Les directions régionales des services médicaux de l’Assurance maladie se sont dotées, depuis décembre 2015, de près de 142 infirmières. Le point sur les missions de cette nouvelle fonction, pas encore étendue dans tout le territoire français.
C’est un nouveau métier, encore dans sa phase d’expérimentation (voir encadré p. 60), que l’Assurance maladie souhaite tester dans différents territoires de l’Hexagone. Les infirmières du service médical (ISM) ont été recrutées pour optimiser les ressources médicales et renforcer la capacité d’action des directions régionales des services médicaux (DRSM) de l’Assurance maladie. Exit les soins, leur activité consiste principalement à préparer les dossiers transmis au médecin-conseil, seul habilité à prendre les décisions concernant les assurés sociaux.
« Nous avons trois activités principales », explique Élodie Hugon, devenue ISM en novembre 2017 au sein du service médical Rhône-Alpes, sur le site drômois, après douze ans de carrière hospitalière. L’ISM assure tout d’abord le lien avec les assurés, en appui aux techniciens du service médical, concernant notamment les demandes de prise en charge à 100 % des assurés sociaux pour les affections de longue durée (ALD) ou pour préparer les dossiers des médecins-conseils pour le suivi des arrêts de travail. « Ce lien avec les assurés repose surtout sur les demandes de prestations adressées pour eux par leur médecin traitant, indique Élodie Hugon. Lorsqu’ils reçoivent un courrier de refus de la part du service médical pour une prise en charge en ALD, les assurés disposent d’un délai d’un mois pour contester cette décision et faire valoir une demande d’expertise. » C’est alors à l’ISM de traiter la demande de l’assuré. « Elle le contacte pour échanger avec lui et chercher si un élément du dossier a pu nous échapper, rapporte le Dr Marie-Pierre Leprince, médecin-conseil au service médical Rhône-Alpes, sur le site de la Drôme depuis 1993. Cela requiert, de la part des ISM, une bonne connaissance de leur métier et une certaine curiosité, car les pathologies dont sont atteints les patients sont parfois rares. Il faut également une bonne capacité à communiquer et toute la connaissance de la réglementation de l’Assurance maladie. »
Pas question en effet d’être dans l’approximation ! La tâche est technique et, pour leurs travaux, les ISM s’appuient sur des décrets et des circulaires afin de garantir l’équité entre les assurés. Il s’agit notamment du décret du 3 avril 2017, modifiant les durées d’exonération de la participation des assurés qui relèvent d’une ALD, ou du décret du 19 janvier 2011 actualisant la liste et les critères médicaux utilisés pour la définition des affections qui ouvrent droit à la suppression de la participation de l’assuré. Ce dernier définit, pour les trente affections, l’ensemble des critères médicaux devant être respectés afin que la maladie soit qualifiée d’ALD.
Lorsque les dossiers des assurés n’entrent pas dans les clous, l’IDE peut être amenée à investiguer. « Quand nous entrons en contact avec un assuré par téléphone pour lui expliquer les raisons du refus de sa prise en charge en ALD, nous cherchons à obtenir des précisions complémentaires sur sa maladie et sa situation, car il arrive que certains refus soient liés au manque d’informations transmises par le médecin traitant, précise Élodie Hugon. Nous faisons preuve d’une certaine qualité d’écoute, nous prenons en compte les besoins et les demandes de l’assuré. »
Lorsque l’infirmière a récupéré les informations manquantes, le dossier est de nouveau soumis au médecin-conseil, qui peut maintenir son refus si les critères imposés ne sont pas respectés. L’ISM en informe le patient et lui demande s’il souhaite une expertise médicale. Le médecin-conseil prend alors la main sur le dossier et rencontre l’assuré. « En général, les personnes malades sont contentes lorsque nous les appelons, rapporte Élodie Hugon. Elles nous disent se sentir entendues. » Néanmoins, « il faut savoir être diplomate car parfois, les médecins de ville et les assurés ne comprennent pas les décisions du service médical, notamment les raisons qui nous ont conduits à mettre fin à une ALD », fait savoir Sabrina Odienne, ISM au service médical de Cergy-Pontoise (Île-de-France) depuis décembre 2017. Et de poursuivre : « Avec ce travail, nous participons à la prise en charge globale de l’assuré. Certes, nous contrôlons des prestations, mais nous effectuons aussi un travail d’accompagnement. Il faut être à l’écoute. »
Autre mission des ISM, tout aussi pointue : l’examen de la situation des assurés sociaux en arrêt maladie. « C’est le personnel administratif du service médical qui nous adresse les dossiers des assurés pour lesquels un contrôle de leur arrêt de travail de moins de 180 jours est nécessaire », rapporte Sabrina Odienne. L’ISM appelle l’assuré ou son médecin prescripteur, analyse la consommation de soins ainsi que les rendez-vous chez les médecins spécialistes. Elle se sert également d’un tableau avec les durées de référence indicatives, à l’issue desquelles la majorité des patients est capable de reprendre le travail selon le métier effectué. En fonction de ces informations, elle suggère, ou non, au médecin-conseil de recevoir l’assuré afin d’évaluer la justification médicale de l’arrêt de travail.
