DOSSIER
INITIATIVE À l’HÔPITAL
Le centre hospitalier intercommunal de Castres-Mazamet, dans le Tarn, s’est engagé dans une ambitieuse démarche handicap. Tous les services et tous les métiers de l’hôpital sont impliqués.
Comment s’appelle-t-il ? Demandez-le lui ! » Voilà ce que répond Uvaldo Polvoreda, directeur de l’institut médico-éducatif (IME) Lostanges, près de Castres, dans le Tarn, aux soignants qui questionnent l’aidant plutôt que la personne handicapée. « Il faut s’adresser à la personne, commencer par là », dit-il fermement. Le CH intercommunal de Castres-Mazamet fait en réalité beaucoup mieux. Il a déployé une démarche handicap qui met en mouvement l’ensemble de l’établissement : le service de pédiatrie a, par exemple, participé à des journées d’immersion dans l’IME, et vice-versa. Émilie Subias, IDE, s’est prêtée au jeu, tandis qu’une psychologue se rendait à l’hôpital. « J’ai été impressionnée par le travail réalisé avec les enfants autistes, pour les rendre plus autonomes, rapporte-t-elle. Je m’attendais à des recettes toutes faites.?En réalité, il faut s’adapter à chaque individu. J’ai redécouvert un enfant avec lequel nous étions en échec. Nous pensions qu’il ne communiquait pas, alors que si. J’ai compris la nécessité de leur venir en aide dans des situations de stress. » Du côté de l’IME, la psychologue Virginie Tournier a, de son côté, « réalisé que le travail à l’hôpital est intensif tout au long de la journée. Or, la personne handicapée a besoin de temps. Il faut expliquer que c’est en réalité du temps gagné. »
Des outils communs, tout simples, ont été échangés. Le service de pédiatrie a laissé à l’IME une « boîte découverte : on y a réuni des objets de l’hôpital, des électrodes, des masques Méopa, des photos des auxiliaires de puériculture qui accompagnent l’enfant dans le soin… » explique l’IDE. « Avec les enfants autistes, il faut rendre l’environnement compréhensible et prévisible », précise Virginie Tournier. L’IME a de son côté formé les soignants à l’usage des pictogrammes pour communiquer avec les enfants. Des problèmes d’aménagement ont été identifiés. « Dans notre salle de soins, la lumière est artificielle, raconte Émilie Subias. C’est rédhibitoire pour ces enfants. Donc nous faisons tous les soins dans la chambre, où se déplacent tous les professionnels. »
« Nous n’avons pas plus de moyens que d’autres hôpitaux. Il faut être inventif, trouver des solutions », résume Céline Issalis, ancienne sage-femme, aujourd’hui responsable du département qualité, hygiène et gestion des risques. C’est elle, et le gynécologue Jean-Pierre Fabriès, qui coordonnent la démarche handicap de l’établissement. Une commission handicap a été créée, qui réunit deux fois par an des représentants de tous les métiers de l’hôpital - soignants, techniques ou administratifs -, des établissements médico-sociaux et des usagers. « Nous avons commencé par évaluer l’accessibilité, raconte Céline Issalis. Nous avons installé des barres de douche, des bornes d’appel sur le parking, équipé l’accueil de boucles magnétiques pour les personnes malentendantes. À l’accueil, des jeunes en service civique orientent les personnes handicapées. Dans tous les services, il y a un classeur avec les ressources disponibles : les personnes ressources en langage des signes, le lieu où est stocké le matériel adapté. Nous cherchons à sensibiliser l’ensemble du personnel, et nous en formons une partie au handicap. Je fais des interventions au sein de notre Ifsi. »
Grâce à un financement de l’ARS (Agence régionale de santé), l’hôpital a pu créer un poste de coordonnatrice du parcours de soins de la personne handicapée, occupé par Marianne Henaux, elle aussi ex-sage femme. Elle organise les rendez-vous des personnes handicapées pour éviter l’attente. Elle les prépare, en échangeant en amont avec les soignants. Elle les accompagne pendant les consultations, les aide à l’habillage et au déshabillage, prend le temps de ré-expliquer, avec des mots simples. « Lorsqu’ils voient arriver une personne handicapée, les soignants sont désemparés, car ils n’ont ni les connaissances ni le matériel. Ils ont besoin d’une personne qui fasse une partie de ce travail pour eux. Je me sens utile, mais pas suffisante. »