L'infirmière Magazine n° 404 du 01/05/2019

 

PSYCHIATRIE

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FOCUS

HÉLÈNE COLAU  

Adeline Hazan, la contrôleuse générale des lieux de privation de liberté (CGLPL), a présenté le 27 mars son rapport annuel 2018(1). Elle y pointe les atteintes aux libertés individuelles des patients hospitalisés sous contrainte en psychiatrie.

L’Infirmière Magazine : Avez-vous constaté, lors de vos contrôles, le manque de moyens régulièrement dénoncé lors de mouvements sociaux ?

Adeline Hazan : J’ai observé une dégradation claire de la situation. Partout, on nous a alertés sur le manque d’effectifs. Il y a de grosses difficultés de recrutement de psychiatres comme d’IDE, ce qui a des conséquences énormes au quotidien. Les soignants travaillent à flux tendu et ne peuvent pas toujours assurer comme il le faudrait la notification de leurs droits aux patients.

L’I. M. : Vous relevez la persistance de mauvaises pratiques concernant l’isolement et la contention. Y a-t-il eu des progrès ?

A. H. : C’est très variable selon les hôpitaux mais globalement, ces pratiques ne diminuent pas. Il y a trop d’établissements où l’on n’a engagé aucune réflexion en équipe sur les façons d’éviter le recours à l’isolement et à la contention, qui est banalisé. Il y a un vrai besoin de formation sur ce sujet. De jeunes soignantes sont parachutées dans ces services sans en connaître les spécificités. S’il n’y a pas de seniors pour les guider, c’est la porte ouverte aux mauvaises pratiques.

L’I. M. : Vous pointez aussi de nombreuses violations des libertés des patients…

A. H. : Dans certains hôpitaux, il y a une restriction systématique de leurs droits fondamentaux. Par exemple, le port du pyjama : ce n’est pas un problème s’il est justifié, en fonction des besoins thérapeutiques. Mais s’il est systématique, c’est une atteinte à la dignité. De même, la privation de liberté de circulation dans l’établissement n’est pas inhérente à la privation de liberté. Il n’est pas normal qu’un patient doive demander systématiquement qu’on lui ouvre la porte pour passer d’une pièce à l’autre. Ces pratiques peuvent découler d’un manque de temps du personnel, mais elles viennent aussi d’une culture de l’enfermement, encore bien présente dans certains établissements.

L’I. M. : Quelles sont vos recommandations au regard des droits des patients ?

A. H. : Il faudrait s’orienter vers une psychiatrie plus ouverte, c’est-à-dire plus axée sur l’extra-hospitalier, développer les appartements thérapeutiques et les centres médico-psychologiques. Aujourd’hui, il faut parfois attendre plusieurs mois avant d’être pris en charge dans un CMP. Quand les liens entre ville et hôpital sont efficaces, on note une baisse immédiate des hospitalisations sous contrainte. En trente ans, on a supprimé la moitié des lits en psychiatrie… J’en appelle à Agnès Buzyn pour redéployer ce budget vers un plan psychiatrie ambitieux. Ce ne peut plus être la cinquième roue du carrosse de la santé ?

1 - Pour établir son rapport annuel, les équipes de la CGLPL ont visité 23 établissements de santé habilités à recevoir des patients hospitalisés sans consentement. Des contrôles « bien accueillis » par les soignants, selon la contrôleuse générale, qui se félicite d’être désormais perçue « comme un regard extérieur positif, qui leur permet de réinterroger leurs pratiques ».

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