La prise en charge du trouble bipolaire repose sur un traitement médicamenteux, associé à un accompagnement psychologique et éducatif. Elle vise à atténuer les symptômes d’un épisode maniaque ou dépressif et à réduire le risque de récidive.
→ Traitement des épisodes aigus : une hospitalisation peut être nécessaire selon la sévérité de l’épisode.
• En cas d’épisode dépressif : un antidépresseur est prescrit, associé à un thymorégulateur pour éviter le virage maniaque et prévenir une rechute. Des séances d’électro-convulsivothérapie peuvent être proposées en cas de dépression très résistante.
• En cas d’épisode maniaque, un ou plusieurs neuroleptiques sont prescrits pour « tasser » rapidement les symptômes maniaques, associés à un thymorégulateur pour prévenir une rechute. Certains neuroleptiques, appelés « antipsychotiques », ont un effet thymorégulateur et remplissent les deux objectifs.
→ Traitement de fond : plusieurs anti-épileptiques et antipsychotiques ont une action régulatrice de l’humeur, ou normothymique. Ils ont l’indication pour le trouble bipolaire dans leur autorisation de mise sur le marché (AMM). Ils sont prescrits en traitement de fond du trouble bipolaire, sachant que (1) :
- un seul médicament est prescrit, si possible, mais une association est parfois nécessaire ;
- le médicament met souvent plusieurs semaines à agir ;
- deux ou trois médicaments peuvent être testés avant de trouver le plus efficace.
Des benzodiazépines sont parfois associées pour leurs effets sédatifs. Bithérapies, voire trithérapies, sont fréquentes afin de proposer la combinaison thérapeutique la mieux adaptée à chaque patient.
→ Arrêt du traitement de fond : le traitement par des régulateurs de l’humeur est généralement maintenu de façon chronique (à vie). Dans la quasi-totalité des cas, l’arrêt du traitement sera suivi d’une rechute, souvent sur un mode plus sévère que les épisodes antérieurs. La décision d’arrêter un traitement est prise en considérant la demande de la famille et du patient, et l’intensité du trouble.
En revanche, l’arrêt brutal du traitement doit être proscrit. « L’interruption brutale d’un traitement thymorégulateur prédispose encore plus au risque de rechute qu’un traitement qui serait arrêté progressivement », prévient le Dr Belzeaux. Des symptômes de sevrage sont également possibles, « pas au sens de l’addictologie, mais à cause des effets physiologiques de ces médicaments, qui peuvent rendre leur arrêt brutal assez dangereux », précise le psychiatre.
Les médicaments régulateurs de l’humeur, appelés thymorégulateurs ou normothymiques, visent à :
- atténuer les symptômes d’un épisode aigu maniaque ou dépressif ;
- réduire le risque de récidive.
Ils ont longtemps été réservés à partir du troisième épisode thymique d’un trouble bipolaire conformément aux premières recommandations d’utilisation du lithium. Ils sont de plus en plus prescrits d’emblée face à un premier épisode thymique caractérisé. Surtout si les symptômes ont des répercussions importantes sur la vie sociale ou professionnelle du patient.
Antipsychotique normothymique, le carbonate de lithium (Téralithe) est le stabilisant de l’humeur de référence dans le traitement du trouble bipolaire. Le lithium est le traitement le plus ancien utilisé dans le trouble bipolaire, mais le médicament souffre d’une image négative en raison de ses potentiels effets indésirables graves et de la surveillance qu’ils imposent (2). « Les risques éventuels sont sous contrôle, et l’image péjorative dont souffre le lithium, y compris aux yeux des professionnels, n’est pas justifiée. Elle peut entraver l’acceptation du traitement par le patient. En conséquence, le lithium est insuffisamment prescrit dans le trouble bipolaire compte tenu de son rapport bénéfice-risque et de son niveau d’efficacité », estime le Dr Belzeaux. Par ailleurs, « le traitement par lithium étant plus exigeant pour le praticien, il aide parfois à assurer une prise en charge globale plus rigoureuse », observe le spécialiste.
→ Mode d’action : le lithium agirait en mimant les effets du sodium au niveau des membranes cellulaires mais son mécanisme d’action n’est pas bien connu. Néanmoins, le lithium :
- module la neurotransmission, notamment en diminuant l’activité dopaminergique et glutamatergique ;
- augmenterait la libération de sérotonine et l’activité gabaergique, qui a pour fonction de diminuer l’activité neuronale.
