L'infirmière Magazine n° 405 du 01/06/2019

 

DOULEURS CHRONIQUES

EN PRATIQUE

NOUVELLES TECHNOLOGIES

MARIE-CAPUCINE DISS  

La prise en charge des douleurs chroniques est largement ouverte aux techniques non médicamenteuses. Au côté d’innovations liées à des techniques variées, la nécessité d’une appréhension globale et multidisciplinaire du patient reste capitale.

On peut estimer que 30 % des Français souffrent actuellement de douleur chronique et que celle-ci est handicapante pour 10 % d’entre eux. Selon Carole Séréni, neurologue et co-responsable de la consultation multidisciplinaire de la douleur chronique de l’hôpital Saint-Joseph, à Paris, « la prise en charge médicamenteuse de la douleur n’est globalement pas satisfaisante : beaucoup de personnes ne sont pas soulagées. Les médicaments, et en particulier les opiacés, ne font pas d’effet, ils ont tendance à entretenir la douleur et créent un état de dépendance. D’où le nombre important de douloureux chroniques dont on peine à améliorer l’état. »

La douleur est un phénomène complexe, qui reste d’autant moins bien connu qu’il envahit le cerveau et la vie de la personne. « Le cerveau est complètement bloqué autour de la douleur. On ne peut pas s’en débarrasser, on ne peut pas s’en libérer, c’est quelque chose d’invincible, qui fait que tout renforce la douleur chronique », précise la neurologue, qui a récemment consacré un ouvrage à ce sujet (1).

D’autres techniques contre la douleur

Les équipes hospitalières en charge de la douleur ont recours à des thérapies complémentaires. Les champs magnétiques créés par des bobines de cuivre améliorant l’activité des cellules induisent un sentiment de bien-être permettant de combattre la douleur. La neurostimulation électrique transcutanée nerveuse, ou TENS, a également fait ses preuves. Ce procédé a connu récemment une avancée technologique, bloquant la réception des messages par les fibres douleur. Innovation technologique récente, la stimulation du nerf vague, par le biais d’une électrode auriculaire placée dans l’oreille gauche, donne des résultats particulièrement prometteurs auprès des patients de la consultation douleur de l’hôpital Joseph-Ducuing, à Toulouse.

Autre perspective d’avenir, la réalité virtuelle, qui est également actuellement testée pour lutter contre la douleur chronique. Avec cette technique, « les patients peuvent interagir avec le monde extérieur sans souffrir et cela apporte quelque chose d’important du point de vue du cerveau, explique Carole Séréni. Si l’on arrive à surmonter ce blocage du cerveau autour de la douleur et à le conduire à une activité différente, où la douleur ne prend pas place, on arrive à soulager les personnes. » Dans cette même logique, l’hypnose offre d’importantes possibilités auxquelles ont régulièrement recours les unités douleur. Le médecin douleur de l’hôpital Joseph-Ducuing adresse régulièrement des patients à Angèle Marcerou pour des séances d’auto-hypnose. Pour l’infirmière toulousaine, cet outil trouve sa place dans une démarche soignante générale visant à aider le patient à « mobiliser ses propres forces pour aller mieux ». L’importance accordée à la prise en charge globale de la douleur chronique est d’autant plus essentielle que le moral, le physique et le psychique y sont intiment liés. Cette intrication a d’ailleurs amené pendant longtemps un nombre important de professionnels de santé à considérer que la douleur était “dans la tête” de patients particulièrement portés sur la plainte.

Les bienfaits de l’activité physique

Dans cette perspective de prise en charge globale, le « sport-thérapie » est actuellement reconnu comme un moyen efficace de lutte contre la douleur. Carole Séréni insiste sur l’importance pour les soignants d’aider les douloureux chroniques à aller physiquement jusqu’où ils le peuvent : « En éduquant les patients et en les encourageant à avoir une activité physique, on les sort d’un cocon de douleur dont ils sont prisonniers et qui les isole. Comme pour toutes les affections chroniques, en plus de soigner la maladie, il faut permettre aux patients d’améliorer leur qualité de vie. »

Pour Angèle Marcerou, la prise en considération de la dimension psychologique du soin est également fondamentale. « La douleur fait probablement résonner des choses dans le vécu du patient, d’anciennes violences subies. Je m’aperçois que chez les personnes que je reçois, la douleur est très souvent intriquée à une souffrance existentielle, psychique. »

D’où l’importance d’une prise en charge multidisciplinaire, afin de pouvoir adresser les patients vers un psychologue ou une assistante sociale. Dans ce contexte global, la relation soignante d’aide reste capitale : « Être présent, attentif à ce qui fait souffrir la personne, résume Angèle Marcerou. Ce qui signifie aussi être serein avec soi-même et avoir le souci de l’autre, en l’écoutant. »

1- Carole Séréni, Douleurs chroniques et opiacés, éditions du Cerf, Paris, mars 2019.