Le Palais Bourbon a adopté, en première lecture fin mars, le projet de loi relatif à l’organisation et à la transformation du système de santé. Point d’étape.
Parce que la ressource médicale va devenir de plus en plus rare jusque dans les années 2025-2027, le projet de loi porté par Agnès Buzyn vise avant tout à « gagner du temps médical ». À cet égard, la mesure phare du texte qui apparaît est la suppression du numerus clausus. Mais celle-ci ne résoudra pas toutes les difficultés, d’autant que les facultés de médecine pourront, au mieux, former 20 % d’étudiants en plus par an et que ceux-ci n’exerceront pas avant, au moins, une dizaine d’années.
Le reste du projet de loi apparaît également très centré sur les médecins. « Je ne crois pas que ce reproche soit entièrement fondé, rétorque Thomas Mesnier, député LREM de Charente, rapporteur du projet de loi et médecin urgentiste. C’est un texte qui n’est pas pour les médecins ni pour telle ou telle profession mais pour améliorer l’accès aux soins des Français. Et je suis personnellement très heureux d’avoir porté des amendements sur le partage des compétences des médecins avec les pharmaciens et les infirmières. »
En effet, c’est à son initiative que les députés ont amendé le projet de loi du gouvernement en créant la possibilité pour les pharmaciens d’une « dispensation pharmaceutique » sous protocole pour certaines pathologies bénignes, comme les cystites ou les angines, pour lesquelles ils pourront délivrer des médicaments sans ordonnance médicale. Quant aux Idel, elles ont obtenu une future modification substantielle du code de la santé publique. En effet, celles qui exerceront dans un cadre coordonné, soit dans une équipe de soins primaires (ESP) soit dans une communauté professionnelle territoriale de santé (CPTS), pourront « adapter la posologie pour certains traitements figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre de la Santé, après avis de la Haute Autorité de santé (HAS) ». Cette adaptation ne pourra cependant avoir lieu que « sur la base des résultats d’analyses de biologie médicale, sauf en cas d’indication contraire du médecin, et sous ré?serve d’une information du médecin traitant désigné par le patient ».
Le domaine de prescription des Idel est également un peu étendu, aux antiseptiques et au sérum physiologique. Des avancées réelles mais encore relativement timides par rapport à d’autres pays, comme la Grande-Bretagne qui dispose de deux fois moins de médecins que la France. « Sur le sujet du partage des compétences entre professions de santé, j’ai été prudente car je ne crois pas qu’il faille tout faire passer par la loi, a justifié Agnès Buzyn lors d’une rencontre de l’Association des journalistes de l’information sociale (Ajis). Je préfère qu’on y réfléchisse à travers la concertation qui est en cours au ministère sur les différents référentiels métiers. »
Elle a néanmoins reconnu qu’il faudra également « un peu de temps d’appropriation par les Français » au fait que tout ne doit pas nécessairement être fait par un médecin. À noter enfin que le texte prévoit que désormais, pour toute profession de santé à ordre, donc pour la profession infirmière, un processus de « recertification » des compétences(1) soit mis en place, à l’instar de ce qui est en cours pour les médecins.
Le projet de loi sera examiné au Sénat, durant la première semaine de juin. Le temps presse car il faut que la loi soit adoptée rapidement afin que la suppression du numerus clausus puisse être effective dès la prochaine année universitaire.
1 - Lire à ce propos la rubrique « Regards croisés », p. 18-19.
Une cinquantaine d’amendements concernant la profession avaient été déposés par les neuf députés IDE, mais tous n’ont pas réussi à passer le barrage de l’examen en séance publique. C’est en particulier le cas de l’amendement visant à permettre aux Idel de rédiger des certificats de décès. Même si le rapporteur du texte reconnaît les difficultés des familles, en milieu rural, qui doivent parfois attendre plus d’une journée avec le corps d’un proche à domicile, il a estimé que le certificat doit « rester un acte médical ». Les députés ont également retoqué un amendement, adopté en commission, qui visait à ce que les CPAM désignent un médecin traitant pour les patients qui n’arrivaient pas à en trouver. Ils ont aussi refusé plusieurs propositions d’expérimentations, notamment celle d’un statut d’infirmier référent ou d’une consultation infirmière de premier recours. De même, un amendement visant à permettre aux Idel de programmer, jusqu’à la guérison, les soins liés au traitement local des plaies chroniques a été retiré.