L'infirmière Magazine n° 400 du 01/01/2019

 

BILAN HAS

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À LA UNE

ADRIEN RENAUD  

La Haute autorité de santé a présenté en décembre la dernière mouture de ses indicateurs de qualité et de sécurité des soins dans les établissements. Vaste travail quia pour objectif d’informer le public et d’inciter les structures médicales à s’améliorer.

Bien, mais peut encore mieux faire. C’est ainsi que l’on pourrait résumer le bulletin de notes que la Haute autorité de santé (HAS) vient d’adresser à l’ensemble des établissements de santé, tous secteurs confondus. Cette dernière a, en effet, présenté à la fin de l’année dernière ses traditionnels indicateurs de qualité et de sécurité des soins (IQSS). Comme les années précédentes, le millésime 2018 de cette évaluation met en évidence les points forts des structures, mais aussi ceux pour lesquels des progrès doivent être réalisés. Les IQSS sont issus de diverses sources. Certaines données sont directement extraites du programme de médicalisation des systèmes d’information (PMSI), vaste base de données médico-administrative enregistrant les soins remboursés par l’Assurance maladie. D’autres sont recueillies via e-Satis, un questionnaire de satisfaction adressé aux patients en sortie d’hospitalisation. Le reste des informations est produit par les établissements eux-mêmes, en répondant à des questionnaires ou en analysant des échantillons de dossiers patient.

Quelques satisfecit

Première bonne nouvelle : la satisfaction des personnes hospitalisées est relativement bonne. Le score global de satisfaction, obtenu à partir des réponses de plus de 320 000 patients à un formulaire d’une soixantaine de questions, est de 73/100 pour les hospitalisations de plus de 48 heures, et de 76/100 pour les hospitalisations en ambulatoire. « Au premier abord, ce sont des résultats corrects », commentait la présidente de la HAS, Dominique Le Guludec, lors de la présentation officielle des résultats, avant d’ajouter aussitôt qu’il y a « une vraie marge de progression ». La HAS indique d’ailleurs qu’elle entend bien continuer à mesurer la satisfaction des patients lors des prochaines éditions des IQSS. Ce qui signifie bien que cet élément reste à améliorer.

Car, en matière d’IQSS, le succès n’est véritablement atteint que lorsque la HAS décide d’arrêter de mesurer un indicateur. C’est par exemple ce qui va se passer l’année prochaine avec le dépistage des troubles nutritionnels dans les établissements de médecine, chirurgie ou obstétrique (MCO) ainsi qu’en soins de suite et de réadaptation (SSR). Dans les premiers, l’analyse de 89 000 dossiers dans 1 143 établissements a cette année fait apparaître un score de 80 %, en hausse de 4 points par rapport à 2017. En SSR, le score est de 82 % (+ 2 points) pour 113 000 dossiers dans 1 481 établissements. Devant cette progression, la HAS a décidé de concentrer en 2020 ses forces sur d’autres indicateurs. Elle s’abstiendra également de mesurer l’évaluation de la douleur post-opératoire ou encore du bon usage des antibiotiques qui, après plusieurs années de mesure, lui donnent désormais satisfaction. Ce qui n’est pas le cas des aspects concernant la coordination ville-hôpital. Cette dernière est en effet l’un des points faibles relevés par la HAS à l’occasion des IQSS.

Sortie d’hospitalisation : peut mieux faire…

La question de la sortie d’hospitalisation est notamment dans le viseur de l’institution présidée par Dominique Le Guludec. Le symbole de cette insuffisance est certainement la lettre de liaison : celle-ci était présente dans 37 % des 88 500 dossiers analysés, mais elle n’avait été remise au patient que dans… un cas sur quatre. Pire, la synthèse du traitement médicamenteux, qui devrait se retrouver systématiquement dans la fameuse missive, n’y figurait qu’une fois sur trois. « Les documents de sortie ne sont pas encore une évidence pour tout le monde, et ils sont souvent vécus comme une contrainte », regrette Annabelle Mathon, cadre supérieure de santé en charge de la qualité et de la gestion des risques au CH de Blois. « Nous sommes peut-être encore trop hospitalo-centrés, et beaucoup de professionnels considèrent encore que le compte-rendu, c’est pour le dossier, pas pour la continuité des soins », poursuit-elle. La cadre qui, de par ses fonctions est amenée à organiser la collecte des indicateurs de la HAS dans son établissement, estime d’ailleurs que les IQSS sont un vecteur efficace d’amélioration des pratiques professionnelles. Elle explique que le recueil a impliqué cette année une vingtaine de professionnels de son CH. « C’est un travail qui permet de donner du sens à ce que l’on fait, c’est l’occasion d’expliquer à quoi cela sert de tracer telle ou telle chose dans un dossier patient, estime-t-elle. C’est aussi l’occasion de favoriser les échanges entre professionnels, et de valoriser leur travail ». Un avis que partage Marielle Marbach, ingénieure qualité aux hôpitaux de Saint-Maurice, dans le Val-de-Marne. « Il faut voir le recueil des indicateurs comme une dé?marche d’amélioration, et pas comme une charge administrative, assure-t-elle. C’est aussi un exercice qui permet de diffuser le référentiel de la HAS ». La responsable reconnaît toutefois qu’il s’agit d’une tâche qui prend du temps, et qui peut peser sur le quotidien des équipes. Mais pour elle, ce temps est bien utilisé. « Si on se dit qu’on ne va pas embêter les IDE avec cela parce qu’elles n’ont pas le temps, on va s’appauvrir », prévient-elle.

