Certains commentateurs de l’action politique parlent d’un alignement des planètes : le constat d’un système de santé qui a atteint ses limites est, enfin, largement partagé entre professionnels, politiques et citoyens. Rupture dans les parcours de soins, déserts médicaux, saturation des urgences, dégradation des conditions d’exercice, épuisement des soignants, perte d’attractivité des métiers paramédicaux… autant de révélateurs des failles que la loi dite « Stratégie de transformation du système de santé » doit traiter.
Les enjeux sont éthiques, politiques, organisationnels, managériaux, financiers, numériques : la place centrale du patient, la promotion de la qualité de vie au travail, la construction de parcours de soins, l’évolution des pratiques professionnelles, la redéfinition des modalités de financement des soins de ville et de l’hôpital, le déploiement attendu de systèmes d’information partagés : autant d’axes de travail objectifs, évidents, qui vont se décliner en réglementations et plans d’action divers.
Cette grande histoire sera mise en œuvre par un ensemble d’individus, de professionnels qui concourent au travers de leurs différentes fonctions au fonctionnement de ce système.
Quelques souvenirs me reviennent… Un anesthésiste refuse d’aider l’infirmier débordé en désinfectant la peau d’un patient avant un geste invasif. Un aide-soignant affirme que ce n’est pas son travail, à domicile, d’aider une personne âgée en fin de vie à prendre son repas. Un cadre de garde ne veut pas téléphoner un avis d’aggravation quand les soignants sont accaparés par deux arrêts cardiaques simultanés. Un infirmier récuse l’orientation de son collègue à l’accueil des urgences et refuse de prendre en charge le patient dans “son” secteur de soins. Un ambulancier assume de ne pas transporter une personne SDF atteinte de la gale parce qu’il faudra décontaminer le véhicule. Une infirmière libérale affirme avec véhémence que la prévention ne l’intéresse pas, seulement les actes… Et à quel moment, dans ma propre pratique, ai-je pu aussi “bloquer” le système ?
Dans ce mouvement de transformation attendu, ce ne sont pas seulement des textes réglementaires qui changeront la donne. Il s’agira de sortir des défenses sectorielles et corporatistes, des postures artificielles, des complexes de supériorité, des fausses certitudes et des égoïsmes qui ne laissent pas de place au dialogue.
Faire un meilleur système, c’est accepter de se décentrer, reconnaître la complexité de l’ensemble, respecter la place de chacun et pourquoi pas, l’aider à accomplir sa mission. C’est travailler pour le patient mais aussi, dans une posture bienveillante, pour et avec tous les autres professionnels qui vont l’accompagner.
La transformation du système de santé devra aussi être la mobilisation de chacun dans un projet collectif de parcours mieux articulés, qui ne seront réalisables qu’avec un état d’esprit empreint de respect, de partenariat, de collaboration et de coopération.