L'infirmière Magazine n° 402 du 01/03/2019

 

RÉFORME DU SYSTÈME DE SANTÉ

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VÉRONIQUE HUNSINGER  

Dans le cadre du plan du gouvernement « Ma santé 2022 », la ministre de la Santé a reçu fin janvier les propositions du groupe de travail conduit par Jean-Marc Aubert pour mettre en place un mode de financement « combiné » du système de santé.

C’est presque aussi simple que de faire entrer des ronds dans des carrés. Comment concilier la souplesse et la réactivité du paiement à l’acte avec la prise en charge sur le long terme et l’ensemble de l’activité permise par le paiement au séjour ? Une mission conduite par Jean-Marc Aubert, le directeur général de la Drees (le service des statistiques du ministère de la Santé), a remis fin janvier sa proposition à Agnès Buzyn sous la forme d’un financement « combiné ».

Quinze milliards d’euros extraits de la T2A

En effet, il s’agit selon Jean-Marc Aubert de panacher, en quelque sorte, tous les modes de paiement existants : au suivi, à la qualité et à la pertinence, à la structuration du service, à la séquence de soins (lire ci-contre) et enfin, à l’acte et au séjour. Emmanuel Macron avait promis de faire passer sous 50 % du total la part de la tarification à l’activité (T2A) - un mode de financement aujourd’hui unanimement décrié. Si on compte l’ensemble des activités des hôpitaux publics, son poids est aujourd’hui de 63 %. C’est donc 15 milliards d’euros par an qui pourraient basculer de la T2A vers d’autres modes de paiement. Lesquels ? La mission propose d’étendre le financement à la qualité à l’ensemble des secteurs de l’hospitalisation. La dotation de l’incitation financière pour l’amélioration de la qualité (Ifaq), qui représente pour 2019 à peine 300 millions d’euros, pourrait grimper à deux milliards d’euros en 2022. Parallèlement, un paiement global pour la prise en charge d’une population pourrait être mis en œuvre. Celle-ci représenterait pour le secteur de la psychiatrie 8 milliards d’euros par an. De même, des forfaits de prise en charge des pathologies chroniques seraient abondés à hauteur, à terme, de cinq milliards d’euros. La mission estime aussi nécessaire une réforme du financement des activités de soins de suite et de réadaptation (SSR) et de l’hospitalisation à domicile (HAD) afin de réviser les échelles tarifaires et de déterminer un « financement socle » pour ces deux activités.

Un calendrier de révision des tarifs

Les experts de la mission consi-dèrent également qu’une telle réforme devrait obligatoirement s’accompagner d’une régulation pluri-annuelle des dépenses de santé. En effet, actuellement, le Parlement ne vote qu’en fin d’année le budget de la Sécurité sociale pour l’année suivante et le ministère de la Santé ne détermine qu’en mars les tarifs des séjours pour l’année en cours. « Pour l’hospitalisation, les tarifs devrait être fixés par arrêté sur une période de trois à cinq ans, écrivent les auteurs du rapport de mission. Les tarifs pourraient varier mais leurs variations seraient prévues et un calendrier de révision pluri-annuelle des nomenclatures des séjours serait annoncé. » Serait-ce un moyen pour que les effectifs paramédicaux ne servent plus de valeur d’ajustement des budgets des hôpitaux ? La mission ne le dit pas.

Des décisions attendues en mars

Le rapport Aubert sur la « réforme des modes de financement et de régulation » ne compte que 48 pages mais il n’en reste pas moins dense et copieux. C’est pourquoi Agnès Buzyn a déclaré, après l’avoir reçu, vouloir prendre le temps de la concertation et de la préparation de la mise en œuvre. Elle a qualifié les idées de la mission de « riches et nombreuses », « audacieuses et attendues » et « ambitieuses, mais qui vont nous aider à transformer le système ». La mission Aubert consulte à présent l’ensemble des acteurs du système de santé afin que la ministre de la Santé puisse annoncer les premières décisions au courant du mois de mars.

À SAVOIR

→ Le paiement à la structuration du service correspond, par exemple pour les soins psychiatriques, à la dotation globale en fonction de la population d’un territoire.

→ Le paiement à la séquence de soins permet, par exemple, de rémunérer sur une même enveloppe l’intervention chirurgicale et la rééducation.

→ Enfin, le paiement à l’acte se traduit par la nomenclature des actes pour les Idel et le paiement au séjour par les tarifs définis dans les groupements homogènes de séjour (GHS) à l’hôpital public.

RÉACTIONS

Un diagnostic plébiscité

Du côté des fédérations hospitalières, les réactions ne se sont pas fait attendre. La Fédération hospitalière de France (FHF) se réjouit du diagnostic de la mission Aubert sur « la prise en compte insuffisante de la pertinence dans le financement » et sur « un système qui ne favorise pas toujours la qualité ni la coopération » mais estime qu’il ne va pas assez loin. La Fédération de l’hospitalisation privée (FHP) juge également la vision de la mission pertinente mais estime que « la réduction à 50 % du financement à l’activité relève du dogmatisme ». Enfin, Unicancer approuve la réflexion sur « les financements à la qualité, ajustée aux pathologies, pour permettre de baser ce financement sur des indicateurs plus éclairants, sur la réalité de qualité et sécurité de prise en charge des patients ».

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