Récemment, une étude(2) des données d’IRM recueillies auprès de personnes atteintes de troubles bipolaires suivies dans les centres experts FondaMental (lire p. 36) a montré une restauration de la densité des dendrites dans le cortex frontal lors d’un traitement avec lithium. Les dendrites constituant les parties réceptrices du neurone, elles jouent un rôle dans la communication entre les neurones. Alors que les patients traités avec lithium retrouvaient un niveau de densité de dendrites comparable à celui des volontaires indemnes de la maladie, les patients non traités présentaient une densité dendritique inférieure. Ce qui suggèrerait une action du lithium sur la plasticité cérébrale et la restauration de la communication entre les neurones.
→ Posologie : la posologie nécessaire pour maintenir un niveau de lithiémie efficace étant variable selon les individus, il n’existe pas de posologie standard pour la prise de lithium.
Seule une adaptation individuelle de la posologie comprise entre 800 et 1 200 mg/j, permet d’obtenir une lithiémie minimale efficace recommandée entre 0,5 et 0,8 mEq/l. L’effet du lithium se manifeste lentement, l’équilibre est atteint entre le 5e et le 8e jour(3). Pour éviter les fluctuations de lithiémie, le médicament doit être pris chaque jour à heure régulière, en respectant la posologie prescrite.
→ Surveillance :
- les dosages de la lithiémie sont pratiqués deux fois par semaine en début de traitement. Une fois la lithiémie efficace atteinte, ils sont effectués toutes les semaines pendant le premier mois, puis tous les mois pendant le premier trimestre, puis tous les deux mois ;
- affections fébriles (grippe), diarrhées, vomissements, grande chaleur ou déshydratation pouvant augmenter le taux de lithiémie, un contrôle est recommandé dans ces circonstances (4) ;
- une surveillance régulière des fonctions cardiaques, rénales et thyroïdiennes est recommandée ;
- un bilan ophtalmologique est réalisé en cas de céphalées persistantes ou de troubles de la vision ;
- une prise de poids supérieure à 5 kg après trois mois de traitement justifie une consultation diététique.
→ Effets indésirables : la plupart ne sont pas graves. Certains régressent dès les premières semaines(4). Les autres effets indésirables sont habituellement réversibles avec une diminution de la dose ou à l’arrêt du traitement(5). Nausées, tremblements, soif, troubles de l’équilibre sont les effets indésirables les plus fréquents et surviennent en cas de surdosage. Le lithium étant un médicament à marge thérapeutique étroite (frontière entre dose efficace et dose toxique), il présente un risque de surdosage. La survenue de ces signes de toxicité nécessite de surveiller la lithiémie et d’adapter le traitement.
L’action thymorégulatrice du divalproate de sodium (Dépakote) et du valpromide (Dépamide), antiépileptiques et thymorégulateurs, pourrait être liée à un renforcement de la voie gabaergique (diminution de l’activité neuronale). Ces deux molécules sont indiquées dans le traitement aigu des épisodes maniaques du trouble bipolaire - l’AMM précisant « en cas de contre-indication ou d’intolérance au lithium ». En pratique, la gestion difficile du lithium et ses effets indésirables potentiels font parfois discuter le choix du traitement au profit de ces antiépileptiques thymorégulateurs.
Après le traitement de l’épisode maniaque, Dépakote et Dépamide peuvent être maintenus en traitement de fond chez les patients ayant répondu positivement lors d’un épisode aigu. Les posologies sont de l’ordre de 1 000 à 2 000 mg/jour en moyenne, en deux prises, pour ces deux médicaments.
→ Effets indésirables : la plupart ne sont pas graves et s’atténuent souvent après les premières semaines de traitement. Les plus fréquents sont :
- des troubles digestifs : nausées, vomissements, troubles gingivaux, douleurs épigastriques, diarrhées ;
- des troubles neurologiques : tremblements, sédation, troubles de la mémoire, céphalées, nystagmus (mouvements involontaires des yeux), état confusionnel, hallucinations, troubles extrapyramidaux ;
- la prise de poids ;
- pertes d’audition, chute des cheveux passagère et/ou dose-dépendante, hémorragie, irrégularités menstruelles, troubles hématologiques (anémie, thrombopénie).
