À 45 ans, et après deux prises en charge insatisfaisantes, le patient M.T. est orienté vers un centre expert dédié aux troubles bipolaires à la recherche d’un traitement efficace contre sa pathologie.
→ M. T., âgé de 49 ans, célibataire, père de deux enfants adultes émancipés, est suivi pour un trouble bipolaire par un centre expert FondaMental dédié à ce genre de troubles (voir encadré ci-dessous), en complément d’un suivi psychiatrique.
→ Dernier d’une fratrie de six enfants, M. T. est né prématurément à sept mois de grossesse. Des antécédents familiaux de dépression ont été retrouvés du côté paternel et dans la fratrie, ainsi que des cas de suicide. M. T. a connu une enfance difficile, marquée par un retard des apprentissages, une humeur triste en permanence et une carence affective.
→ De l’adolescence à l’âge adulte, le patient a vécu des épisodes d’exaltation caractérisés, marqués par une augmentation de la sociabilité, de la confiance en lui et de la communication. Durant cette période, le patient a plusieurs fois été hospitalisé en psychiatrie, et a commis trois intoxications médicamenteuses volontaires. M. T. ne présente pas de conduites addictives associées, mais des comorbidités somatiques à type de diabète et d’hypothyroïdie.
→ Le diagnostic de trouble bipolaire a été posé lorsque M. T. a eu 19 ans. À cette époque, le patient, dans le déni de son trouble, l’a refusé, ainsi que toute forme de prise en charge thérapeutique.
→ Ce n’est qu’à l’âge de 30 ans que M. T. a décidé de consulter à nouveau. Le patient, bénéficiant d’une reconnaissance de travailleur handicapé indépendamment du trouble bipolaire, exerce alors le métier d’éducateur animateur à mi-temps thérapeutique.
→ Entre 2000 et 2014, le patient a reçu plusieurs propositions thérapeutiques, d’une durée de quatre à cinq années chacune, associant des régulateurs de l’humeur et des antidépresseurs.
→ Les traitements n’ayant pas montré une efficacité satisfaisante, M. T. a été orienté vers le centre expert des troubles bipolaires, où il a eu sa première consultation en février 2015, à l’âge de 45 ans. À cette date M.T. n’avait plus d’activité professionnelle.
Prévue par le protocole du centre expert, la première visite, dite « visite d’inclusion », se déroule sur deux jours et son but est diagnostique. M.T. bénéficie alors d’entretiens avec une infirmière pour le recueil des données cliniques objectives et biologiques, et avec un psychologue pour le recueil de données biographiques concernant, entre autres, le parcours antérieur, les différents épisodes, le déroulement de l’enfance… Une évaluation médicale est également réalisée, ainsi qu’un bilan neuropsychologique qui fait état de troubles attentionnels, de la concentration et de la mémoire.
→ Un mois après cette première visite, une « consultation de restitution » est effectuée par le psychiatre. Le diagnostic de trouble bipolaire de type 1 (lire p. 39) est confirmé au patient.
→ Une prise en charge lui est proposée au centre expert, déclinée ainsi :
- traitement médicamenteux : Lamictal + Xeroquel ;
- psycho-éducation aux troubles bipolaires, à raison d’une séance par semaine pendant douze semaines ;
- suivi psychothérapeutique avec un psychologue ;
- suivi psychiatrique tous les six mois avec un médecin.
En outre, M. T. continue d’être suivi par un psychiatre « traitant », extérieur au centre expert. M. T. accepte la prise en charge, notamment pour pouvoir assumer et conserver la garde alternée de ses deux filles. D’autant que l’une de ses filles présente des signes d’un trouble bipolaire qu’elle réfute.
→ Le patient suit une thérapie dite « d’acceptation et d’engagement », découverte lors d’une courte hospitalisation dans une clinique, parallèlement aux préconisations du centre expert.
