Tous les auteurs sauf un rapportaient une amélioration significative de la qualité de vie.
Trente-trois études évaluaient la capacité à l’exercice avec différents outils (test de marche de six minutes (22 études), test de marche de douze minutes (5 études), test de la navette (3 études) et test d’effort (5 études)(16). L’EMI améliore significativement la distance de marche à six minutes et la différence était cliniquement significative. L’EMI améliore la puissance maximale atteinte lors de l’épreuve d’effort (sauf pour un auteur).
Quarante et une études évaluaient la force des muscles inspiratoires(16). La force des muscles inspiratoires (évaluation réalisée par la mesure de la pression inspiratoire maximale) était systématiquement améliorée après un EMI.
L’objectif de cette revue était d’évaluer les effets de l’EMI sur la dyspnée, la qualité de vie, la capacité à l’exercice et la force des muscles inspiratoires chez des patients atteints de BPCO. Huit essais randomisés et un essai non randomisé ont été publiés depuis la dernière méta-analyse de Gosselink en 2011, malgré le fait que les auteurs mentionnaient clairement la nécessité d’études supplémentaires(14).
La fréquence de l’EMI et l’intensité sont variables en fonction des études ; la fréquence allant de deux à sept fois par semaine, avec une intensité variant entre 30 et 80 % de la PImax initiale. Cela démontre le manque de recommandations claires sur les modalités des programmes d’EMI. Même si Gloeckl et al. ont publié un guide pratique pour l’utilisation de l’EMI en réhabilitation respiratoire(17), un manque de recommandations claires sur les modalités de l’EMI persiste.
Depuis 1996, quatre essais randomisés et un essai contrôlé ont évalué les bénéfices additionnels de l’EMI sur la dyspnée durant un PRR. Dans toutes les études, la dyspnée était diminuée, mais les auteurs ne retrouvaient pas d’effets bénéfiques supplémentaires de l’EMI associé à un PRR, comparativement à un PRR seul, sur la diminution de la dyspnée. Selon le groupe de travail ATS/ERS(9), des études sont donc nécessaires pour évaluer l’effet additionnel de l’EMI sur la dyspnée pendant un PRR.
L’EMI améliore la force des muscles inspiratoires, la qualité de la vie (questionnaire Saint-Georges) et la capacité d’exercice (test de marche de six minutes), et diminue dyspnée (BDI-TDI). Il n’y a aucun effet supplémentaire de l’EMI sur la dyspnée pendant un PPR, comparativement avec un PRR seul. Cependant, les effets de l’EMI sur la dyspnée et la qualité de la vie doivent être plus étudiés. De plus, des études sont nécessaires afin de déterminer les modalités optimales pour l’EMI. Une attention particulière devrait être portée à l’association d’EMI avec un programme de réhabilitation respiratoire. Les résultats obtenus concourent à éclairer les équipes amenées à intervenir auprès de ces patients pour proposer un parcours de soins coordonné et adapté en se basant sur des données probantes. Le projet personalisé du patient n’en sera que plus cohérent.
CHAQUE MOIS, UNE INFIRMIÈRE RÉALISE UNE REVUE DE LA LITTÉRATURE À PARTIR D’UN QUESTIONNEMENT SUR SA PRATIQUE ET VOUS LIVRE LE RÉSULTAT DE SES RECHERCHES.
EN PARTENARIAT AVEC : LA COMMISSION NATIONALE DES COORDONNATEURS PARAMÉDICAUX DE LA RECHERCHE
L’auteure déclare ne pas avoir de liens d’intérêts
COORDINATION :
VALÉRIE BERGER
IDE, Ph. D., cadre supérieure de santé, coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Bordeaux, membre de la CNCPR. valerie.berger@ chu-bordeaux.fr
EMMANUELLE CARTRON IDE, Ph. Ds., coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Nantes, membre de la CNCPR. emmanuelle.cartron@ chu-nantes.fr