→ Surveillance, entre autres :
- contrôle biologique des fonctions hépatiques avant le traitement et pendant les six premiers mois ;
- examen hématologique recommandé avant le traitement, à quinze jours et en fin de traitement, ainsi qu’avant une intervention chirurgicale et en cas d’hématomes ou de saignements spontanés.
→ Grossesse : Dépakote et Dépamide sont contre-indiqués chez les femmes en âge de procréer présentant un épisode maniaque du trouble bipolaire, sauf en cas d’inefficacité ou d’intolérance aux alternatives médicamenteuses et à condition :
- qu’elles ne soient pas enceintes ;
- et qu’elles utilisent une contraception efficace (6).
Chez ces patientes, la prescription initiale valable un an est réservée aux psychiatres et doit être présentée pour chaque délivrance accompagnée d’un accord de soins. Le renouvellement est possible par tout médecin dans la limite d’un an.
L’absence de grossesse et la mise en place d’une contraception efficace sont aussi vérifiées avant l’instauration du traitement lithium. La patiente est informée du potentiel tératogène du médicament.
La lamotrigine (Lamictal), antiépileptique, a une indication dans la prévention des épisodes dépressifs du trouble bipolaire de type I avec prédominance d’épisodes dépressifs. Ses mécanismes d’action thérapeutique sur les troubles bipolaires ne sont pas établis. La posologie est adaptée à chaque patient.
→ Effets indésirables : la plupart des effets indésirables ne sont pas graves et s’atténuent habituellement dès les premières semaines du traitement. Dans le traitement du trouble bipolaire, les effets indésirables les plus fréquents sont : troubles digestifs, rhumatologiques (arthralgies), éruptions cutanées potentiellement graves et pouvant conduire à l’arrêt du traitement (syndromes de Stevens-Johnson et Lyell). Moins fréquemment : troubles psychiques et neurologiques (céphalées, somnolence, vertiges, risque d’idées suicidaires).
→ Surveillance :
• Aggravation clinique et idées et comportements suicidaires doivent être étroitement surveillés, particulièrement à l’instauration du traitement ou lors des modifications posologiques.
• Des éruptions cutanées sont possibles, généralement survenues dans les huit premières semaines après l’instauration du traitement. La majorité des éruptions cutanées sont bénignes et transitoires, mais d’autres éruptions graves peuvent nécessiter une hospitalisation et un arrêt de la lamotrigine. Ces dernières concernent environ un patient traité pour trouble bipolaire sur 1 000.
Certaines peuvent mettre en jeu le pronostic vital, c’est le cas du syndrome de Stevens-Johnson, qui se manifeste une à trois semaines après le début du traitement par une sensation de malaise, une fièvre, des céphalées, une toux, un dessèchement de la conjonctive et de la cornée (kératoconjonctivite) et des macules sous formes de taches colorées qui apparaissent brutalement, habituellement sur le visage, le cou et la partie supérieure du tronc.
La carbamazépine (Tégrétol et génériques), antiépileptique et normothymique, produit un effet dépressif sur la régénération de dopamine et de noradrénaline. La molécule est indiquée dans le trouble bipolaire :
- en prévention des rechutes dans le cadre des troubles bipolaires (à 400 à 800 mg/jour en moyenne en deux ou trois prises par jour). Du fait de ses effets indésirables potentiels et des nombreuses interactions médicamenteuses, la carbamazépine est un traitement de deuxième intention ;
- dans le traitement des états d’excitation maniaque ou hypomaniaque.
→ Effets indésirables : la plupart des effets indésirables ne sont pas graves et s’atténuent le plus souvent en quelques jours, soit spontanément, soit après une diminution transitoire de la posologie.
Certains effets dose-dépendants sont fréquents à l’instauration du traitement, avec une dose initiale trop élevée ou chez les personnes âgées : vertiges, céphalées, ataxie, somnolence, fatigue, diplopie, troubles de l’accommodation, confusion, agitation, nausées, vomissement, diarrhée, constipation, anorexie, sécheresse de la bouche et réactions allergiques cutanées. D’autres effets potentiels peuvent survenir : thépatiques, hématologiques (leucopénie), métaboliques (prise de poids).
→ Surveillance : un hémogramme et un bilan hépatique sont effectués avant le début du traitement puis après le premier mois de traitement, et devant tout signe d’appel (infections…).
