L'infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019

 

FORMATION

REVUE DE LA LITTÉRATURE

Sandrine Mebs*   VALÉRIE BERGER**   EMMANUELLE CARTRON***  


*cadre supérieur de santé, pôle médecine A, centre hospitalier de Libourne – service de pneumologie
sandrine.mebs@ch-libourne.fr
**IDE, Ph. D., cadre supérieure de santé, coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Bordeaux, membre de la CNCPR.
valerie.berger@ chu-bordeaux.fr
***IDE, Ph. Ds., coordonnatrice de la recherche en soins CHU de Nantes, membre de la CNCPR.
emmanuelle.cartron@chu-nantes.fr

La bronchoscopie souple (BS), aussi connue sous le terme de fibroscopie bronchique, est un acte courant et fondamental en pneumologie. D’après une enquête nationale réalisée sous l’égide du Groupe endoscopie de langue française (Gelf) et de la Société de pneumologie de langue francaise (SPLF), la majorité des BS se réalisent sous anesthésie locale (AL) en ambulatoire(1). Le recours à l’anesthésie générale (AG) est rare, elle est réalisée à la demande du patient ou du pneumologue si l’examen n’a pu être effectué dans de bonnes conditions.

Ces conditions de réalisation de l’examen varient selon l’établissement et l’opérateur. Les soignants observent souvent une mauvaise tolérance de l’examen. De leur côté, les patients le redoutent souvent et en gardent un mauvais souvenir. Ils décrivent cet examen comme « un enfer », « un traumatisme », lié à une sensation de mort et d’étouffement. Ce ressenti est majoré par l’inquiétude et la peur liée à l’annonce éventuelle d’un diagnostic de cancer.

Barlési, Hirose et Ketata ont évalué les facteurs associés à la mauvaise tolérance de la BS sous AL. Les résultats confirment que la BS est un geste anxiogène et inconfortable (2,3, 4,5,6). La douleur, l’anxiété, la dyspnée et la toux sont les facteurs déterminants les plus fréquents qui agissent sur le niveau de tolérance de l’examen(2-7). Face à ce constat, l’équipe pluridisciplinaire de pneumologie a mené une démarche réflexive centrée sur la prise en charge bientraitante des patients avec une technique nouvelle : l’hypnose médicale.

Pour notre protocole, le choix s’est porté sur l’hypnose ericksonienne, courant qui a beaucoup influencé la pratique de l’hypnose médicale contemporaine(8,9). Cette méthode dite « permissive » respecte l’intégrité et le libre-arbitre du patient. C’est une approche humaniste qui place l’hypnothérapeute comme un catalyseur qui guide le patient afin d’utiliser ses ressources intérieures pour trouver lui-même des solutions. La suggestion hypnotique permet de modifier les perceptions sensorielles et perceptuelles du patient lors de l’examen(9-13).

MÉTHODOLOGIE

Pour évaluer la pertinence du thème de recherche et identifier le constat de départ, une pré-enquête a été menée auprès de services de pneumologie de dix établissements en France. Cette étape cruciale a permis de recueillir des données pertinentes sur les pratiques de réalisation de la bronchoscopie et de mesurer si la mauvaise tolérance du patient était partagée par les autres équipes soignantes.

→ Le résultat de la pré-enquête a confirmé le constat de départ : les conditions de réalisation de cet examen sont très variables selon l’établissement et l’opérateur, les équipes observent une tolérance peu satisfaisante et envisagent la pratique de l’hypnose médicale comme une technique intéressante à développer dans les plateaux techniques de pneumologie lors de la réalisation de bronchoscopies.

→ Dans un second temps, nous avons mené une recherche bibliographique, ceci afin d’évaluer la pertinence scientifique de notre question de recherche. Ce travail a été très chronophage en raison de la densité des lectures autour du thème de l’hypnose. L’objectif était de répertorier les études les plus actuelles, de partir du plus général au particulier. Pour ce faire, plusieurs étapes de classification des thèmes de lecture ont été nécessaires. Au fur et à mesure des lectures, le sujet de recherche se faisait plus précis, avec une meilleure maîtrise des thèmes à aborder, et donc une recherche plus pertinente des articles à retenir. L’étape de la recherche bibliographique s’appuiera sur la combinaison des mots-clés de notre question de départ. Les résultats et l’analyse de cette revue de littérature permettront de confirmer ou de faire évoluer la question de recherche initiale.

