L’industriel joue un rôle essentiel dans la matériovigilance par le biais des procédures qu’il met en place et les investigations qu’il mène. La qualité de l’information recueillie est une des clés de l’expertise.
La matériovigilance (MV) a pour objectif d’assurer la sécurité et la qualité des dispositifs médicaux (DM) après qu’ils ont été libérés sur le marché. Elle a pour but d’éviter que ne se produisent, ou ne se reproduisent, des incidents et risques d’incidents graves mettant en cause des DM, en prenant les mesures préventives et/ou correctives appropriées.
La matériovigilance vise également à utiliser les données issues du marché pour analyser en continu le rapport bénéfice/risque lié au DM. Cette obligation est issue de la directive 93/42/CE et tend à s’étendre avec l’émergence du nouveau règlement européen 2017/745. L’Agence nationale de sécurité du médicament et des produits de santé (ANSM), pour assurer cette mission de surveillance post-marché, est en contact avec les correspondants locaux de MV des établissements de santé, des industriels, les utilisateurs et les tiers. L’industriel du DM met en place des procédures de gestion de ces événements indésirables. Nous utiliserons l’incident survenu à l’hôpital Bichat sur le dispositif « oxygénateur Capiox FX », appareil servant à oxygéner le sang sur le cœur avec circulation sanguine extracorporelle (CEC), pour dérouler ce processus et expliquer comment le dossier a été traité puis résolu.
Le correspondant local de MV Terumo réceptionne la déclaration de MV par email, courrier ou fax. Il enregistre l’incident dans une base de données permettant au service qualité de la société d’apprécier la gravité de l’incident reporté. Il informe le client qu’il a bien reçu la déclaration et lui demande des informations supplémentaires sur l’incident, avec l’aide du commercial du secteur concerné, telles que les principales étapes de l’opération, les paramètres d’anesthésie, sanguins et gazeux de l’intervention, les gestes accomplis pour résoudre le problème, etc. Ces échanges sont primordiaux pour recueillir un maximum d’informations et comprendre l’environnement dans lequel le dispositif a été utilisé. Concernant la disponibilité du DM, l’idéal est de le récupérer pour effectuer une expertise la plus approfondie possible. Terumo peut fournir des conteneurs adaptés pour faciliter le transport des produits souillés.
Le service qualité de l’usine de fabrication entame une investigation, mène l’expertise du DM lorsque celui-ci est retourné, puis étudie l’historique du lot impliqué dans l’incident. Le rapport d’expertise montre parfois une défectuosité du dispositif et, dans ce cas, une action corrective est mise en place afin d’améliorer le produit : modification du produit ou de son processus de fabrication, modification des contrôles qualité mis en place, révision de la notice d’instruction, formation et accompagnement des professionnels de santé, recommandations aux utilisateurs par le biais de fiche de notification de sécurité (FSN), voire un rappel de lot. Dans le cas contraire, l’incident peut parfois être en lien avec une mauvaise utilisation du matériel.
→ Dans notre situation clinique (lire p. 36), l’oxygénateur a bien été retourné à l’usine de fabrication aux États-Unis. L’expertise a révélé que celui-ci fonctionnait parfaitement (caractéristiques techniques correctes et répondant aux spécifications) et qu’il n’y avait aucun défaut d’oxygénation et/ou de fuite ou de présence anormale de caillot pouvant justifier la diminution des échanges gazeux. Un rapport d’investigation a été établi dans ce sens et a été envoyé au client. Bien que le DM ait été expertisé, le manque d’informations factuelles concernant les conditions dans lesquelles il a été utilisé n’a pas permis, comme dans la plupart des cas, d’identifier la cause exacte de l’incident. En effet, le phénomène de « poumon mouillé », l’obstruction des ports du filtre antibactérien de la ligne des gaz ou un défaut d’apport d’oxygène vers le dispositif auraient pu expliquer le défaut d’oxygénation transitoire. Un doute persiste puisque le filtre antibactérien n’a pas été expertisé. Le manque de matériel dans le bloc opératoire peut également être un facteur de l’incident ; la présence d’un analyseur des gaz du sang en continu, de type CDI 500, aurait permis aux utilisateurs de quantifier avec précision l’hypoxémie et d’agir en conséquence.
Si la matériovigilance peut être perçue comme une procédure lourde, complexe et contraignante, elle est un élément important pour la sécurité des patients et des utilisateurs.
Références d’unités d’enseignement et extraits :
→ UE 1.3 S1 : législation, éthique, déontologie (compétence 7) : « L’exercice professionnel et la responsabilité » et UE 1.3 S4.
→ UE 2.1 S1 : biologie fondamentale (compétence 4) : « les molécules constitutives du vivant et leur fonction (oxygène, eau, etc.) ».
→ UE 2.2 S1 : cycles de la vie et grandes fonctions (compétence 4).
→ UE 2.7 S4 : défaillances organiques et processus dégénératifs (compétence 4) : « insuffisance cardiaque, artérielle, veineuse, insuffisance pulmonaire ».
→ UE 3.3 S3 : rôles infirmiers, organisation du travail et interprofessionalité : « explorer la notion de suivi des soins dans des contextes de pluri-professionnalité » (compétence 9).
→ UE 4.5 S4 : soins infirmiers et gestion des risques (compétence7) : « les vigilances et la mise en place des moyens dans les établissements de santé (matériovigilance). Incidents critiques, déclaration, analyse… ».
→ UE 4.8 S6 : qualité des soins, évaluation des pratiques (compétence 7) : « évaluer l’application des règles de traçabilité et des règles liées aux circuits d’entrée et de sortie des matériels et dispositifs médicaux ».
→ UE 5.6 S6 : analyse de la qualité et traitement des données scientifiques et professionnelles (compétences 7 et 8).