Certains antipsychotiques sont indiqués dans les troubles bipolaires pour leur action thymorégulatrice : aripiprazole (Abilify), olanzapine (Zyprexa), rispéridone (Risperdal), quétiapine (Xéroquel).
Ils agissent en bloquant les récepteurs dopaminergiques et sérotoninergiques. La plupart de leurs effets indésirables ne sont pas graves et s’atténuent habituellement dès les premières semaines du traitement.
Ils peuvent être prescrits dans le trouble bipolaire à condition que le risque de réveiller la polarité maniaque soit couvert par un thymorégulateur ou un antipsychotique avec un effet thymorégulateur. Par exemple, en cas de symptomatologie à prédominance dépressive, un antidépresseur peut être prescrit pour prévenir les rechutes dépressives. Il sera associé à un antipsychotique qui préviendra à la fois les rechutes maniaques et un éventuel « virage maniaque ». Dans tous les cas, les antidépresseurs sont toujours utilisés avec prudence dans le trouble bipolaire, en étant vigilant sur le risque de survenue d’un épisode maniaque.
Lorsque le diagnostic de trouble bipolaire est posé, en plus du traitement médicamenteux, plusieurs préconisations de prises en charge spécifiques sont faites à chaque patient : psychothérapie, psycho-éducation aux troubles bipolaires, remédiation cognitive, gestion du stress, affirmation de soi, méditation…
La psycho-éducation fait partie intégrante de la prise en charge du trouble bipolaire. Sous forme de programmes d’information adaptés aux patients, elle est aussi destinée aux proches.
→ Définition : la psycho-éducation peut se définir comme l’éducation ou la formation théorique et pratique du patient, orientée sur la compréhension du trouble et de ses différents traitements(7).
La psycho-éducation a d’abord été utilisée dans la schizophrénie avec pour objectifs d’aider les membres de la famille à mieux contrôler les situations de stress grâce à une meilleure communication et d’élaborer des stratégies pour résoudre les difficultés de vie. L’indication de la psycho-éducation s’est par la suite étendue à d’autres troubles psychiatriques, dont les troubles de l’humeur, les troubles des conduites alimentaires et la maladie alcoolique.
→ Principaux objectifs :
- améliorer la compréhension du trouble bipolaire et l’adhésion au traitement ;
- développer la capacité à détecter les signes précurseurs d’un épisode maniaque ou dépressif ;
- améliorer le fonctionnement psychosocial et la qualité de vie ;
- encourager une régularité des rythmes de vie (régulation du sommeil, des rythmes sociaux).
→ Mise en œuvre : une psycho-éducation peut être préconisée dès le premier épisode après stabilisation de l’humeur, ou à tout moment de la prise en charge. Elle s’adresse à toute personne atteinte de trouble bipolaire et à ses proches (voir encadré ci-dessus).
→ Repérer les signes annonciateurs : connaître les signes précurseurs d’un épisode maniaque ou dépressif permet aux patients de mieux gérer ces phases aiguës du trouble bipolaire. « Les patients ont des repères », observe Isabelle Muraccioli, infirmière au centre expert FondaMental dédié aux troubles bipolaires de Marseille, à l’exemple d’une patiente qui sait que son humeur commence à « monter » lorsqu’elle a envie de faire un nouveau tatouage. « La psycho-éducation destinée aux proches leur permet de repérer les symptômes annonciateurs d’une crise avant qu’elle ne s’installe, relève l’infirmière. Il n’est pas toujours aisé de repérer l’élément qui pourra servir de signal lors de futurs épisodes. Cela oblige patient et aidant à revenir sur des périodes compliquées. » Il leur est ensuite conseillé de profiter d’une phase d’euthymie pour que le patient, en présence de l’aidant, note sur un papier ce qu’il aimerait entendre quand il commence à aller un peu moins bien. Ce peut être un mot, mais aussi une image que l’aidant montre au patient.
Selon la fondation FondaMental, entre 30 et 50 % des patients atteints de troubles bipolaires présenteraient des déficits cognitifs, y compris en dehors des épisodes aigus.
