L'infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019

 

Xavier POURRAT, Pharmacien à l’Hôpital Trousseau du CHRU de Tours (37), Vice-président de la Société française de pharmacie clinique (SFPC) et vice-président du Collège de la Pharmacie d’Officine et de la Pharmacie Hospitalière

DOSSIER

INTERVIEW

V. H.  

Xavier Pourrat est pharmacien à l’hôpital Trousseau du CHRU de Tours (37) et vice-président de la Société française de pharmacie clinique. Il revient sur la présence accrue de cette discipline à l’hôpital et sur les interactions toujours plus nombreuses entre soignants, notamment avec les infirmières.

L’INFIRMIÈRE MAGAZINE :

Qu’appelle-t-on la pharmacie clinique ?

XAVIER POURRAT : Il s’agit d’une discipline qui existe depuis les années 1960 aux États-Unis et au Canada et qui s’est développée en France dans les années 1980, quand les chaires de pharmacies cliniques ont été créées dans certaines facultés de pharmacie. En réalité, les pharmaciens en faisaient déjà avant, sans que cela s’appelle ainsi, en particulier avec l’analyse des ordonnances. La pharmacie clinique est centrée sur le patient et a pour but d’optimiser la thérapeutique à chaque étape officinale et hospitalière.

L’I. M. : Comment se pratique la pharmacie clinique à l’hôpital ?

X. P. : On ne fait pas de la pharmacie clinique tout seul dans son bureau. Le pharmacien doit aller vers les patients - et au besoin de ses aidants - dans une démarche d’interaction avec les autres professionnels.

L’I. M. : Des actions de pharmacie clinique sont-elles en place dans tous les établissements ?

X. P. : L’ordonnance sur les PUI prévoit qu’elles doivent mener des actions de pharmacie clinique. De plus, les contrats d’amélioration de la qualité et de l’efficience des soins (Caqes), signés entre l’Assurance maladie, les établissements et l’ARS, prévoient obligatoirement un volet sur le bon usage du médicament, avec des actions d’amélioration et sécurisation de la prise en charge thérapeutique du patient ; c’est de la pharmacie clinique.

L’I. M. : Quelles en sont les déclinaisons concrètes ?

X. P. : La Société française de pharmacie clinique (SFPC) a publié, en 2017, une description des processus de pharmacie clinique. La première partie concerne la dispensation des produits de santé et se décline sous la forme d’analyses pharmaceutiques de l’ordonnance médicale ou de mises à disposition des informations et des conseils nécessaires au bon usage.

C’est un pré-requis à tout le reste. La deuxième partie relève de ce qu’on appelle « bilan partagé de médication » à l’officine ou « revue clinique de médication » à l’hôpital. C’est une synthèse des traitements en analysant les objectifs et les choix thérapeutiques, les points critiques et les points d’optimisation, comme la gestion de la iatrogénie ou l’accompagnement de l’adhésion du patient. En officine, cela figure dans la convention avec l’Assurance maladie pour les patients de plus de 75 ans avec cinq médicaments, ou de plus de 65 ans avec cinq médicaments et une affection de longue durée (ALD). Le pharmacien prend rendez-vous avec le patient et réalise avec lui ce bilan pour lequel il est rémunéré. À l’hôpital, on commence à le faire en se rendant directement dans les services pour s’entretenir avec les patients et discuter avec les soignants.

Cette étape vise notamment à cibler les patients ou les situations à risque nécessitant un « plan pharmaceutique personnalisé ».

L’I. M. : De quoi s’agit-il ?

X. P. : C’est une synthèse écrite et des propositions ciblées à l’équipe de soins sur un ou plusieurs éléments identifiés. Le but est d’optimiser l’ensemble de la thérapeutique mais aussi qu’il y ait une vraie compréhension des traitements par le patient. Dans ma pratique, je réalise ce type d’action en transplantation hépatique car, immédiatement après la greffe, on remet à plat tous les traitements : certains sont supprimés, d’autres sont ajoutés comme les immunosuppresseurs. Je rencontre les patients et leur fais passer des messages, en collaboration avec l’équipe infirmière.

L’I. M. : Comment votre présence est-elle perçue par les équipes ?

X. P. : Quand personne n’a jamais vu de pharmacien dans le service, celui-ci peut être de prime abord perçu un peu comme un intrus. Mais en général, on s’intègre progressivement à l’équipe sans trop de difficulté ; à condition de ne pas vouloir imposer sa façon de voir les choses mais de montrer ce qu’on peut apporter à l’équipe, des IDE en particulier.

Ce qui est vraiment intéressant, c’est le partage de savoirs. Les IDE comme les aides-soignants ont une connaissance différente du patient, en particulier de son observance. Pour nous, il est indispensable que les pharmaciens et les IDE travaillent main dans la main, d’autant que nos missions respectives évoluent. Je pense en particulier aux pratiques avancées pour les infirmières.