L'infirmière Magazine n° 400 du 01/01/2019

 

CARRIÈRE

GUIDE

LISETTE GRIES  

Dès ce mois-ci, l’impôt sur le revenu sera directement retenu sur les salaires. Cette « modernisation du recouvrement » n’est pas préjudiciable pour les employés, pour peu que l’on en comprenne les subtilités.

Malgré les hésitations et ajournements du gouvernement, le prélèvement à la source (PAS) de l’impôt sur le revenu entre en vigueur dès ce mois de janvier 2019. L’objectif de ce nouveau mode de paiement de l’impôt : supprimer le décalage dans le temps entre la perception des revenus et le versement de l’impôt correspondant. En effet, jusqu’à l’an dernier, on ne payait l’impôt dû au titre des revenus d’une année N qu’à la fin de l’année N+1. Désormais, l’impôt sera directement ponctionné sur le salaire. « Pour celles et ceux qui connaissent des changements de situation financière et familiale, l’impôt s’adaptera plus vite », souligne le ministère des Finances publiques.

Calcul identique

• Seule la façon de collecter l’impôt est modifiée : le mode de calcul est inchangé. Tous les revenus du foyer restent pris en compte, tout comme la composition de ce dernier, et un barème par tranches progressives s’applique toujours. Le système de réductions fiscales et de crédits d’impôts est également maintenu. Enfin, il sera toujours obligatoire de déclarer ses revenus de l’année précédente au cours du printemps, et les contribuables continueront de recevoir un avis d’imposition à l’automne.

• Les informations contenues dans la déclaration de revenus serviront à l’administration fiscale pour déterminer un taux moyen d’imposition. Ainsi, en 2019, les salaires sont obérés d’un pourcentage, propre à chaque personne, calculé par l’administration fiscale en fonction de la déclaration de revenus 2017 (transmise au printemps 2018). Ce pourcentage, appelé taux personnalisé d’imposition, correspond à ce que représente le montant de l’impôt pour le revenu global du foyer.

• Par exemple, un couple marié sans enfants déclare un revenu annuel de 44 000 €, et ne peut faire valoir aucune réduction fiscale. Le fisc leur réclame donc 2 547 € au titre de l’impôt sur le revenu. Comme 2 547 représentent 5,8 % de 44 000, leur taux d’imposition est de 5,8 %. C’est le chiffre transmis par l’administration fiscale aux contribuables ainsi qu’à leurs employeurs. Dès janvier, ces derniers retiennent 5,8 % de leur salaire net, pour être reversé au fisc. Le même taux de retenue s’applique sur leurs indemnités journalières en cas d’arrêt maladie, maternité ou chômage.

Choisir son taux

• L’un des avantages du PAS est d’introduire une forme de souplesse, afin que l’impôt versé chaque mois corresponde au plus près à ce que chacun doit. Ainsi, dans un même foyer, les membres de la famille peuvent choisir des taux individualisés d’imposition. Dans le cas du couple cité précédemment, imaginons que le mari gagne 18 000 € par an et son épouse 26 000. S’ils font le choix de taux individualisés, il sera imposé à hauteur de 1,7 % et elle, de 8,6 %. Au final, le montant global de leur impôt sera identique, mais son paiement sera réparti différemment entre les époux.

• Autre choix possible : opter pour le taux neutre. Cette solution offre l’avantage de ne transmettre à personne, hors administration fiscale, la moindre information sur son niveau d’imposition. Une grille s’applique alors en fonction du salaire mensuel versé. Après la déclaration de revenus, s’il apparaît que la somme ainsi versée est plus élevée que l’impôt effectivement dû, l’administration fiscale restituera le trop-perçu au contribuable. Enfin, en cas de changement de situation (naissance d’un enfant, décès d’un membre du foyer, perte d’emploi, augmentation significative de salaire…), les contribuables pourront en informer l’administration fiscale sans attendre la déclaration de revenus.

• Les foyers devront déclarer leurs revenus au printemps, comme auparavant, dans tous les cas. Ils recevront à l’automne un avis d’imposition qui ajustera les taux à partir de septembre. Si un changement est intervenu dans leur situation fiscale et qu’ils ne l’ont pas signalé avant la déclaration de revenus, il en sera tenu compte à ce moment-là.

Les particularités de l’exercice libéral

• Pour les Idel, si le principe général est identique, le fait qu’elles ne soient pas salariées modifie évidemment son application. Le même mode de calcul est utilisé: le taux est déterminé en fonction des revenus et de la situation du foyer. Il est également possible d’opter pour un taux personnalisé, et de déposer une demande de ré-évalution en cours d’année en cas de changement de situation.

• Mais comme elles n’ont pas d’employeurs, ce sont elles qui versent - à l’instar des autres professions libérales - un acompte de l’impôt de l’année en cours. Ces versements peuvent être mensuels ou trimestriels. Le taux de l’impôt et le montant des acomptes versés leur ont été indiqués sur leur dernier avis d’imposition, et ont été déterminés à partir des revenus 2017. Ils seront réévalués à partir de septembre 2019, en fonction des informations fournies dans la déclaration de revenus 2018 transmise au printemps.

2018, année « blanche » ?