Une recherche bibliographique a été réalisée principalement sur Pubmed, Sciencedirect et E-Premium entre 1994 et 2015. Pour trouver des articles rédigés en anglais, les mots-clés ont été vérifiés selon le Thésaurus MeSH du portail CISMeF afin de confirmer la traduction scientifique et obtenir la définition exacte du mot employé. Les articles retenus dans cette première étape ont été analysés dans leur contenu, pour obtenir ensuite une nouvelle hiérarchisation.

• Première étape de la recherche : réfléchir sur les mots-clés, identifier les termes plus génériques ou, au contraire, plus spécifiques. Par exemple, pour la BS, nous avons commencé avec le mot « fibroscopie bronchique », avant de réaliser que le mot « bronchoscopie souple » était plus pertinent. La recherche des mots-clés demande une adaptation des mots en fonction des résultats trouvés, ce qui induit quelquefois l’utilisation de synonymes. Pour notre recherche, les thèmes à investiguer étaient la tolérance du patient lors d’une BS et l’évaluation de la satisfaction du patient lors d’une BS. Ce qui donne, au final : tolérance-bronchoscopie, bronchoscopie-satisfaction.

• Deuxième étape de la recherche : c’est l’étape qui a permis de structurer la recherche sur le champ de l’hypnose. Afin d’éviter une analyse considérable et inutile de toutes les études sur l’hypnose, l’association des mots « hypnose » et « endoscopie » a été très rapidement indispensable. Le choix s’est porté sur le mot « endoscopie » puisque nous n’avions pas trouvé d’étude sur l’hypnose lors d’une BS. Le périmètre de recherche s’est donc élargi sur les mots-clés « endoscopie digestive » et « hypnose en anesthésie ».

Évolution des mots-clés : hypnose, hypnose bronchoscopie, hypnose endoscopie. Au final : hypnose endoscopie digestive, hypnose anesthésie.

Pour parfaire notre bibliographie et délimiter au mieux notre champ d’action, nous avons défini des critères d’exclusion pour écarter les études dans le domaine de la pédiatrie, de l’obstétrique et de l’urgence.

→ Au total, treize articles ont été retenus à partir des mots-clés et des bases de données utilisées, sur 681études admissibles et 214 retenues sur lecture du résumé. Pour cinq études, l’évaluation de la tolérance du patient lors de la BS se base sur des indicateurs multiples et validés scientifiquement par des échelles d’évaluation. Ainsi, une seule évaluation de la douleur ou de l’anxiété paraît limitée pour objectiver et répondre de manière efficace à notre question de départ, il semble plus pertinent de conduire un protocole incluant l’évaluation des critères de tolérance du patient présentée dans les différentes études(2-5).

Pour l’hypnose, la revue de la littérature s’est fondée sur les résultats de trois études qui concernent son utilisation, avec ou sans sédation en endoscopie digestive. Une seule étude qui correspondait à la bronchoscopie a été trouvée mais ne répondait pas complètement à nos critères de sélection puisque la technique hypnotique utilisée ne correspondait pas à celle de notre protocole. Néanmoins, la qualité de la discussion et la présentation des indicateurs utilisés ont motivé sa prise en compte(14).

RÉSULTATS

→ Sur la tolérance d’une bronchoscopie : les résultats de la revue de la littérature ont permis de définir de façon précise les facteurs déterminants de la tolérance du patient bénéficiant d’une BS(24). Ces études descriptives définissent de manière précise les critères d’évaluation de la tolérance du patient, on retrouve quasiment les mêmes critères de mesure (échelle anxiété, douleur, dyspnée, toux, dysphagie, nausée/vomissement, acceptabilité). Ces résultats mettent en évidence l’intérêt de réaliser une évaluation basée sur différents critères en cohérence avec le ressenti des patients lors de la bronchoscopie. À partir de là, les questionnaires pré et post-bronchoscopie inspirés par les études, notamment de Barlési et al., ont été utilisés pour notre étude. L’apparition d’une toux, d’une dyspnée, d’une nausée, sont de loin les symptômes cliniques le plus fréquents, qui persistent après l’examen.

→ Sur l’influence de l’hypnose sur la tolérance en endoscopie : elle n’a été explorée que sur des études dans le domaine de l’endoscopie digestive. Ces études ont montré une réduction du seuil de la douleur et de l’anxiété pré et postopératoire, une diminution des complications mineures, une diminution de la consommation d’antalgiques ou de sédatifs, un temps de récupération plus rapide.

