La Caisse nationale d’Assurance maladie et le ministère de la Santé ont officialisé la généralisation du dossier médical partagé (DMP) le 6 novembre dernier. Comment fonctionne ce nouvel outil ?
Le dossier médical partagé (DMP) est un carnet de santé numérique conservant les informations de santé des personnes bénéficiant d’un régime de Sécurité sociale. Institué par la loi n° 2004-810 du 13 août 2004, le DMP a pour but de favoriser la coordination, la qualité et la continuité des soins. Considéré comme « la mémoire de la santé » de chaque patient, il centralise en un seul endroit, dématérialisé car en ligne, les informations concernant le suivi médical et les soins reçus. En effet, elles sont encore bien souvent dispersées entre le médecin traitant, les médecins spécialistes, les établissements de santé ou encore le patient lui-même, qui détient certains documents. Mais en aucun cas le DMP ne se substitue au dossier médical élaboré par chaque professionnel. D’ailleurs, les professionnels peuvent déposer dans le DMP certains éléments contenus dans le dossier médical, utiles à la coordination des soins. Le DMP vise à favoriser la coordination des soins, les relations entre la ville et l’hôpital, à suivre en détail la prise en charge de pathologies lourdes, à éviter les accidents thérapeutiques ou encore les examens redondants. Le patient donne ainsi accès à son historique des soins et à ses données médicales aux professionnels de santé de son choix.
Au sein du DMP, les informations sont réparties en neuf grandes rubriques : synthèse, traitement, analyses, imagerie, comptes-rendus, prévention, certificats, données de remboursement et espace personnel. Il regroupe les résultats d’examens de biologie, de radiologie, les traitements prescrits, les antécédents médicaux ou encore les comptes-rendus d’hospitalisation. Le patient peut également, de lui-même, ajouter dans son DMP les documents qu’il juge pertinents concernant sa santé.
Dès le lendemain de l’ouverture du DMP, l’outil est enrichi de deux années d’historique médical du patient, communiqué par l’Assurance maladie mais uniquement pour les actes portés au remboursement, sans qu’il y ait pour autant de données financières. Est répertorié tout ce qui a trait à la pharmacie/fournitures, aux dispositifs médicaux, à l’hospitalisation, aux soins médicaux et dentaires, à la radiologie ou encore à la biologie. Le DMP, qui permet de renseigner les coordonnées des proches d’une personne à prévenir en cas d’urgence, a également vocation à recueillir, dès avril 2019, les directives anticipées des patients, pour la fin de vie. Les antécédents de vaccination pourraient aussi être intégrés par la suite.
Le DMP est gratuit, non obligatoire et confidentiel. Il peut être ouvert par le patient, son médecin traitant, les pharmaciens d’officine équipés, les infirmières libérales et les agents de la CPAM. C’est également possible dans les établissements de santé et médico-sociaux.
La création du DMP peut se faire par le biais du logiciel métier du professionnel de santé, s’il est DMP compatible, ou via le site www.dmp.fr.
Lorsque le dossier est ouvert par un professionnel de santé ou un agent habilité, ce dernier doit demander le consentement du patient ou celui de son représentant légal. Il peut modifier son choix à tout moment. Cet accord ne nécessite pas de signature, il est dématérialisé et directement enregistré dans le DMP. Un travail est mené avec les éditeurs pour que les logiciels facilitent la consultation et l’alimentation du DMP. Le dossier est également accessible via une application pour téléphone et tablette.
L’accès au DMP est extrêmement sécurisé. Conservé par un hébergeur de données de santé agréé (Santeos, filiale du groupe français Atos), le DMP requiert, pour sa création, la carte Vitale du patient. Le professionnel de santé habilité doit aussi s’identifier avec sa carte de professionnel de santé (CPS) s’il souhaite créer, alimenter et consulter le DMP. Les agents des CPAM et les personnels administratifs des établissements de santé et médico-sociaux doivent, quant à eux, se connecter avec leur carte de personnel d’établissement (CPE) ou un certificat serveur applicatif (CSA) pour créer le DMP. Mais en aucun cas ils ne peuvent accéder au contenu du dossier en dehors de la partie administrative. Lorsque le patient souhaite se connecter à son DMP, il dispose d’un identifiant, d’un mot de passe et reçoit un code à usage unique par message électronique ou par SMS - il a renseigné son numéro de téléphone et/ou son adresse mail lors de la création de son DMP. L’absence de mail ou de téléphone n’empêche pas la création du DMP, simplement, le patient ne pourra le consulter qu’en passant par un tiers, professionnel de santé, ou demander une copie de son DMP au support DMP info service.
