L'infirmière Magazine n° 401 du 01/02/2019

 

ÉDITORIAL

HÉLÉNE TRAPPO  

RÉDACTRICE EN CHEF

Absurdes, désespérants, malvenus… Les qualificatifs ne manquent pas pour fustiger les propos tenus par Didier Guillaume, ministre de l’Agriculture, sur BFM TV le 16 janvier dernier, expliquant sans ciller que « le vin n’est pas un alcool comme les autres » et voulant « éduquer les jeunes à boire du vin ». Des propos qui n’ont pas manqué de mettre le feu aux poudres et provoquer l’ire des spécialistes. Et il y a de quoi. Comme n’a pas manqué de le lui rappeler Agnès Buzyn elle-même, le propos est sans fondement scientifique, « la molécule d’alcool contenue dans le vin est la même que celle contenue dans n’importe quelle boisson alcoolisée ».

Les propos de Didier Guillaume vont de plus à l’encontre des messages de prévention que l’on martèle depuis des années. Ils interviennent en outre peu après la publication du plan contre les addictions, resté plusieurs mois dans les cartons, et dont les mesures pour lutter contre l’addiction à l’alcool sont jugées bien “faiblardes”, la hausse du prix ayant été écartée (lire p. 20). Ces affirmations viennent donc finalement braquer à nouveau le projecteur sur un problème soulevé durant l’élaboration de ce plan : celui de l’influence du puissant lobby viticole. Dans ce contexte, on s’interroge sur la capacité de la France, qui a déjà du mal à s’attaquer au tabou de l’alcool, à lutter efficacement contre ce fléau qu’est l’alcoolisme. Plus largement, comment rendre efficace une politique de prévention qui, par essence, n’est déjà pas simple à mettre en œuvre - les résultats ne sont que rarement à la hauteur des attentes - si à peine née, elle est déjà entachée ? Or, la prévention nécessite une démarche pédagogique, éducative, reposant sur la confiance et une certaine éthique.