Loin d’être un acte anodin, la réalisation de photos de plaies soulève des questions éthiques et juridiques. Des aspects évoqués lors des Journées cicatrisations de janvier 2019(1).
Avec le développement de la télémédecine notamment, soigner des plaies amène de plus en plus souvent les professionnels de santé à se glisser dans l’habit du photographe. Non sans se poser quelques questions.
« La photographie est un outil indispensable pour le suivi médical des plaies et pour l’enseignement. Mais elle pose un certain nombre de problèmes éthiques et juridiques », a expliqué le Dr Sylvie Meaume, chef de service de gériatrie à l’hôpital Rothschild, à Paris, lors d’une conférence qu’elle donnait sur ce thème aux Journées cicatrisations 2019(1).
Les préoccupations éthiques portent essentiellement sur le respect du patient, en particulier sur la question de son consentement. Comme l’indique le Dr Meaume : « Lorsque vous demandez à un patient si vous pouvez prendre des photos de sa plaie, la plupart du temps, il vous dira “oui” parce qu’il a peur de ne pas être bien soigné s’il vous répond “non”. C’est donc assez compliqué d’obtenir un véritable consentement. Il faut savoir lui expliquer pourquoi on fait ces photos. »
Sur le plan juridique, si les photos servent uniquement au suivi du patient, il n’y a pas nécessairement besoin d’un consentement écrit (excepté dans le cas particulier de la recherche clinique, qui requiert une information écrite du patient et sa signature). Sylvie Meaume insiste néanmoins sur l’importance d’informer tout patient de l’intérêt d’utiliser les photos réalisées. Dans le cas d’une utilisation à des fins d’enseignement, un consentement écrit n’est pas non plus obligatoire, dès lors que le patient n’est pas identifiable, mais il faut l’en informer.
Malgré tout, on n’est jamais trop prudent. Sylvie Meaume met en garde sur l’importance de préserver au maximum l’anonymat des patients. En rognant par exemple les photos afin de dissimuler tous les signes qui pourraient être distinctifs, comme les tatouages. « Même si le patient est d’accord et vous dit qu’il veut bien signer un papier de consentement, en aucun cas nous ne pouvons être déliés du secret professionnel, insiste-t-elle. La décharge ne vaut pas comme outil juridique et vous n’êtes pas à l’abri d’une plainte ultérieure. » La présentation de photographies dans les congrès est, selon elle, ce qui pose le plus problème, avec le risque de les voir circuler sur Internet.
Se pose enfin la question du stockage et de la sécurisation des données. La constitution de dossiers de photos de patients entraîne l’obligation de les déclarer à la Commission nationale de l’informatique et des libertés (Cnil).
Sylvie Meaume insiste également sur l’importance d’avoir recours à une messagerie sécurisée. « Il y a en a qui sont payantes, d’autres qui sont libres, mais on va être obligé d’en passer par là et de ne pas laisser nos photos sur nos téléphones, mélangées avec celles des enfants. » Et la médecin de conclure : « Il ne faut pas oublier que derrière une photo, il y a une personne, et l’on se doit de respecter sa dignité. »
1 - Congrès de la Société française et francophone des plaies et cicatrisations (SFFPC), qui s’est déroulé du 20 au 22 janvier, à Paris.