L'infirmière Magazine n° 405 du 01/06/2019

 

FORMATION

ENDOCRINOLOGIE

MARIE-CAPUCINE DISS  

Les changements liés à l’adolescence induisent une prise de distance vis-à-vis du traitement de la part de jeunes pouvant se mettre en danger. Cette situation peut être améliorée par un encadrement plus complet de ces patients et une remise en question des clichés que peuvent leur attribuer les soignants.

Le diabète de type 1, dû à une absence de sécrétion d’insuline par le pancréas, est diagnostiqué de plus en plus tôt dans l’enfance. Il nécessite une insulinothérapie, couplée à une activité physique régulière et à une alimentation équilibrée. Totalement assumée par les parents au cours de la petite enfance, la prise en charge de la maladie est progressivement transférée à l’enfant, au cours de son suivi pédiatrique. Parvenu à l’adolescence, le jeune, alors qu’il traverse une période où il est désireux de s’affranchir de toute contrainte, a tendance à relâcher le suivi de son diabète. « Il va plus facilement oublier ses injections, moins suivre les règles de diététique, décrit la Pre Laurence Kessler, du service diabète, endocrinologie et nutrition des Hôpitaux universitaires de Strasbourg. Le traitement sera plus difficile à accepter pour lui. » Le dialogue avec les soignants est perturbé par la distance prise avec les adultes et une transition délicate entre suivi pédiatrique et entrée dans les services adultes.

Altération de l’observance

Parallèlement, l’évolution du mode de vie de l’adolescent, avec un possible éloignement du domicile familial, peut le placer dans une situation de transition délicate et rendre plus arduz l’équilibration de son diabète. Celui-ci peut aussi être mis à mal chez la jeune fille par une minimisation volontaire de la prise d’insuline, dans le but de perdre du poids. À noter qu’à l’inverse, des modifications hormonales liées à l’adolescence peuvent induire un pic de la sécrétion d’hormones de croissance susceptible de provoquer une insulinorésistance et nécessitant une majoration de ses besoins en insuline. D’où les chiffres d’une étude américaine menée en 2013 : seulement 21 % des adolescents et jeunes adultes âgés entre 13 et 20 ans ont une hémoglobine glyquée se situant dans les objectifs thérapeutiques placés au-dessous de la barre des 7,5 %. Des données préoccupantes, comme en témoigne cette analyse, issue d’une étude menée dans les services de diabétologie pédiatrique et adulte des hôpitaux de Strasbourg, Colmar et Mulhouse(1) : « Une période de déséquilibre du diabète prolongé, comme elle peut survenir à l’adolescence, peut marquer un tournant dans la survenue ou l’aggravation de complications chroniques du diabète, mais également avoir un impact sur la survenue de complications sur le long terme. »

Les études scientifiques ont également montré que le diabète représentait un facteur de risque de troubles psychiatriques, principalement la dépression et l’anxiété généralisée. Âge de toutes les expérimentation, l’adolescence est également celui des prises de risques et des comportements compulsifs. La consommation d’alcool, pouvant entraîner des hypoglycémies sévères, liée à celle d’autres produits psychoactifs, crée un contexte favorisant l’arrêt du traitement insulinique. Les jeunes s’exposent ainsi à des risques d’acidocétose, pouvant mener au coma et engager leur pronostic vital. Selon Laurence Kessler : « Il s’agit d’une problématique majeure. Ces épisodes sont fréquents chez les adolescents. »

Un meilleur encadrement des adolescents s’avère nécessaire pour les aider à traverser cette période semée d’embûches. Des programmes d’éducation thérapeutique adaptés, des ateliers participatifs, la discussion avec des pairs sont autant d’occasions de renforcer l’adolescent face à la gestion de son diabète. Afin d’améliorer la communication avec les soignants, une meilleure connaissance de ces derniers sur le développement adolescent et une mise à distance des clichés s’avèrent nécessaire. Une analyse des représentations des professionnels de santé sur les adolescents est également une piste intéressante à exploiter. L’étude précédemment citée conclut à l’intérêt à trouver un équilibre entre une approche empathique donnant une place importante à la famille, caractéristique des services pédiatriques, et une approche plus distanciée, accordant une place plus importante à l’individu, comme c’est le cas dans les services de diabétologie adulte.

1- A.-H. Spizzo-Guellati, M. Chabrat, H. Paris, F. Moreau, M. Mansilla, A. Squillaci, L. Kessler, « Représentation de l’adolescent diabétique par le personnel soignant en service de diabétologie adulte et pédiatrique », Médecine des maladies métaboliques, volume, n° 3, mai 2014.