Environ un an après le début de la prise en charge mise en place par le centre expert, celle-ci ayant montré une efficacité satisfaisante, M. T. décide de suivre la formation « Devenir patient ressource en santé mentale » dispensée par l’université des patients Auvergne-Rhône-Alpes, à Lyon.
Convaincu de l’intérêt de sa prise en charge, M. T. s’est intéressé à la formation qui permet aux personnes atteintes de troubles psychiques de consolider leurs compétences pour pouvoir accompagner d’autres malades. Ce qui va lui permettre de renouer avec l’aide aux autres qu’il appréciait dans son ancienne activité d’éducateur animateur.
Au cours de cette formation, comme nombre de patients qui se sentent bien grâce au traitement, M.T. se demande si celui-ci est encore nécessaire. Il reproche aussi à ce traitement pris en continu de le « ralentir » un peu et de lui rappeler constamment l’existence de sa maladie.
Sur ces considérations, M. T. fait de lui-même l’essai d’une fenêtre thérapeutique en arrêtant brutalement son traitement. Ce qui a pour effet de le plonger dans une rechute sur un versant dépressif de sa maladie. M. T. note alors une recrudescence des symptômes dépressifs à type d’hypersensibilité, d’hypersomnie et de souffrance psychique.
→ Un nouveau bilan cognitif, réalisé en juillet 2017, révèle des troubles attentionnels et de la mémoire. Le patient a des difficultés pour lire un livre et pour se souvenir de ce qu’il a lu dans les pages précédentes. Il a aussi du mal à organiser ses activités. Un atelier de « remédiation cognitive » (lire p. 46) lui est alors proposé. Il en tire un bénéfice significatif.
→ La reprise de son traitement va permettre à M. T. de « remonter la pente » et de stabiliser son humeur. Cette expérience pénible a permis à M. T. de prendre pleinement conscience de la nécessité de maintenir la prise en charge de son trouble bipolaire, même lorsque les symptômes sont améliorés. Elle l’a aussi renforcé dans l’idée de faire partager ses connaissances aux autres patients.
Labellisés par la fondation FondaMental et hébergés au sein de services hospitaliers, les douze centres experts FondaMental dédiés aux troubles bipolaires*, répartis en métropole, proposent des outils diagnostiques plus complets qu’une simple intuition clinique. Ils sont soutenus par le ministère de la Santé pour aider les psychiatres en charge du patient, mais ne s’y substituent pas. Ils proposent :
- des consultations spécialisées pour un diagnostic ou un avis thérapeutique ;
- l’accès à un bilan exhaustif et systématisé réalisé en hôpital de jour, pour des patients adressés par un médecin généraliste ou un psychiatre** ;
- des soins peu diffusés en pratique courante comme la psycho-éducation, les ateliers de gestion du stress ou la remédiation cognitive ;
- la participation à des projets de recherche clinique visant à mieux comprendre la pathologie et à développer de nouvelles stratégies thérapeutiques.
* Liste des centres experts sur :
** Vu le nombre important de demandes, certains centres experts ne reçoivent plus que les patients orientés par un psychiatre.
Pour la personne malade, la parole d’un autre patient souffrant ou ayant souffert de la même maladie peut être mieux acceptée ou entendue que celle d’un soignant. Cela tient beaucoup à l’acquisition d’une expérience de la maladie dans sa globalité très utile pour d’autres patients. Les formations de « patients ressources », « patients experts » ou de « pairs aidants », développées d’abord dans le cadre de certaines pathologies chroniques, sont dorénavant proposées en santé mentale. Le partage du vécu de la maladie et du parcours de rétablissement a montré des effets bénéfiques sur la vie des patients atteints de troubles psychiques*. Ce partage peut prendre plusieurs formes : participation à des groupes de parole, au sein d’associations d’usagers par exemple, ou intégration dans les établissements de santé en tant que « pair aidant », bénévole ou professionnel.
* Voir « Pair-aidance » sur Psycom.org