Mesurer les résultats et non les processus

Reste que d’après certains spécialistes, le travail de la HAS sera considéré comme incomplet tant qu’il intégrera majoritairement des indicateurs de processus, qui vérifient la conformité des pratiques aux normes, ou des indicateurs de satisfaction, qui mesurent le ressenti des patients. « J’insiste depuis plusieurs années sur la nécessité d’intégrer des indicateurs de résultat, nous avons en France un retard considérable sur ces questions » affirme le Pr Alain Bernard, chirurgien au CHU de Dijon et spécialiste des méthodologies d’évaluation. Par « indicateur de résultat », il faut entendre ce qui arrive au patient après l’hospitalisation. Complica-tions, réhospitalisations, décès… La HAS n’a intégré qu’un indicateur de cette nature dans ses IQSS : elle a en effet mesuré les événements thrombo-emboliques (thrombose veineuse profonde, embolie pulmonaire) qui surviennent après une pose de prothèse totale de hanche ou de genou. En 2018, ces complications survenaient dans 0,88 % des opérations. « L’objectif est de permettre aux équipes de savoir quel est leur taux, de savoir ce qui est attendu en fonction du profil des patients qu’ils soignent, et de s’interroger sur la prévention et le diagnostic des complications », commente Dominique Le Guludec. La présidente de la HAS précise que la mesure des indicateurs de résultat nécessite en amont un important travail pour vérifier leur qualité. « Avant de rendre publics de tels indicateurs, il faut être sûr de leur pertinence », explique-t-elle. Elle promet d’ailleurs pour 2019 l’introduction de nouveaux indicateurs de résultat : mortalité spécifique 30 jours après un infarctus du myocarde, réhospitalisaions entre J+1 et J+3 après une chirurgie ambulatoire… Le Pr Alain Bernard prévient que de telles évolutions ne pourront avoir lieu que si l’on fait preuve de pédagogie. « Sinon, les professionnels vont se braquer », avertit-il. L’expérience d’Annabelle Mathon, au centre hospitalier de Blois, le confirme. « Nos résultats concernant les complications en chirurgie orthopédique sont bons, mais les chirurgiens n’ont absolument pas compris ce qui a été fait, explique-t-elle. La méthodologie était très complexe, ils ont eu l’impression qu’on est allé chercher les données à leur insu… » Voilà qui promet de belles discussions lors de l’introduction des nouveaux indicateurs de résultat cuvée 2019.

ÉVÉNEMENTS INDÉSIRABLES

Rien à déclarer, vraiment ?

→ La Haute autorité de santé a publié fin novembre 2018 son premier rapport sur les événements indésirables graves associés aux soins (EIGS), réalisé sur la base des déclarations faites par les soignants entre mars et décembre 2017 sur le site signalement-sante.gouv.fr.

Rappelons que les EIGS concernent tout événement inattendu au regard de l’état de santé du patient et qui a entraîné pour celui-ci un déficit fonctionnel permanent, la mise en jeu de son pronostic vital ou son décès.

→ Sur la période étudiée, 1 870 déclarations ont été effectuées, parmi lesquelles 288 déclarations complètes et anonymisées ont pu être analysées par la HAS. Celle-ci a recensé 28 cas d’erreurs médicamenteuses, 36 événements générés par un geste opératoire ou technique, 51 cas de suicide, 43 cas de défaillances de diagnostic et 41 cas de chute. Elle regrette toutefois disposer de « trop peu de déclarations pour en tirer des conclusions généralisables ».

→ La HAS encourage donc les professionnels à déclarer plus systématiquement les EIGS (et rappelle au passage que la déclaration est obligatoire), ainsi qu’à développer ce qu’elle appelle une « culture non-punitive de l’erreur ».