Cette expression est souvent revenue dans les discussions autour du PAS. Elle recouvre une certaine réalité : un dispositif permet effectivement aux contribuables de ne pas payer en 2019 à la fois l’impôt sur les revenus 2018 et sur ceux de 2019.

• Le crédit d’impôt de modernisation du recouvrement (CIMR) implique donc que les revenus 2018 ne soient pas taxés. Cependant, si la dé?claration de revenus 2018 fait appa-raître des primes inhabituelles, ou d’autres revenus considérés comme exceptionnels en comparaison avec les revenus des années précédentes, cet excédent sera soumis à l’impôt.

• Les réductions et crédits d’impôts acquis en 2018 sont cependant maintenus (frais de garde des enfants de moins de 6 ans, dons aux associations, etc.). « Une avance de 60 % calculée sur la base de la situation fiscale de l’année antérieure sera versée le 15 janvier 2019 sur le compte bancaire pour lequel vous aurez communiqué ou confirmé les coordonnées préalablement dans votre déclaration de revenus. Le solde sera versé à l’été 2019 », précise le ministère de l’Économie et des Finances publiques.

Cas particuliers

Si pour les salariés, tout est relativement facile, de même que pour les libéraux, des cas particuliers peuvent évidemment émerger, les carrières n’étant pas linéaires. Ainsi, en cas de nouvel employeur ou de premier contrat démarré en 2019, difficile de savoir quel taux sera appliqué.

• Pour les salariés ayant déjà un taux d’imposition connu, la Direction générale des finances publiques (DGFiP) met cette information à disposition des employeurs. En cas de délai suite à un changement d’employeur, c’est le taux neutre qui s’applique, le temps que la situation soit régulée.

• De même, pour un premier emploi, le taux neutre est appliqué tant que l’administration fiscale n’a pas pris connaissance de la situation du foyer du contribuable. Si une somme supérieure à celle due a été prélevée par ce taux neutre, un ajustement interviendra en fin d’année. Dans tous les cas, le salarié n’a rien à transmettre directement à son employeur.

• En cas d’exercice mixte, les deux systèmes - retenue et acomptes - s’appliquent, avec un taux identique. Il y a une retenue sur les salaires, que l’employeur restitue aux Finances publiques, et des acomptes à payer directement pour la partie libérale. Là aussi, un ajustement interviendra en septembre 2019.

• Enfin, en cas de démarrage d’exercice libéral en cours d’année 2019, deux options s’offrent aux nouvelles Idel. Soit elles font une estimation de leur bénéfice annuel pour verser des acomptes dès le démarrage de l’activité, et seront sujettes à une régularisation dès l’année suivante, soit elles attendent l’avis d’imposition de septembre 2020 pour s’acquitter de la totalité de l’impôt de 2019.

SAVOIR PLUS

→ Le site du ministère des Finances publiques :www.economie.gouv.fr/prelevement-a-la-source

→ Pour les réductions d’impôts liés aux donsaux associations, le guide de la Cimade (//bit.ly/2RVfLb7)

→ Le guide en ligne de l’Union nationale des professions libérales (/bit.ly/2LeQKFm)

INTERVIEW

MAGALI AUGU Juriste à la MACSF (Mutuelle d’assurance desprofessionnels de la santé)

Est-il trop tard pour faire changer son taux d’imposition ?

• Non, la demande de modification du taux d’imposition est un droit. Certaines personnes qui ont choisi le taux neutre vont finalement préférer un taux personnalisé, plus intéressant pour elles, d’autres vont voir leur situation évoluer… De façon générale, il faut se rappeler que le taux neutre correspond à l’imposition d’une personne célibataire sans enfant. Donc pour une personne en couple avec des enfants, l’avance faite aux impôts peut se révéler préjudiciable en terme de pouvoir d’achat. Les contribuables peuvent donc informer d’un changement de leur situation, ou modifier leurs choix, à tout moment dans l’année. L’administration fiscale transmettra le nouveau taux à l’employeur, mais il faut prévoir un petit délai d’instruction.

Le PAS ne menace-t-il pas la confidentialité des niveaux de ressources des ménages ?

• Il faut garder à l’esprit que seul le taux d’imposition est connu, pas le niveau global des revenus, ni même le montant global de l’impôt. Or, un même taux peut recouvrir des situations très variées. De plus, seul le service RH a accès à ce taux, qui est considéré comme confidentiel. Mais si l’on souhaite tout garder secret, il est toujours possible d’opter pour le taux neutre.

Tous les revenus sont-ils concernés ?

• Presque tous. Pour les IDE hospitalières, les salaires et traitements, comme les indemnités journalières en cas de maladie ou de congé maternité, puis la pension de retraite se verront appliquer une retenue directe par l’organisme payeur. Elles n’ont pas à s’en occuper. Les Idel, de leur côté, versent un acompte mensuel de leur impôt, en fonction du bénéfice envisagé. Mais pour les prestations de type prévoyance, pour les libérales, il y a une subtilité. Seules celles qui ont opté pour des contrats dits « loi Madelin » seront imposées sur ces revenus spécifiques (leurs cotisations étant déductibles des impôts) et seront susceptibles d’être soumises à la retenue à la source en cas de cessation définitive d’activité.

PROPOS RECUEILLIS PAR LISETTE GRIES