L'infirmière Magazine n° 401 du 01/02/2019

 

CRISE DES MIGRANTS

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YVAN PANDELÉ  

Dans une tribune publiée en décembre, les associations d’aide aux migrants dénoncent une « faillite de l’État » et appellent les pouvoirs publics à agir face à une situation devenue intenable.

Ils sont Érythréens, Éthiopiens, Soudanais ou Afghans, et dorment dans les rues de Paris depuis des mois, parfois des années. Dans une tribune publiée le 30 décembre dans le Journal du dimanche, les acteurs de terrain appellent les pouvoirs publics à réagir face à une situation qui « confine à une mise en danger délibérée ». Quatorze associations, dont la Ligue des droits de l’homme, Médecins sans frontières, Emmaüs France ou Dom’Asile, l’ont signée. « [Les] personnes à la rue ont toujours plus de difficultés à se nourrir, à se soigner, à trouver une information fiable pour faire valoir leurs droits élémentaires, dénonce le texte. Elles sont moins visibles dans l’espace public, […] contraintes de se cacher pour se soustraire à la violence policière et à la pression administrative. » Un véritable « cycle infernal », fruit d’un « jeu de ping-pong institutionnel qui n’a que trop duré ».

« C’est une troisième violence », estime Louis Barda, coordinateur général du programme d’accueil des migrants à Paris pour Médecins du monde (MDM), initiateur de la tribune. Après le choc du départ, les exactions et les traumatismes vécus lors de la migration, la vie dans le pays d’accueil se transforme souvent en enfer administratif et social. « Les exilés à la rue sont pour les deux tiers des déboutés du droit d’asile et des dublinés(1) », explique Louis Barda.

Depuis la fermeture du camp de Calais en 2017, les migrants en situation irrégulière ont afflué en masse sur la capitale. Les camps de fortune sont depuis régulièrement dispersés par les forces de l’ordre, sans que les solutions d’hébergement suivent. L’État, « premier responsable », et la mairie de Paris, « premier témoin », se renvoient la responsabilité, sur fond de rivalités politiques.

1 200 places d’hébergement prévues

Une fois n’est pas coutume, le cri d’alarme des associations semble avoir porté. Le 11 janvier dernier, le préfet de Paris, Michel Cadot, a annoncé la création de « 1 200 places de mise à l’abri » dans les « prochains jours ». Une annonce accueillie avec prudence par les intéressés. « On n’a aucune information sur le délai et les modalités, ce qui nous fait douter du caractère pérenne de cet hébergement », indique Louis Barda.

Sans compter que la situation a rapidement évolué. Évalués à 1 200 en décembre, les migrants à la rue sont désormais plus de 2 000 dans Paris et sa périphérie. Auparavant dispersés, les exilés ont reformé des camps improvisés, en bordure nord de la ville, où ils vivent dans une grande précarité.

« La plupart du temps, il n’y a pas de point d’eau, pas de sanitaires, pas de ramassage des ordures », explique Louis Barda. Les pathologies associées sont légion : dermatites, asthme, douleurs gastriques, maux de tête, problèmes dentaires… Sans compter les maladies infectieuses, comme le VIH/sida et l’hépatite C, ainsi que les troubles mentaux, très fréquents.

La France face à ses responsabilités

Hasard du calendrier, l’Académie de médecine tenait, le 15 janvier, une séance dédiée à la santé des migrants. L’occasion pour les invités - médecins, universitaires, associatifs - de brocarder l’insuffisance de la France en matière d’accueil sanitaire des migrants, et l’écart croissant entre les droits proclamés et les conditions sur le terrain.

Au-delà de l’hébergement défaillant, l’accès aux soins pèche à tous les étages : les permanences d’accès aux soins (Pass) et les équipes mobiles de psychiatrie précarité (EMPP) sont saturées et épuisées. Quant au système de remboursement - qui combine aide médicale d’État (AME), pour les personnes en situation irrégulière, et protection universelle maladie (Puma) - il est d’une complexité effroyable.

« On est devant des situations où le sanitaire, le social et l’administratif sont fondamentalement intriqués », a conclu le spécialiste en santé publique Alfred Spira, organisateur de la séance. « Les pouvoirs publics ne se préoccupent pas de la santé des migrants, mais du contrôle et de la sécurisation », a dénoncé Françoise Sivignon, ex-présidente de Médecins du monde. Charge à eux de prouver le contraire.

1 - Le règlement Dublin, signé par la plupart des pays de l’Union européenne, prévoit que les migrants soient pris en charge dans le premier pays d’enregistrement (souvent l’Italie ou la Grèce). Les migrants ayant gagné un autre pays signataire, comme la France ou le Royaume-Uni ne peuvent y déposer de nouvelle demande d’asile. Ils sont alors dits « dublinés » et se retrouvent de facto en situation irrégulière.

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