Un article récent pointe du doigt une tendance de fond Outre-Manche : les infirmières se suicident plus que la moyenne des femmes britanniques.
Plus de 300 infirmières se sont donné la mort en sept ans », détaille un article du Daily Mirror(1). Ce chiffre fait écho à une étude(2) de 2017 du service des statistiques nationales (Office for national statistics), qui souligne que le risque de suicide chez les IDE est 23 % plus élevé que chez la moyenne des femmes. Si le Daily Mirror attribue cette hausse du taux de suicide « aux coupes budgétaires des Tories » (le parti conservateur, au pouvoir depuis 2010, NDLR) dans le budget de la NHS, d’autres analyses montrent que la surexposition des IDE au risque suicidaire n’est pas récente.
Dans une interview accordée début mai à la BBC(3), le Pr Keith Hawton, directeur du Centre de recherche sur le suicide à l’université d’Oxford, explique que des études des 1980 et 1990 révélaient déjà cette tendance. « Les facteurs de risques actuels ont sûrement un rôle dans les chiffres récents mais le problème est ancien », assure-t-il. Les travaux menés par son équipe au tournant des années 2000 ont mis en lumière que, dans la majorité des suicides d’IDE, les victimes souffraient de dépression. « Nous avons trouvé une plus grande incidence de problèmes personnels, de difficultés financières et d’isolement social », explique-t-il.
Pour les rédacteurs du Service des statistiques nationales, d’autres éléments entrent en jeu. « Le risque suicidaire élevé chez les professionnels de santé s’explique par la connaissance précise qu’ont ces métiers des méthodes de suicide (les catégories de toxiques, leurs doses létales, leurs effets…) », avancent-ils.
Du côté des organisations professionnelles, ce sont les conditions de travail qui sont dénoncées. « Les infirmières subissent un stress important, du travail en sous-effectif et de longues journées. (…) Nous observons une dégradation significative de leur qualité de vie au travail », note Janet Davies, directrice générale du Collège royal des infirmières (Royal college of nursing).
Pour les infirmiers, ce risque accru n’est pas mis en évidence : à l’inverse, les professionnels de santé hommes se suicident moins que la moyenne. Pour autant, les hommes forment une population à risque : le taux de suicide des hommes s’est établi en 2017 à 15,5 pour 100 000, contre 4,9 pour 100 000 pour les femmes.
1 - « Voice of the sunday mirror : shocking suicide rates among nurses is intolerable », Daily Mirror, 27 avril 2019. À consuler sur : bit.ly/2QUd2Pu
2 - « Suicide by occupation, England : 2011 to 2015 », Office for national statistics, mars 2017. À consulter sur : bit.ly/2WqNwYm
3 - À consulter sur : bbc.in/2ZfvZPP