L'infirmière Magazine n° 400 du 01/01/2019

 

ÉDITORIAL

HÉLÉNE TRAPPO  

RÉDACTRICE EN CHEF

Que deviendra la mobilisation des « gilets jaunes », qui a tenu en haleine la France entière durant ces deux derniers mois ? Difficile de le prévoir tant ce mouvement hors-norme, né sur les réseaux sociaux, que pas même ses protagonistes n’ont vu venir, est à bien des égards inédit et exemplaire. Pour une fois, c’est la France des oubliés, celle des victimes de la fracture territoriale, celle « des découverts en milieu de mois », habituellement silencieuse, qui s’exprime. Pour une fois, c’est un mouvement sans tête d’affiche et, trop fort, qui remporte plus que n’ont jamais pu obtenir les syndicats réunis ces dernières années. D’aucuns pensent que c’est la violence, dont les images ont tourné en boucle dans les médias, qui a fait reculer le gouvernement. Dire cela, c’est nier la légitimité des revendications. Et ce qui les rend si légitimes pourtant, c’est bien cette spontanéité qui s’est emparé de ces hommes et femmes, habituellement aux abonnés absents des manifestations. D’aucuns diront que le mouvement n’est pas structuré mais très vite, les revendications ont dépassé la seule question du pouvoir d’achat et exprimé la volonté d’interroger le système politique en place, d’exister pour les politiques.

Si je vous parle aujourd’hui des « gilets jaunes », c’est bien parce qu’ils font écho à plusieurs égards au vécu des soignants (certaines ont d’ailleurs enfilé leur gilet et joué du klaxon). De ces infirmières dont le pouvoir d’achat est en baisse, avec un salaire moyen en 26e position sur 29 pays européens  ! Et que dire des aides-soignantes, qui pourraient bien passer sous le Smic. Oubliés donc, les soignants, comme ils le clamaient le 20 novembre dernier. Trop inaudibles aussi. Reste à espérer que 2019 soit l’année de la remise en cause en haut lieu pour une meilleure écoute d’une profession en souffrance.