RECRUTEMENT INTERNATIONAL
DOSSIER
Pour répondre à la problématique de migration des infirmières, un marché d’agences de recrutement international, pas toujours très scrupuleuses, s’est développé. Les moyens de régulation de leurs pratiques ne sont pas à la hauteur des enjeux humains.
Pour un groupe hospitalier en mal d’IDE, il est possible de traiter directement avec un autre GH, à l’étranger, pour embaucher. Mais les établissements de santé passent aussi fréquement par des agences privées chargées du recrutement international et du placement de professionnelles. « Beaucoup de pays travaillent avec ces agences. Certaines sont excellentes et dialoguent avec les pays hôtes et pays sources pour identifier les IDE les mieux qualifiées pour l’emploi vacant, explique Howard Catton, directeur du CII(1). Elles offrent un soutien aux infirmières à leur arrivée, les aident à s’intégrer dans leur nouvel environnement de travail, voire à trouver un logement et à ouvrir un compte en banque. » Ça, c’est quand ça se passe bien. Mais ce juteux business a aussi sa part d’ombre : les histoires de migration des IDE sont pleines de déceptions, de promesses non tenues et d’exploitation. « Il y a beaucoup d’agences qui ne sont pas si vertueuses et qui font miroiter de bons emplois aux IDE. Et quand elles arrivent, elles découvrent des réalités très différentes et très difficiles », se désole Howard Catton. Certaines agences n’expliquent pas les termes et les conditions du futur emploi. D’autres n’ont pas directement accès à des experts en droit de l’immigration et ne comprennent qu’imparfaitement le processus d’immigration. De nombreux organismes sont trompeurs, intentionnellement ou non, et ne tiennent pas leurs promesses. Erlinda Palaganas, la présidente de l’Association des infirmières philippines, en sait quelque chose. « Je ne compte plus les IDE pour qui ces expériences ont mal tourné. Sur place, les conditions de travail peuvent être vraiment mauvaises. Ou alors, le salaire ne leur est pas directement versé par l’hôpital qui les emploie mais va à l’agence qui s’octroie une commission de 50 %. Il y a même de fausses agences. Ce genre de piège est monnaie courante. Pour certains recruteurs, le besoin qu’ont les infirmières de trouver un travail à l’étranger est une opportunité pour les tromper, pour les exploiter. » La présidente fait tout, à son échelle, pour protéger les IDE de ces turpitudes. « Nous travaillons étroitement avec l’administration philippine pour les informer, pour les mettre en garde contre les méthodes de ces agences. »
L’OMS a bien produit en 2010 un code de bonnes pratiques sur le recrutement international de personnel de santé, mais il n’est visiblement pas en mesure de protéger le personnel, très vulnérable dans ces situations. « Il faut plus de transparence et de rapports publics sur le phénomène », admet Howard Catton. Dans cette “jungle”, l’AAIHR(2), qui regroupe des sociétés de recrutement d’IDE pour les États-Unis, des avocats et des organisations de soins, veut être un exemple. Elle vient d’élaborer, en avril 2019, un nouveau code de déontologie pour des pratiques éthiques, socialement responsables et professionnelles en matière de recrutement international. « Nos membres sont déterminés à faire en sorte que nos professionnels de santé formés à l’étranger soient soutenus dans leur transition vers les États-Unis, disposent d’un lieu de vie sûr, d’un environnement de travail sain et accueillant et soient indemnisés de manière appropriée par un contrat qui les traite équitablement », a déclaré Bill DeVille, président du comité d’éthique de l’AAIHR. Ce nouveau code de déontologie prévoit la création d’un conseil d’experts indépendants. Et surtout, des procédures permettant aux IDE de signaler les comportements non éthiques en toute sécurité et anonymement, et d’autres permettant de sanctionner les agences ne respectant pas les bonnes pratiques.
1 - Conseil international des infirmières.
2 - Association américaine pour le recrutement dans les soins de santé.