Pour ces patients, la remédiation cognitive est proposée lorsqu’une évaluation neuropsychologique a objectivé des troubles cognitifs. C’est un traitement de réadaptation visant à améliorer l’attention, la mémoire, le langage et /ou des fonctions exécutives. « Nous recevons des groupes de six à huit patients pour un programme de onze séances, en binôme avec une psychologue », explique Isabelle Muraccioli. « Plusieurs thèmes sont abordés comme les différents types de mémoire, l’attention ou les moyens mnémotechniques. Ils font l’objet d’exercices ou d’ateliers avec l’objectif d’améliorer les performances cognitives du patient déficitaire », précise l’infirmière, qui observe des bénéfices significatifs chez les patients.
Le diagnostic d’une maladie psychiatrique est toujours difficile à entendre pour le patient. Dans le trouble bipolaire comme face à toute maladie chronique, l’éducation thérapeutique du patient (ETP) a pour but d’aider les patients, et leurs familles, à acquérir ou à maintenir les compétences dont ils ont besoin pour conserver et améliorer leur qualité de vie malgré la maladie. Dans le trouble bipolaire, l’ETP permet également d’aider le patient à accepter le diagnostic et le traitement.
La psychothérapie de soutien permet d’améliorer l’observance du traitement et de lutter contre le découragement et le sentiment d’échec personnel des patients, en particulier lors de rechutes. D’autres approches psychothérapiques peuvent être envisagées, telles les psychothérapies d’inspiration psychanalytique, comportementales et cognitives ou familiales et systémiques.
Lors d’un épisode thymique, maniaque ou dépressif, l’hospitalisation peut être nécessaire pour la protection du patient et/ou de ses biens.
→ Motifs d’hospitalisation(7) :
- risque suicidaire élevé ;
- épisode maniaque ou mixte ;
- agitation violente, des troubles du comportement majeurs ;
- épisode dépressif sévère (caractéristiques mélancolique, psychotique, mixte…) ;
- complications médico-légales (vols, escroqueries…) ;
- isolement social et familial, un épuisement des proches.
→ Avec ou sans consentement du patient : l’hospitalisation libre avec consentement du patient doit être privilégiée. Dans certains cas, la gravité des troubles, parfois associée à la non-reconnaissance de ses troubles par le patient, peut justifier une hospitalisation sous contrainte, sans consentement du patient.
L’électroconvulsivothérapie (ECT), ou sismothérapie, consiste à provoquer une crise d’épilepsie à l’aide d’un courant électrique administré par voie transcrânienne. Longtemps considérée comme brutale, l’ECT s’effectue aujourd’hui dans un environnement sécurisé, sur un patient ayant subi une anesthésie et un traitement par curare qui évite les secousses musculaires. Après un excès de prescription dans les années 1940-1950, l’ECT fut délaissée dans les années 1960-1970 au moment du développement des antidépresseurs et de la sortie de Vol au-dessus d’un nid de coucou, roman de Ken Kesey adapté au cinéma en 1975, qui montrait une image « barbare » des « électrochocs » de l’époque. Depuis les années 1980-1990, l’ECT reprend une place parmi les thérapeutiques grâce à un meilleur encadrement éthique et juridique, et surtout grâce à l’évolution de la technique, qui utilise aujourd’hui un courant bref ou ultra bref pulsé, mieux toléré, administré sous anesthésie générale, associé à un traitement par curare qui évite les secousses musculaires.
→ Indications : en première intention dans les syndromes dépressifs sévères avec manifestations délirantes ou risque de suicide majeur ; en deuxième intention en cas d’inefficacité ou d’intolérance à un ou plusieurs traitements médicamenteux bien conduits.
→ Modalités du traitement : l’ECT est pratiquée à raison de deux à trois séances par semaine pour un total d’environ dix à vingt séances. Un traitement d’entretien peut être instauré à raison d’une séance par semaine, puis tous les quinze jours, puis tous les mois, puis tous les trois mois pour prévenir la récurrence des épisodes.
Pour aider un parent, un conjoint ou un ami atteint de trouble bipolaire et se préserver soi-même, il faut une bonne connaissance de la maladie pour mieux l’appréhender. Le proche a intérêt à rechercher des informations objectives et pratiques (voir Savoir plus p. 51), mais surtout auprès du médecin traitant le trouble. Cela permet d’être moins déstabilisé par les manifestations variables du trouble bipolaire et de pouvoir prendre du recul pour adopter une attitude bénéfique à la relation commune (8).