C’est le professionnel de santé qui décide des informations qu’il souhaite faire apparaître dans le DMP de son patient, sauf opposition explicite de ce dernier. Le patient est averti dès qu’un document y est ajouté. Il peut masquer toute information médicale à son équipe de soins, à l’exception de son médecin traitant. Le médecin peut, lui aussi, décider de cacher une information sensible à son patient, le temps de le rencontrer en consultation d’annonce, par exemple. En dehors de l’autorisation du patient, les professionnels de santé ont accès à plus ou moins d’informations contenues dans le DMP en fonction de leur métier. Les médecins, infirmiers, masseurs-kinésithérapeutes et pharmaciens ont accès à l’intégralité du dossier. Cela a été défini par les Ordres professionnels et validé par la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
C’est le patient qui décide des professionnels qui sont en mesure de consulter son DMP. Ainsi, lors d’une hospitalisation, les professionnels de santé de l’équipe de soins doivent avoir son autorisation pour accéder la première fois au DMP. Ils doivent s’identifier individuellement avec leur CPS. En ville aussi, le patient donne son consentement à chaque professionnel de santé souhaitant consulter son DMP pour la première fois. Le patient peut interdire à tout moment l’accès d’un professionnel de santé à son DMP en l’identifiant directement dans son dossier. L’accès au DMP est protégé par la loi. La médecine du travail, les laboratoires pharmaceutiques, les mutuelles et assurances, les banques mais aussi les employeurs ne peuvent pas y accéder. Tout accès non autorisé constituerait un délit passible d’une peine d’emprisonnement et d’une amende. Le DMP a vocation à suivre le patient tout au long de sa vie. S’il décide de fermer son DMP (décision qu’il peut prendre à tout moment), alors ce dernier est archivé et les données seront détruites dix ans après la fermeture.
En cas d’urgence, un professionnel de santé doit agir vite. Quand un patient présente un risque immédiat, le DMP s’avère particulièrement utile. Tout médecin régulateur du Samu ou tout médecin urgentiste peut alors accéder au DMP du patient si celui-ci ne s’y est pas opposé. Cette situation est appelée « accès en mode bris de glace ». Tous ces accès en urgence sont tracés dans le DMP. Le patient peut les modifier à tout moment depuis les paramètres de son compte.
Pour le moment, la création en ligne d’un DMP n’est possible que pour les assurés majeurs du régime général. Les parents, titulaires de l’autorité parentale, peuvent demander la création d’un DMP pour leur enfant chez un professionnel de santé ou à l’accueil de leur caisse de Sécurité sociale. C’est le titulaire de l’autorité parentale qui prend toutes les décisions concernant le DMP du mineur.
La création du compte internet (qui permet au patient de consulter son DMP) est automatique depuis la version 2.2.a si un numéro de téléphone portable et/ou une adresse mail est renseignée.
Dans le cas où l’assuré ne souhaite pas créer son compte internet (ou ne dispose pas d’un téléphone portable ou d’un mail), la saisie de l’adresse postale est obligatoire.
→ Toutes les infos sur le DMP sont sur le site : www.dmp.fr
→ Article L. 1111-18 du code de la santé publique sur la confidentialité du DMP.
De quelle manière le DMP peut-il aider les IDE dans la prise en charge de leur patient ?
• L’avantage du DMP est de donner accès à l’historique médical du patient. L’infirmière hospitalière, qui n’a pas toujours le temps d’échanger avec le médecin du patient, peut ainsi avoir accès à l’ensemble des informations le concernant. C’est également important dans la relation entre l’IDE et la famille du patient, qu’elle peut renseigner plus précisément. Quelque part, cet accès au DMP conforte les IDE dans l’exercice de leur métier et leur permet éventuellement d’anticiper la complexité des soins. Connaître l’état du patient est fondamental pour effectuer les soins en toute sécurité.
Les infirmières hospitalières peuvent-elles alimenter le DMP ?
• Sur le fond, elles le peuvent car elles ont besoin de leur CPS et de la carte Vitale du patient pour le créer. Mais, normalement, au sein des hôpitaux, une procédure automatique est mise en place pour que le dossier patient informatisé (DPI) alimente automatiquement le DMP. Un travail doit être fait en amont par la Commission médicale d’établissement (CME) afin d’identifier les documents qui alimenteront d’office le DMP, via une procédure de validation des professionnels de santé sur le DPI.
L’accès au DMP à l’hôpital est-il facilité ?
• Pour les infirmières, la consultation du DMP implique qu’elles aient au moins un accès informatique dans leur poste infirmier. Dans les grands CHU, elles ont souvent un terminal ambulant. Mais, pour l’instant, la procédure de consultation du DMP n’est pas encore opérationnelle dans tous les hôpitaux. Car pour consulter le DMP, il faut des conditions strictes de sécurité et de confidentialité avec la CPS, et cette procédure est difficile à généraliser dans un hôpital. Aujourd’hui, 500 hôpitaux sur 3 000 alimentent le DMP via les outils informatiques. Pour déployer ne serait-ce que l’alimentation du DMP, cela prend entre un an et un an et demi par hôpital afin qu’il soit aux normes sécuritaires. Néanmoins, les services hospitaliers peuvent consulter le DMP via Internet sur le site dmp.fr sous réserve de l’utilisation de la CPS.