L'infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019

 

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Comme vous le savez (enfin, sans doute que vous ne le savez pas, mais qui sait ?), je suis infirmier dans un service d’urgences en périphérie. Au cours de ma presque première année de diplôme, j’ai pu rencontrer beaucoup de personnes dans ce petit service. J’ai pris conscience, il y a peu, d’un certain côté “cour des miracles” que l’on peut trouver aux urgences. En effet, toute personne qui sonne à notre petite porte est prise en charge, qu’elle soit riche ou pauvre, étrangère ou non, blanche, noire, jaune ou marron (juste, les gens violets/bleus passent primo, mais promis, ça n’a rien à voir avec du racisme).

Une fois qu’ils sont passés par cette petite porte et qu’ils arrivent dans un box, nous les mettons (pour la plupart) en blouse, la magnifique blouse de l’hôpital (la blanche avec les petits losanges dessus, magnifique j’vous dis). Une fois dans cette robe collection hôpital d’automne (le cul à l’air, évidemment), personne ne sait s’ils sont venus en Porsche ou à pied, s’ils ont de grands diplômes, de grandes bourses (je parle d’argent bande de pervers), s’ils sont SDF, cadres, enfin bref, vous avez compris. Nous sommes en quelque sorte le lien social, la porte populaire. Tout le monde peut venir pour un peu tout (et parfois n’importe quoi). On rencontre une multitude de personnes et c’est ce que j’aime dans ce service, c’est la pluralité des patients et notre contact qui ne prend pas en compte les origines, les situations ou toute autre chose de ce type.

Chaque « cul à l’air » sous une blouse est égal à l’autre ; ici, seule la personne dans sa globalité nous importe, nous faisons rapidement fi du reste (quand le grand monsieur X, PDG de la méga boîte de la région, vient pour ses hémorroïdes, on s’aperçoit que tout le monde fait avec les mêmes contraintes de vie).

On rencontre des gens aux modes de vie parfois très peu communs, des voyageurs, des aventuriers, des personnes âgées avec leurs rides pleines d’histoires passionnantes : bref, des petits bouts de vie plusieurs fois par jour. Je pense qu’un service d’urgences, même en cette période trouble, a cette fonction de réassurance : tout le monde peut passer nous voir et être pris en charge, que ce soit pour sa condition sociale, physique, psychique… Nous veillons, tel Batman en pyjama blanc, sur notre petite zone, où tout le monde défile jour après jour. Je vous fais des bisous pleins de kétamine. Votre dévoué Tété.