De façon générale, l’hypnose améliore les conditions et le vécu opératoires, évite les risques liés à l’anesthésie. C’est une alternative pour le patient dont l’utilisation d’une sédation est contre-indiquée et de manière non négligeable, elle permet de réduire les coûts de l’hospitalisation. Il apparaît que le champ d’application de l’hypnose est très large avec des variantes concernant sa pratique (hypno-sédation, hypno-algésie, auto-hypnose, etc.). Son concept évolue depuis de nombreuses années, il semble donc pertinent de transposer la pratique de l’hypnose dans le champ de l’endoscopie bronchique.

→ Sur les recommandations des sociétés savantes : après notre pré-enquête, qui montre l’absence de consensus sur la préparation de la BS (prémédication et quantité d’AL), sur sa réalisation (sédation vigile, AG, AL), il était primordial de vérifier auprès des sociétés savantes l’existence de recommandations. La Société de pneumologie de langue française (SPLF) a publié en 2007 des recommandations de bonnes pratiques de la bronchoscopie, issues des guidelines britanniques parus dans British Thoracic Society en 2001(1). Destiné aux pneumologues, ce guide est issu d’une recherche bibliographique de la littérature spécialisée dans le domaine de l’endoscopie bronchique et fournit des éléments, entre autres, sur les complications majeures et mineures, la sédation et la satisfaction du patient. Les indications sont claires : bien que cet examen soit défini comme désagréable par le patient, l’utilisation systématique de la sédation voire de la prémédication n’est pas une condition préalable à la bronchoscopie. Cependant, dans les pays nord-américains et en Europe, une grande majorité d’explorations endoscopiques sont réalisées sous sédation intraveineuse pour le confort du patient. Les études à ce sujet sont parfois contradictoires : certaines montrent les bénéfices d’une sédation et d’une prémédication pour améliorer la tolérance, alors que d’autres révèlent qu’il n’y a pas de modification du vécu opératoire après une prémédication voire un antalgique et/ou une sédation, mais plutôt une augmentation de 50 % des complications majeures.

Selon la Société française d’anesthésie réanimation (Sfar), en 1996, les AG pour bronchoscopie sont rares et ne représentent que 5 % des examens(15). En comparaison, les endoscopies digestives représentent 95 % des examens réalisés sous AG.

DISCUSSION

L’objectif de la revue de la littérature permet de proposer une gestion de la qualité de vie du patient, sachant que la prise en charge du confort est une attente légitime du patient et une préoccupation des équipes soignantes. L’évaluation et la prise en charge de la douleur constituent un véritable enjeu de santé publique et font partie de différentes recommandations de la Haute Autorité de santé (HAS). La loi relative aux droits des malades et à la qualité du système de santé du 4 mars 2002 reconnaît le soulagement de la douleur comme un droit fondamental de toute personne. La pratique de l’hypnose s’est développée ces dernières années dans différents domaines de la santé, et notamment en anesthésie lors d’interventions chirurgicales. Les études montrent une diminution des complications mineures, un temps de récupération plus rapide, une satisfaction des patients et une adaptabilité accrue à l’intervention. La pratique de l’hypnose pourrait donc apporter un réel bénéfice pour le patient ainis qu’une valorisation des équipes. Des recherches futures pourraient s’intéresser aux modalités de réalisation des séances en valorisant les compétences des soignants. Développer la recherche en soins au sein des équipes est un réel outil managérial pour développer le sens donné au travail et développer l’approche humaniste du soin.

CONCLUSION

La recherche bibliographique est une étape indispensable à ne pas négliger dans un projet de recherche. L’organisation de la lecture et, in fine, de la revue bibliographique, implique une méthodologie précise à adopter dès les premières lectures. La problématique du jeune chercheur est de crouler sous de multiples références : comment tout lire ? Où s’arrêter ? Notre curiosité est stimulée face à la multiplicité des études et le besoin d’acquérir des connaissances pour alimenter notre réflexion et argumenter nos choix.

Une méthodologie précise évite l’éparpillement et permet de rester centré sur son thème. La plupart du temps, des relectures sont indispensables : pour gagner du temps et éviter des prises de note aléatoires, une structuration de l’information est donc essentielle. Pour notre sujet de recherche, la réalisation d’un tableau de synthèse documentaire nous a permis de synthétiser les données et d’organiser la lecture des données dans une même logique (voir annexe 1).

Chaque mois, une infirmière réalisE UNE revuE De LA littérature à partir d’un questionnement sur sa pratique et vous livre le résultat de ses recherches.

