L'infirmière Magazine n° 404 du 01/05/2019

 

ENTRETIEN

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FOCUS

CLAIRE MANICOT  

Dans son roman « L’École des soignantes », le médecin et écrivain Martin Winckler imagine un nouveau monde du soin. Entretien.

L’Infirmière Magazine : Votre dernier roman est-il une suite de vos précédents ouvrages(1) ?

Martin Winckler : Mes premiers romans étaient l’expression d’une colère en réaction à la façon dont est exercée la médecine. L’École des soignantes est une réflexion sur la manière d’enseigner. J’ai imaginé un hôpital-école utopique à partir d’un idéal féministe.

L’I. M. : Expliquez-nous cet hôpital-école…

M. W. : C’est la description d’un système utopique, entre les années 2034 et 2039, dans une région sanitaire autonome, la communauté urbaine de Tourmens, une enclave imaginaire située en France. La santé a été réorganisée de façon égalitaire à partir de l’idéal féministe. Par convention, le livre parle de soignées et de soignantes afin de rompre avec la domination masculine. Les rapports de pouvoir sont incompatibles avec le soin. Or, la première hiérarchie est celle du genre. Les femmes ont été négligées et méprisées par le corps médical pendant des millénaires. Quand elles se plaignent de douleurs des règles, on leur répond que c’est normal. Les médecins reçoivent peu d’enseignement sur des affections touchant exclusivement ou majoritairement les femmes, comme le syndrome pré-menstruel, l’endométriose… De plus les femmes consultent le médecin pour les enfants, leur conjoint, voire leurs parents. Les fondateurs de l’hôpital-école estiment que si l’on parvient à soigner correctement les femmes, à écouter ce qu’elles ont à dire, on saura répondre aux besoins de toutes les personnes.

L’I. M. : Dans votre livre, vous imaginez un cursus de formation unique. Pourquoi ?

M. W. : Pour être véritablement à l’écoute des soignées et savoir repérer leurs besoins, il est nécessaire d’apprendre les gestes les plus élémentaires. Tout élève commence par être une soignante pro, qui apporte une assistance pour la toilette, l’alimentation. Au bout de deux ans, elle peut devenir panseuse, ce qui correspond à l’infirmière actuelle puis, trois ans après, elle peut postuler pour une résidence, ce qui correspond à l’internat à l’issue de laquelle elle est officiante. Les cours magistraux sont supprimés au profit d’apprentissages en groupe collégial et par mentorat. Les personnes soignées participent à l’apprentissage des soignantes et, à tout moment, sont invitées à prendre part aux décisions qui les concernent.

1 - L’École des soignantes, collection P.O.L, Gallimard, 2019.

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