À Cergy-Pontoise, l’ISM est compétente pour réaliser une évaluation préalable de l’assuré au cours d’un entretien mais il appartient au médecin-conseil de prendre la décision finale. « Lors de ces échanges, nous pouvons parfois détecter des situations à risque de désinsertion professionnelle, informe l’ISM. Notre rôle est alors d’aider l’assuré à entreprendre des démarches auprès du service social et de la médecine du travail pour trouver une solution. » Les ISM reçoivent aussi les assurés atteints de pathologies chroniques à huit mois d’arrêt de travail. « C’est l’occasion de déterminer si la personne pourra reprendre un travail, et si c’est le cas, de l’aider dans ses démarches, ajoute-t-elle. Mais parfois, il faut envisager une invalidité. »
Les ISM n’ont pas pour unique mission un travail administratif. Elles sont amenées à rencontrer les professionnels de santé de terrain. Dans la Drôme, elles participent par exemple à des réunions organisées pour les infirmières libérales nouvellement installées. « Nous effectuons une animation mensuelle en trinôme avec un représentant de l’Assurance maladie et un conseiller informatique et service, raconte Élodie Hugon. Nous leur présentons leur convention, les démarches à accomplir lors d’une installation en libéral et la nomenclature générale des actes professionnels (NGAP). » Avant l’arrivée des ISM au sein du service médical, c’est le médecin-conseil qui accomplissait cette mission.
Les ISM de la Drôme siègent également aux commissions paritaires locales avec les syndicats et les Unions régionales des professionnels de santé (URPS), par délégation du médecin-conseil chef d’échelon (MCC). Elles n’ont pour le moment qu’un rôle d’écoute. Toutefois, le MCC se renseigne auprès de la directrice adjointe de la caisse de la Drôme afin d’obtenir confirmation de la possibilité de vote des ISM pour les décisions à prendre au cours de cette commission, toujours par délégation du MCC.
En attendant, les informations qu’elles reçoivent lors de ces commissions leur permettent de se tenir au courant des nouveaux accords éventuels sur la NGAP, ainsi que des décisions prises lors des commissions paritaires régionales et nationales. Les échanges avec les professionnels de terrain n’en sont que plus facilités. À Cergy-Pontoise, les ISM ne participent pas encore aux réunions avec les Idel. Mais l’un des projets à l’étude serait qu’elles aillent à la rencontre des infirmières libérales nouvellement installées, afin de les accompagner dans leurs démarches.
Les ISM répondent également aux questions des Idel sur la cotation de leurs actes par email ou par téléphone. « Pour le moment, comme nous sommes infirmières, nous répondons uniquement aux questions des Idel et parfois à celles des masseurs-kinésithérapeutes, le médecin-conseil répond quant à lui aux questions des autres professionnels de santé, indique Élodie Hugon. Mais il n’est pas impossible qu’un jour, notre mission évolue et que nous soyons amenées à remplir ce rôle. »
À Cergy-Pontoise aussi, lorsque les Idel posent des questions sur la NGAP à la Caisse primaire d’assurance maladie (Cpam), « nous réceptionnons les emails et nous les recontactons pour répondre à leurs interrogations en ayant préalablement fait valider notre réponse par le médecin référent », ajoute Sabrina Odienne. L’ISM de Cergy-Pontoise est également amenée à assurer des échanges téléphoniques avec les professionnels de santé. Par exemple, « le pôle « Relations avec les professionnels de santé » du service médical peut nous contacter pour nous informer qu’un médecin va pour la première fois recevoir un patient dans le cadre du programme Prado insuffisance cardiaque/respiratoire, explique Sabrina Odienne. Nous organisons alors un échange téléphonique avec ce praticien pour lui expliquer le dispositif et lui envoyer de la documentation. » Les ISM se rendent aussi, en équipe, dans les établissements de santé pour les aider à mettre en place le Prado dans leur service.
Les ISM peuvent enfin accomplir une troisième mission : assurer une activité de contrôle du contentieux. « Nous n’en faisons pas dans la Drôme car cette mission est assurée par une ISM du Rhône, fait savoir Élodie Hugon. Cette activité est en lien avec l’instruction des dossiers des professionnels de santé et des établissements de santé concernant le contrôle des indus. »
Au sein des DRSM, l’ensemble des professionnels travaillent en collaboration. « Nous sommes en contact permanent avec les médecins-conseils, souligne Élodie Hugon. Nous leur préparons les dossiers pour qu’ils puissent prendre leur décision en toute connaissance de cause. Si nous avons une question, ils sont toujours joignables. » Les ISM sont également en lien avec les techniciens et les cadres coordinateurs, notamment pour les accords sur les prestations. « Nous travaillons en équipe entre ISM, avec les médecins-conseils et le personnel administratif, renchérit Sabrina Odienne. Nous nous sollicitons beaucoup pour des avis sur des dossiers. C’est un vrai plus lorsqu’on ne sait pas comment se positionner sur certains cas. »
Comme le rôle des ISM est de veiller au respect de l’application des textes de loi, elles se doivent de transmettre le dossier au médecin-conseil, sans aucun avis, et de ne transmettre que les faits. « Si nous avons un doute, nous l’informons et c’est toujours lui qui va prendre la décision finale », rapporte Élodie Hugon. « Les ISM sont un vrai plus pour le service, poursuit le Dr Leprince. Par leur compétences infirmières, elles ont une bonne capacité à exercer les consignes transmises et à effectuer une analyse médicale des situations. Leur collaboration est précieuse, elles nous apportent un gain de temps sans sacrifier pour autant la qualité du travail. »
Auparavant, la gestion de toutes les demandes des assurés était réalisée par les médecins-conseils. Aujourd’hui, les ISM assurent un travail argumenté, en fonction de la réglementation. Elles apportent des réponses aux assurés, ce qui a fait diminuer les demandes d’expertises. « En tant que médecin-conseil, nous pouvons alors consacrer davantage de notre temps à nos obligations strictement médicales », se félicite le Dr Leprince.
