La chambre régionale des comptes d’Île-de-France a rendu public, en mars dernier, un rapport d’observation inédit et instructif sur le « personnel infirmier » de l’AP-HP, portant sur les exercices 2011 et suivants. Il comprend également plusieurs recommandations.
Ils représentent 40 % du personnel, soit 20 384 équivalents temps plein. Et pourtant, si « l’AP-HP n’éprouve pas de difficultés particulières pour recruter des IDE, […] les effectifs, relativement à la croissance de l’activité, ne permettent pas de satisfaire aux ratios de personnels légalement exigibles pour les services normés », relève la chambre régionale des comptes, l’équivalent de la Cour des comptes dans les régions, dans un rapport sur le personnel infirmier de l’AP-HP (Assistance publique - hôpitaux de Paris) sur les exercices 2011 et suivants.
C’est par exemple le cas en soins intensifs de cardiologie, où le ratio prévu par le code de la santé publique doit normalement être d’une IDE pour quatre patients le jour, et pour huit patients la nuit. La chambre préconise également de poursuivre l’élaboration de « standards capacitaires de ratios au lit de présence infirmière au-delà des seuls services de médecine ».
Toute la subtilité de l’exercice réside dans la difficulté d’évaluation de la charge de travail infirmière. L’AP-HP reconnaît dans ce rapport qu’elle n’a, pour l’heure, pas défini de politique institutionnelle sur l’utilisation d’une méthodologie particulière et n’utilise pas non plus les ratios développés par l’Agence nationale d’appui à la performance (Anap).
Dans les faits, la fixation des effectifs infirmiers s’effectue en fonction du taux d’occupation des lits, du niveau d’activité des services et de la lourdeur des disciplines. D’où des disparités entre les établissements. Ainsi, par exemple, l’hôpital Henri-Mondor, à Créteil (94), a retenu des ratios d’une IDE pour douze patients en médecine et d’une pour dix en chirurgie, tandis que l’hôpital Ambroise-Paré, à Boulogne-Billancourt (92), a pris le ratio d’une IDE pour douze lits en chirurgie et d’une pour quinze en médecine. « Il y a aussi un historique, qui tient compte du poids politique que pouvaient avoir certains chefs de service, ce qui a pour conséquence que certains services peuvent être mieux dotés que d’autres », commente Thierry Amouroux, porte-parole du Syndicat national des professionnels infirmiers (SNPI).
Pour sa part, la chambre des comptes met également le doigt sur la difficulté à évaluer l’accroissement de la charge en soins. « Certains interlocuteurs confirment que les ratios utilisés correspondent aux besoins d’une époque révolue, quand les durées moyennes de séjour étaient supérieures et les patients moins dépendants », rapporte-t-elle. « La réforme en cours à l’AP-HP sur la nouvelle adaptation capacitaire consiste uniquement à réduire les effectifs pour réaliser des économies budgétaires, sans tenir compte des besoins de santé réels des patients hospitalisés », dénonce le SNPI, qui a largement commenté ce rapport. « La direction passe des ratios au rationnement. Ainsi, en 2018, l’AP-HP a supprimé 600 postes dans le cadre de son plan d’économies. »
L’enseignement majeur de ce rapport est que l’alourdissement et la densification du travail infirmier ne sont pas une vue de l’esprit mais ils peuvent être objectivés. « Le report d’une partie de l’activité d’hospitalisation complète vers l’ambulatoire a pour conséquence l’augmentation de la sévérité des cas traités en hospitalisation complète », souligne la chambre des comptes. Ainsi, entre 2011 et 2016, les séjours d’une sévérité de type 4 ont crû de 46 %.
En outre, ce rapport met également en lumière plusieurs autres spécificités de l’AP-HP. Ainsi, le taux de rotation dépasse largement la moyenne nationale, même s’il a diminué à partir de 2014, s’établissant pour l’année 2016 à 11,9 % : 8,6 % pour les Ibode, 10,1 % pour les Iade, 11,9 % pour les IDE et 16 % pour les puéricultrices. Et encore, le SNPI attire l’attention sur le fait que ces chiffres ne concernent que les infirmières quittant l’AP-HP et non pas les nombreux changements entre les 39 hôpitaux de l’AP-HP. La chambre souligne aussi que l’adhésion obligatoire à l’Ordre national infirmier (ONI) n’est pas suffisamment observée.
Enfin, parmi les points positifs, le rapport met en exergue l’investissement des hôpitaux parisiens « dans l’amélioration des pratiques infirmières et la prévention des risques professionnels ». L’AP-HP fournit notamment un « suivi méthodologique des pratiques et procédures de soins remarquable », selon la chambre des comptes. Ce rapport a été examiné lors d’une réunion du conseil de surveillance de l’AP-HP le 19 avril dernier.