L'infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019

 

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FOCUS

ADRIEN RENAUD  

Fin 2017, Mathilde Basset postait sur Facebook une lettre à Agnès Buzyn, partagée des dizaines de milliers de fois. L’ex-IDE en Ehpad y annonçait sa décision de quitter le métier. Aujourd’hui, elle raconte son expérience dans un livre.

Je quitte ce radeau de la Méduse. » Après une journée où elle avait été la seule IDE pour les 99 résidents de l’Ehpad du Cheylard, en Ardèche, Mathilde Basset annonçait le 27 décembre 2017, dans une lettre ouverte à la ministre de la Santé, qu’elle arrêtait tout. Non seulement elle quittait son poste, mais en plus, elle disait adieu au monde du soin aux personnes âgées. Postée sur Facebook, la missive a été partagée des dizaines de milliers de fois, et son auteure a été instantanément promue au rang de lanceuse d’alerte.

Il faut dire que le contexte s’y prêtait. La colère grondait dans les Ehpad, on était à quelques semaines de la manifestation historique du 30 janvier 2018, qui a fédéré syndicats, directeurs d’établissement et associations de patients pour réclamer davantage de moyens. Malgré cela, Mathilde Basset a été surprise par l’écho donné à sa lettre. « Il n’y avait rien de prémédité, j’avais écrit cela pour me soulager, raconte-telle. Et je dois dire que BFM et France 2 dans mon salon, j’ai trouvé cela un peu insolite ! »

Le vieillissement contre le prix de l’essence

Reste que Mathilde n’est pas du genre à se défiler. « J’ai joué le jeu, car je voulais sensibiliser le public sur la question du vieillissement, explique-t-elle. J’avais écrit des choses qu’on ne dit habituellement qu’entre collègues, qu’on ne met pas sur la place publique parce qu’on veut garder son boulot. » Mais la jeune femme se sent libre, elle n’a « pas trop de frais ni d’enfants à nourrir ». Quand les éditions du Rocher lui ont proposé de raconter son expérience dans un livre, elle a donc volontiers accepté.

C’est ainsi qu’est né J’ai rendu mon uniforme, son livre-témoignage paru en janvier 2019 et qu’elle explique avoir écrit « pour poursuivre le combat et informer les familles des résidents sur la situation dans les Ehpad ». Elle se dit en effet persuadée que le public n’a pas encore pris la mesure du problème du vieillissement, et n’hésite pas à jouer la provocation. « J’ai l’impression que c’est une question plus importante que celles du pouvoir d’achat ou du prix de l’essence, lance-t-elle. Si nous ne sommes pas capables de traiter d’autres êtres humains de manière digne, c’est nous qui sommes malades. »

Des projets plein la tête

Mais il ne faut pas s’attendre à voir Mathilde Basset devenir une lanceuse d’alerte professionnelle, à l’image de ceux que l’on voit en permanence à la télévision. En quittant son Ehpad, elle pensait d’abord se consacrer à la musique (elle chante avec son compagnon et se verrait bien en faire un métier). Puis elle est tombée sur une annonce pour un poste d’IDE en centre médicopsychologique (CMP)… et elle a été prise. Et quand on lui fait remarquer que les conditions de travail en psychiatrie n’ont pas meilleure réputation que celles qui prévalent en Ehpad, elle sourit. « Peut-être qu’un jour, la psychiatrie me donnera envie d’écrire un livre, glisse-t-elle. D’ailleurs, depuis que le médecin qui dirige mon CMP connaît mon histoire, il dit en riant qu’il doit faire attention à tout ce qu’il dit ! »

LIVRE

La vie en Ehpad, minute par minute

Mathilde Basset n’en fait aucun mystère : J’ai rendu mon uniforme, le livre qu’elle a publié aux éditions du Rocher en janvier dernier, ne vise pas les infirmières mais le grand public. Son objectif est de s’adresser aux familles des résidents pour leur faire prendre conscience des conditions de travail qu’endurent les soignants en Ehpad, qui affectent directement les conditions de vie des aînés. Pour ce faire, son ouvrage détaille par le menu la journée du 27 décembre, celle qui l’a conduite à décider de quitter son poste, mais aussi tout le parcours qui l’a menée jusque-là: sa formation paramédicale ainsi que sa (courte) carrière en soins de suite et de réadaptation (SSR) et Ehpad. On la suit, minute par minute, dans les couloirs des différents établissements qu’elle a fréquentés. Le fil rouge de ce récit ? Le manque de moyens, les sous-effectifs et l’impression de n’avoir jamais le temps de faire son métier correctement. Gageons que ce sentiment est malheureusement partagé par nombre de ses consœurs.

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