FORMATION
PLAIES CHRONIQUES
MYRIAM LAFTESS* MAGALI RORATO**
*EXPERTES EN PLAIES ET CICATRISATION
DANS LE SERVICE DES CONSULTATIONS
DE MÉDECINE VASCULAIRE DU
CHU DE MONTPELLIER (34)
Les soins IDE ne doivent pas se limiter aux soins de plaies. Informer, éduquer pour faire adhérer le patient à la compression s’avèrent des éléments déterminants dans la prévention des récidives.
L’ulcère veineux (UV) des membres inférieurs (MI) est une pathologie fréquente, à prédominance féminine, qui a une prévalence de 1 % dans la population française. Son retentissement économique et en termes de qualité de vie est très lourd puisque 70 % des cas récidivent. Il s’agit d’une affection qui augmente avec l’âge.
• Définition : l’UV de jambe se définit comme une perte de substance cutanée chronique sans tendance spontanée à la cicatrisation, il siège au-dessous du genou et il n’existe pas de participation artérielle. Il est le stade terminal de l’insuffisance veineuse.
• Physiopathologie : la maladie veineuse ou insuffisance veineuse chronique se caractérise par une altération des valvules, sortes de petits clapets qui empêchent normalement le sang veineux de refluer vers le bas des jambes.
• Ce reflux peut être secondaire à des varices dites « essentielles » : faiblesse au niveau des parois veineuses, ou secondaire à un syndrome post-thrombotique (SPT) : séquelles liées à une thrombose veineuse profonde proximale.
• La stase veineuse va entraîner des modifications biochimiques, hémodynamiques et engendrer la production de radicaux libres. L’apparition d’un manchon leucocytaire, puis fibrineux autour des vaisseaux, va perturber les échanges gazeux et nutritionnels entre les vaisseaux et les tissus. Ce mécanisme va provoquer une ischémie progressive, et la disparition des cellules les plus superficielles de la peau, dont le stade ultime est l’ulcère veineux.
Il s’agit d’une plaie peu ou pas creusante, exsudative, peu douloureuse, située en tiers inférieur jambier, le plus souvent en malléole interne (incontinence de la grande veine saphène), le pourtour est en “carte de géographie”, le fond de la plaie peut être fibrineux plus ou moins bourgeonnant. À noter que dans les SPT, les plaies sont parfois circulaires, multiples et plus profondes.
• La peau péri-ulcéreuse est pathologique : présence de varices, dermite ocre (coloration marron de la peau), atrophie blanche (zone avasculaire dépigmentée), dermite de stase (rougeur de la peau), œdème vespéral et hypodermite scléreuse (jambe marquée avec aspect “en gigot” dans les SPT).
• Les pouls pédieux sont perçus.
• À l’interrogatoire, le patient décrit des lourdeurs et tensions douloureuses des jambes aggravées par la station debout ou assise prolongée.
• Il est nécessaire de réaliser un écho-Doppler veineux des MI. Il se fait couché, puis debout, à la recherche d’un reflux veineux superficiel et profond, ou de séquelles post-thrombotiques. Le reflux est significatif s’il est supérieur à 0,5 seconde.
• L’indice de pression systolique (IPS) est le rapport de la pression artérielle systolique à la cheville sur la pression artérielle systolique au bras. Sa norme, dans l’ulcère veineux pur, doit être comprise entre 0,9 et 1,3. En cas d’IPS < 0,9 ou > à 1,3, il convient de réaliser un écho-Doppler artériel des MI afin d’évaluer les lésions artérielles.
Les ulcères veineux en lien avec l’insuffisance veineuse « essentielle » ont un bon pronostic. Les ulcères post-thrombotiques ont un pronostic plus péjoratif en rapport avec l’atteinte du système veineux profond. Les récidives et la chronicisation sont donc fréquentes.
L’objectif est double : cicatriser l’ulcère de jambe le plus rapidement possible et éviter la récidive.
• Moyens physiques de lutte contre l’œdème : la compression veineuse est recommandée (recommandation HAS, juin 2006) et doit être de haut niveau (35 mmHg à la cheville), en l’absence d’artérite oblitérante des membres inférieurs associée (AOMI). Elle peut être élastique ou non, unique ou combinée (bandage multi-types, anciennement multicouches). La compression devra être adaptée si AOMI associée.
• Elle devra être portée en permanence le jour et mise en place le matin avant le lever. Elle est contre-indiquée en cas d’IPS < 0,7.
