L'infirmière Magazine n° 406 du 01/07/2019

 

AIDE SOCIALE

SUR LE TERRAIN

MON QUOTIDIEN

UMBERTO DI PRIMA*   HÉLÈNE COLAU**  


*Cadre supérieur de santé au pôle psychiatrie du CH Philippe-Pinel, à Amiens (Somme)

Il n’est pas rare que des personnes très démunies soient hospitalisées, par exemple après une intervention du Samu social. L’équipe soignante peut avoir envie d’aider matériellement ces patients qui manquent de tout. « Les infirmières ne peuvent pas rester insensibles », confirme Umberto Di Prima, cadre supérieur de santé au pôle psychiatrie du CH Philippe-Pinel(1), à Amiens (Somme), qui reçoit beaucoup de patients dans le dénuement, notamment des migrants. « Dans cette situation, le bon réflexe est d’avertir la cadre, qui pourra décider de la conduite à tenir, en concertation avec les médecins et l’assistante sociale. » Car si faire des “exceptions” pour offrir certains services aux personnes qui ne peuvent les payer ne relève pas de la compétence des soignantes, cela peut toutefois s’inscrire dans une politique d’établissement. La décision d’aider quelqu’un est toujours prise en équipe pluriprofessionnelle. « Nous pouvons offrir du dentifrice, un rasoir, du shampooing, détaille Umberto Di Prima. Nous avons aussi un vestiaire, tenu par des bénévoles, avec des vêtements et des chaussures. Enfin, une lessive au Lavomatic de l’hôpital coûte normalement cinquante centimes, mais cet argent peut être avancé par notre association d’aide sociale. » C’est l’assistante sociale qui tient les cordons de la bourse : les infirmières peuvent la solliciter, mais elle seule peut remettre de l’argent à un patient. Certains établissements offrent aussi les services d’une coiffeuse aux patients en grande difficulté – « la coupe est gratuite mais si on veut une teinture, par exemple, c’est payant », précise Umberto Di Prima. Enfin, les infirmières peuvent demander que la personne ait accès à un bilan somatique complet (dentiste, gynécologue…) gratuitement.

1- Co-auteur de « Compétences infirmières auprès d’un public en grande précarité », Recherche en soins infirmiers, n° 93, 2008/2.

Relais associatifs

→ Dans certains établissements hospitaliers, des associations se spécialisent dans l’aide aux personnes démunies. Ainsi de l’Association d’aide et réhabilitation sociale (AARS), au CHPhilippe-Pinel d’Amiens (Somme). « Nous avons dans notre budget une ligne destinée aux patients en difficulté financière, explique Umberto Di Prima, membre de l’AARS. Au besoin, nous pouvons financer pour elles des billets de train, une paire de chaussures ou des articles de toilette. » Via l’association, l’assistante sociale peut aussi consentir des prêts en liquide – les personnes précaires n’ayant souvent pas de compte en banque – « même si nous savons que, une fois sur deux, ils ne seront pas remboursés ».

Enfin, l’association propose parfois d’avancer les frais pour payer un médecin, en attendant le versement de la Sécurité sociale.

LES BONNES PRATIQUES

→ Même si la personne arrive dans un service de psychiatrie, il faut penser aussi à s’occuper du somatique et vérifier, par exemple, sa vue, son hygiène buccale, si elle présente des carences alimentaires… Pour cela, l’équipe soignante peut l’orienter vers des consultations spécialisées.

→ Parmi les personnes précaires, il y a désormais de nombreux migrants. Les infirmières doivent rester attentives à ne pas les choquer : dans certaines cultures, être assisté est mal vu et certaines aides peuvent donc être mal vécues.

→ Gardez une approche holistique du patient. Ce n’est pas parce qu’on est démuni qu’on n’est « que » démuni : on reste une personne à part entière, avec des préférences et des croyances.

→ N’hésitez pas à faire appel à l’assistante sociale, la plus à même de trouver des solutions à certains problèmes, par exemple de logement.

Des structures spécialisées

Il existe plusieurs types de structures spécialisées dans la prise en charge des personnes précaires.

→ Les permanences d’accès aux soins de santé (Pass)(1) accompagnent dans leurs démarches les personnes sans couverture médicale. Elles sont implantées dans les hôpitaux et travaillent avec le Samu social, les centres de santé, les services municipaux de santé, les services de protection maternelle infantile (PMI), les centres médico-psychologiques (CMP)…

→ Les équipes mobiles psychiatrie précarité (EMPP), elles, ont pour but de permettre aux personnes souffrant de troubles psychiatriques sans soins ou en rupture de soins, de revenir vers les CMP ou les unités d’hospitalisation. « Dans ces équipes, les infirmières n’attendent pas que les patients viennent à elles mais elles vont au-devant d’eux, par des maraudes avec le Samu social ou des interventions dans des foyers, explique Umberto Di Prima. C’est très important, car les personnes en difficulté n’ont pas toujours l’envie de se rendre à l’hôpital. À nous de leur expliquer les bienfaits qu’ils peuvent retirer d’une prise en charge. »

1- Instituées par la loi d’orientation du 29 juillet 1998 qui a prévu la prise en compte de la précarité par le système de santé et l’affirmation de la mission de l’hôpital dans la lutte de l’exclusion sociale. Circulaire du 17 décembre 1998 pour la mise en place des Pass.