En partenariat avec : la Commission nationale des coordonnateurs paramédicaux de la recherche

Les auteurs déclarent ne pas avoir de conflits d’intérêts en relation avec cet article.

RÉFÉRENCES

  • → 1. Febvre M., Trosini-Desert V., Atassi K., Hermant C. et al. « Les bonnes pratiques de la bronchoscopie souple diagnostique », Revue des maladies respiratoires, n° 24, 2007, pp. 1363-92.
  • → 2. Barlési F., Dissard-Barriol E., Gimenez C., Doddoli C., Greillier L. et al., « Tolerance of fibroptic bronchoscopy by self-administered questionnaire : in the words of the patients », Revue des maladies respiratoires, vol 20, n° 3, juin 2003, pp. 335-40.
  • → 3. Ketata W., Ayadi H., Msaad S., Feki W., Bahloulet N. et al., « La bronchoscopie souple comme elle est vécue par le patient », Revue de pneumologie clinique, vol 67, n° 3, juin 2011, pp. 136-142.
  • → 4. Adjoh K.S., Fiogbe A.A., Adambounou A.S., Ouedraogo A.R., Boukari M. et al., « Vécu de la fibroscopie bronchique par les patients », Revue des maladies respiratoires, vol. 31, n° S1, janvier 2014, pp. 122-123.
  • → 5. Oualil H., Zahraoui R., Bricha M., Aniked S., Berrada Z., « Évaluation de la tolérance de la fibroscopie bronchique sous anesthésie locale par un questionnaire », Revue des maladies respiratoires, vol. 31, n° 1, janvier 2013, pp. 105-117.
  • → 6. Hirose T., Okuda K., Ishida H., Sugiyama T., Kusumoto S. et al., « Patient satisfaction with sedation for flexible bronchoscopy », Respirology, vol. 13, n° 5, sept. 2008, pp. 722-727.
  • → 7. Lechtzin N., Rubin H.R., White P. Jr, Jenckes M., Diette G.B., « Patient satisfaction with bronchoscopy », American journal of respiratory and critical care medicine, novembre 2002, vol. 166, n° 10, pp. 1326-1331.
  • → 8. Rault P., « L’utilisation de l’hypnose en anesthésie, l’expérience de l’endoscopie digestive », Le praticien en anesthésie réanimation, vol. 9, n° 3, juin 2005, pp. 216-219.
  • → 9. Lleu J.C., Hamm P., Jouffroy L., Lleu J., Hartmann G. et al., « Hypnose en anesthésie des origines à nos jours ? », Le praticien en anesthésie réanimation, vol. 13, n° 12, avril 2009, pp. 145-150.
  • → 10. Defechereux T., Degauque C., Fumal I., Faymonville M.E., Joris J., Hamoir E., Meurisse M., « Hypnosedation, a new method of anesthesia for cervical endocrine surgery. Prospective randomized study », Annales de chirurgie, vol. 125, n° 6, 2000, pp. 539-46.
  • → 11. Domínguez-Ortega L., Rodríguez-Muñoz S., « The effectiveness of clinical hypnosis in the digestive endoscopy : a multiple case report », American Journal of Clinical Hypnosis, vol. 53, n° 2, oct. 2010, pp. 101-107.
  • → 12. Cadranel J.F., Benhamou Y., Zylberberg P., Novello P., Luciani F. et al., « Hypnotic relaxation : a new sedative tool for colonoscopy ? », Journal of clinical gastroenteroly, vol. 18, n° 2, mars 1994, pp. 127-9.
  • → 13. Elkins G., White J., Patel P., Marcus J., Perfect M.M. et al., « Hypnosis to manage anxiety and pain associated with colonoscopy for colorectal cancer screening : Case studies and possible benefits », International Journal of Clinical and Experimental Hypnosis, vol. 54, n° 4, oct. 2006, pp. 416-431.
  • → 14. Diette G.B., Lechtzin N., Haponik E., Devrotes A., Rubin H.R., « Distraction therapy with nature sights and sounds reduces pain during flexible bronchoscopy : a complementary approach to routine analgesia », Chest, vol. 123, n° 3, mars 2003, pp. 941-948.
  • → 15. Steib A., Boet S., Rozov R., Rothgerber J.C., « Anesthésie pour endoscopies digestives », Congrès national d’anesthésie et de réanimation, 2007, Les Essentiels, pp. 355-364.