• La sur-élévation d’environ 10 cm des pieds du plan du lit facilite le retour veineux pendant le sommeil.
• La marche quotidienne ainsi que les séances de kinésithérapie afin de lutter contre l’ankylose de cheville sont des compléments thérapeutiques nécessaires.
• Le traitement des varices est aussi bien préventif que curatif dans l’ulcère veineux.
• La sclérothérapie consiste en l’injection dans la varice d’un produit irritant la paroi veineuse et qui va la transformer en cordon fibreux.
• Le traitement endo-veineux consiste à appliquer une forte énergie thermique générée par une sonde radiofréquence ou par une fibre laser qui va provoquer une inflammation et une rétractation de la paroi de la veine à traiter. La veine va donc ainsi se rétracter, s’occlure et se fibroser.
• La chirurgie : phlébectomie, stripping ou éveinage.
• Mesures hygiéno-diététiques : il faut lutter contre la sédentarité. Un régime adapté permettra de corriger un surpoids éventuel. Inversement, une dénutrition (albuminémie < 30 g/l) pouvant être à l’origine d’un retard de cicatrisation devra être corrigée. L’hygiène locale doit être parfaite. L’arrêt du tabac est préconisé.
Elle passe par une hygiène cutanée rigoureuse, la limitation des traumatismes, le drainage postural et, surtout, le port régulier d’une compression veineuse (recommandation Haute autorité de santé, juin 2006) diurne et le maintien d’une activité physique. La lutte contre la sédentarité, la prévention du surpoids et le traitement des varices chez le sujet jeune y contribuent également.
• Eczéma de contact : complication fréquente de l’ulcère de jambe veineux en raison du grand nombre de produits topiques utilisés dans cette affection chronique.
• La surinfection microbienne (ne pas confondre avec colonisation) est visible quand trois de ces signes sont réunis : majoration des exsudats, odeur nauséabonde, augmentation de la douleur locale, rougeur (inflammation de la peau péri-lésionnelle), chaleur, lymphangite, hyperthermie. Un prélèvement bactériologique (à réaliser après nettoyage de la plaie) permettra d’identifier le ou les germes responsables afin de choisir une antibiothérapie adaptée.
• Les lésions ostéo-articulaires : ankylose de cheville.
• La cancérisation : rare mais pas exceptionnelle, elle survient sur des ulcères évoluant depuis de nombreuses années. Le diagnostic se fait par une biopsie cutanée à plusieurs endroits de l’ulcère.
→ La compression est la clé de la cicatrisation. Il est primordial que le patient porte sa compression jusqu’à cicatrisation complète. Il peut s’agir de bandages multi-types amovibles, dans ce cas, la bande élastique (bande à allongement long) devra être retirée la nuit. Pour les bandages inamovibles (kits à usage unique), ils peuvent rester en place nuit et jour, et être jetés après utilisation. En cas de douleur lors du port des bandages, s’assurer que celui-ci n’est pas trop serré, vérifier la coloration des orteils et la présence des pouls pédieux (recherche d’AOMI associée). Prévenir le médecin traitant ou le médecin prescripteur en cas de doute. Après la cicatrisation, le patient continuera à porter des chaussettes ou des bas de compression afin de prévenir une récidive.
→ Le pansement ne fait pas le traitement de l’ulcère, cependant il doit être choisi en fonction des critères d’évaluation de la plaie et de la peau péri-lésionnelle. Privilégier les bandages aux pansements adhésifs et au sparadrap.
Éviter les pansements trop grands, essayer de le découper de façon à ce qu’il ne dépasse que légèrement de la plaie (risque de dermite de contact). La prescription et le renouvellement des ordonnances de pansement peuvent être réalisés par l’infirmière.
→ L’hygiène doit être rigoureuse. La peau péri-lésionnelle et la plaie doivent être nettoyées à l’eau et au savon doux. Ne pas utiliser d’antiseptiques. Vérifier l’absence de mycose entre les orteils, qu’il faudra traiter si besoin (risque de surinfection). Bien hydrater la peau.
→ Une détersion douce des peaux mortes et de la fibrine à l’aide d’une curette ou d’un bistouri doit être réalisée.
→ L’infirmière a un rôle majeur dans l’information et l’éducation du patient : conseils hygiéno-diététiques, éducation sur la compression afin d’obtenir le consentement et l’adhésion du patient au traitement pour une prise en charge optimale.
N. B. Les professionnels paramédicaux sont des personnes à risque d’insuffisance veineuse, pensez à vos chaussettes de compression.