→ Dans la Drôme comme à Cergy-Pontoise, les ISM ont un contrat de 39 heures. Elles ont des plages horaires fixes à respecter : de 9 h 15 à 11 h 15 et de 13 h 45 à 15 h 15 dans la Drôme ; de 9 h 30 à 11 h 30 et de 14 h à 16 h à Cergy-Pontoise. « Nous pouvons arriver au plus tôt à 7 h du matin et partir au plus tard à 18 h », souligne Élodie Hugon. Les ISM ajustent leur emploi du temps comme elles le souhaitent et peuvent avoir, sur la semaine, entre + 2 h et – 2 h. « Avec ma collègue, nous sommes autonomes dans nos activités quotidiennes », précise Élodie Hugon.
→ En termes de rémunération, les ISM dépendent de la classification du personnel soignant, éducatif et médical des établissements et œuvres. Elles sont employées au niveau 6E de cette classification avec, ensuite, l’application d’un coefficient qui reprend, entre autres, leur ancienneté professionnelle. Le coefficient minimum est à 300 et le maximum à 498. Le coefficient de chaque ISM est multiplié par la valeur du point, fixée à 7.24342 €. De fait, les ISM peuvent percevoir un salaire compris entre 2 173 et 3 607 € brut mensuel en fonction de leur coefficient, sur quatorze mois, auquel s’ajoute une prime d’intéressement.
→ En revanche, pour le moment, les possibilités d’évolution n’existent pas encore, notamment parce que le métier vient juste d’être créé. Une ISM peut néanmoins s’orienter vers d’autres organismes de l’Assurance maladie ou encore vers les caisses d’allocations familiales.
→ En décembre 2015, l’Assurance maladie a décidé d’expérimenter un nouveau métier : infirmier au sein du service médical (ISM). Objectif : optimiser la ressource médicale et renforcer la capacité d’action du service. Jusqu’à cette date, les effectifs du service médical étaient uniquement composés de médecins-conseils, de dentistes-conseils, de pharmaciens-conseils et d’agents administratifs.
L’expérimentation a donc débuté avec le recrutement de huit ISM. Après un premier bilan concluant, 134 ISM supplémentaires ont été recrutées pour une extension de l’expérimentation à d’autres régions. Les ISM ne sont pas encore généralisées dans toute la France, l’expérimentation est toujours en cours. Les ISM sont majoritairement des femmes : en août 2018, elles étaient 131 pour 11 hommes.
→ Pour postuler, un critère est incompressible : cinq ans d’expérience en tant qu’infirmière, peu importe le secteur (hôpital, libéral, prestataire de santé à domicile, hospitalisation à domicile, etc.).
Si elles remplissent cette condition, elles peuvent envoyer leur candidature en réponse aux offres d’emploi que font paraître les directions du service médical. Elles seront recrutées en tant qu’agents du service médical, et donc salariées de droit privé.
→ Une fois recrutées, les ISM bénéficient d’une formation de quinze jours. « Toutes les ISM embauchées fin 2017 ont reçu la même formation nationale, ensemble, à Paris, se rappelle Élodie Hugon.
Nous avons été formées sur le fonctionnement de l’Assurance maladie, l’histoire du service médical, les prestations pour les assurés. »
→ Ensuite, les ISM ont été tutorées dans chaque service par un médecin-conseil pendant trois à quatre mois. « J’ai été leur tuteur à leur arrivée, informe le Dr Leprince. Nous avons mis en place des procédures leur permettant d’être autonomes et un arbre décisionnel pour harmoniser les décisions afin d’offrir un même traitement à l’ensemble des assurés. »
« À Cergy-Pontoise, nous sommes formées sur toutes nos missions par les médecins-conseils et le personnel administratif, souligne Sabrina Odienne. D’ailleurs, les premiers entretiens que nous avons effectués avec les assurés ont été réalisés en présence de notre tuteur. »
→ Les ISM peuvent aussi bénéficier de formations ponctuelles, tout au long de leurs parcours, afin d’actualiser leurs connaissances sur des sujets médicaux (diabète, lombalgie, médicaments…). « J’en ai demandé une sur les échanges confraternels afin de savoir comment échanger au mieux avec les praticiens », fait savoir Sabrina Odienne.