Les symptômes étant sensiblement différents des patients plus jeunes, il existe des spécificités à prendre en compte chez les personnes âgées, pour le diagnostic et le diagnostic différentiel.
Trois situations sont rencontrées concernant le trouble bipolaire chez les personnes âgées. Cela peut-être :
– une personne qui a vieilli avec un trouble bipolaire apparu vers l’âge de 20 ans. Dans ce cas, le plus souvent, les épisodes maniaques ont tendance à devenir moins fréquents et moins sévères, et les épisodes dépressifs deviennent prédominants ;
– un trouble bipolaire de type 5 révélé par une maladie somatique. Ce peut être une entrée dans la démence qui révèle un trouble bipolaire méconnu jusqu’alors ;
– un trouble bipolaire à début tardif entre 50 et 65 ans pour lequel la symptomatologie est moins sévère que chez un jeune, avec plus d’épisodes dépressifs.
Les symptômes observés chez les personnes après 50 ans diffèrent de ceux des patients plus jeunes et ne rentrent pas toujours dans les critères diagnostiques(1) :
– l’hyperactivité n’est présente que chez la moitié des patients en phase maniaque, sous une forme moins prononcée que chez les jeunes ;
– l’irritabilité, la colère et l’agressivité sont en revanche plus fréquentes que chez les plus jeunes ;
– les symptômes confusionnels avec troubles de la conscience sont fréquents ;
– des troubles cognitifs de type troubles de l’attention sont souvent associés à une confusion et une agitation ;
– un délire paranoïde s’exprime sous la forme d’idées de persécution plutôt que sous la forme d’idées de grandeur ou mystiques chez les plus jeunes ;
– l’euphorie est moins fréquente ;
– une dépression agitée peut être présente (épisode mixte). Cette forme de dépression, qui peut être due à une anxiété, entraîne un risque de suicide élevé.
→ Les démences : une difficulté du diagnostic du trouble bipolaire après 50 ans réside dans ses similitudes avec d’autres diagnostics différentiels comme les démences en général, mais surtout la maladie d’Alzheimer et la démence fronto-temporale. Sachant que ces deux troubles surviennent le plus souvent au même âge qu’un trouble bipolaire tardif : avant 65 ans pour la démence fronto-temporale et après 65 ans pour la maladie d’Alzheimer.
Les démences fronto-temporales sont des maladies neuro-dégénératives caractérisées par des troubles du comportement et du langage, associés à une détérioration intellectuelle.
→ Des symptômes équivoques. Parmi les symptômes thymiques qui peuvent être confondus avec ceux d’une démence :
– réduction du besoin de sommeil ou sommeil perturbé ;
– augmentation de la distractibilité et facultés d’attention affaiblies ;
– irritabilité ou agressivité ;
– agitation ou ralentissement psychomoteur ;
– symptômes psychotiques comme des idées délirantes de persécution ou hallucinations auditives ;
– culpabilité inappropriée (qui peut être délirante) ;
– fatigue ou perte d’énergie ;
– perte de poids importante ;
– accélération de la pensée et/ou modification du cours de la pensée ;
– diminution de l’aptitude à penser ou à se concentrer ;
– tristesse ;
– diminution de l’intérêt et du plaisir dans les activités.
→ Les épisodes mixtes : fréquents chez les personnes plus âgées, ils se manifestent par un affaiblissement lié à l’état dépressif, associé à des comportements puérils, régressifs, d’agitation, liés à la polarité maniaque. Ils peuvent être difficiles à distinguer d’un tableau de pseudo-démence.
→ Le traitement médicamenteux est choisi en fonction de l’efficacité des traitements antérieurs et des effets secondaires :
– les régulateurs de l’humeur (lithium, carbamazépine ou valpromide) sont privilégiés en cas d’accès maniaque, comme pour les patients plus jeunes. Les patients âgés, particulièrement sensibles à la toxicité du lithium, peuvent présenter des effets indésirables à des concentrations bien tolérées par des patients plus jeunes ;
– les antipsychotiques sont utilisés si l’intensité symptomatique est sévère.
→ Psychothérapie de soutien : la prise en charge d’une personne âgée atteinte de trouble bipolaire impose de prendre en compte l’âge du patient, et d’évaluer les épisodes thymiques au regard d’une éventuelle fragilité. L’infirmière peut initier cet accompagnement basé sur l’empathie, la confiance et une écoute active.
• En phase dépressive : une personne âgée qui ne veut plus se lever, se laver, manger ou autre peut rapidement basculer vers la chronicité avec un risque de glissement et de grabatisation. Même en situation d’effondrement dépressif, la stimulation joue un rôle important car la récupération de la marche après une quasi-immobilité pendant plusieurs jours peut s’avérer très difficile. D’autant plus en cas de dénutrition.
• En phase maniaque : comme pour les patients plus jeunes, il est important de protéger la personne et ses biens. Pour une personne âgée, les phases maniaques sont très plaisantes. Elles permettent en quelque sorte d’“oublier” la vieillesse. La personne peut retrouver une marche plus dynamique ou une amélioration des performances cognitives, qui peuvent être minimisées par la personne qui ne souhaite pas interrompre cette situation avec un traitement. Il convient de minimiser les risques d’une phase maniaque pour prévenir des conséquences graves, comme une fracture du col du fémur à cause d’une chute chez une personne un peu trop “intrépide”. Lorsque l’exaltation est forte, il peut être nécessaire de tenir à l’écart la carte bancaire ou les clés de voiture pour éviter des situations dommageables.
→ L’électro-convulsivothérapie (ECT) : en cas d’états mixtes chronicisés par manque de diagnostic, fréquents chez les personnes âgées, l’ECT est parfois le seul traitement efficace. Le traitement, qui a gardé une image péjorative, nécessite d’être bien expliqué. L’acceptation par le patient et la famille repose aussi sur la présentation des enjeux du traitement. Il s’agit de retrouver un état normal, avec des résultats souvent spectaculaires, alors que les tableaux de pseudo-démence, aussi appelés syndromes de glissement, sont dramatiques.
1- Classification statistique internationale des maladies de l’OMS (CIM 10) et Manuel diagnostic et statistique des troubles mentaux de l’Association américaine de psychiatrie (DSM versions 4 et 5).