Lors des phases maniaques ou dépressives, le comportement de l’aidant, adapté et patient, est précieux. Il doit absolument éviter de se laisser entraîner à réagir avec violence ou désespoir. Il est possible, en période de stabilité thymique, d’établir une sorte de « contrat thérapeutique », précisant ce que le patient souhaiterait comme attitude de la part du proche dans les épisodes aigus. Celle qui serait le plus bénéfique pour tous.
Les patients ont souvent une personnalité riche, créative, sensible et évidement changeante. Les intervalles stables entre les phases aiguës sont heureusement de plus en plus longs grâce aux traitements. L’objectif est de passer d’un éventuel accompagnement thérapeutique pénible à une aventure affective, certes mouvementée, mais parsemée de peines et de joies.
Lorsque la situation devient trop difficile à gérer, il est nécessaire de passer la main. Contacter un médecin, un psychiatre, voire le Samu en fonction de l’urgence.
1- « Troubles bipolaires : diagnostiquer plus tôt pour réduire le risque suicidaire », Haute Autorité de santé, 6 octobre 2015.
2- « Troubles bipolaires : les effets du lithium sur le cerveau », fondation FondaMental, avril 2019. A voir sur : www.fondation-fondamental.org
3- « Lithium », fiche du Collège national de pharmacologie médicale, mai 2017.
4- Fiche d’information du réseau Psychiatrie, information, communication (PIC), 2018.
5- « Téralithe 250mg, comprimé sécable. Résumé des caractéristiques du produit », à consulter sur : bit.ly/2NvIJ3S
6- « Traitement par Dépakote (divalproate de sodium) ou Dépamide (valpromide). Brochure d’information à l’attention de la patiente et/ou de son représentant », ANSM, juillet 2017.
7- Manuel de psycho-éducation. Troubles bipolaires, Dr Christian Gay et Marianne Colombani, Éd.Dunod, Paris, 2013.
8- « Conseils aux proches », sur le site de l’association Argos 2001. Voir sur : argos2001.fr
DR RAOUL BELZEAUX PSYCHIATRE COORDONNATEUR DU CENTRE EXPERT FONDAMENTAL DÉDIÉ AUX TROUBLES BIPOLAIRES, HÔPITAL SAINTE-MARGUERITE DE MARSEILLE
« Les médicaments thymorégulateurs prescrits dans le trouble bipolaire sont peu nombreux mais ils sont efficaces lorsqu’ils sont correctement utilisés. Même si un médicament en particulier peut ne pas être efficace pour un tiers des patients, il est toujours possible de trouver un traitement satisfaisant.
Généralement, un traitement efficace conserve cette efficacité sur le long terme. Toutefois, le trouble bipolaire étant une affection au long cours, il est possible que la maladie et/ou le patient évoluent et qu’un traitement puisse perdre en efficacité ou être moins bien toléré. De même, certains facteurs peuvent aggraver la maladie. La prise ou la reprise de substances toxiques par exemple, qui concerne 30 à 50 % des patients, aggrave la maladie et la rend plus résistante. Elle rend aussi plus difficile la stabilisation des troubles. »
DR RAOUL BELZEAUX PSYCHIATRE COORDONNATEUR DU CENTRE EXPERT FONDAMENTAL DÉDIÉ AUX TROUBLES BIPOLAIRES, HÔPITAL SAINTE-MARGUERITE DE MARSEILLE
« Les interventions non médicamenteuses de type psycho-éducation ou éducation thérapeutique sont nécessaires, quasiment indispensables. Le recours aux psychothérapies va dépendre des patients et des comorbidités. Il est important dans les problèmes d’addiction et d’anxiété, alors qu’une prise en charge éducative et soutenante peut suffire dans les cas les plus simples. Dans certaines situations, le médicament peut suffire à un moment de la prise en charge. Par exemple, lorsque le patient, dans un deuxième temps de la prise en charge, gère sa maladie. D’autre part, une stabilisation significative de la maladie à long terme peut lui permettre de se passer d’un médicament. C’est une éventualité qu’il faut bien préparer et qui nécessite des conditions idéales : absence de stress et de maladie somatique, très bonne connaissance de la maladie… »
→ Le centre expert FondaMental dédié aux troubles bipolaires de Marseille propose deux modes de psycho-éducation : un programme de douze séances qui s’étale sur autant de semaines pour les patients et une journée de psycho-éducation destinée aux proches et aux patients qui ne peuvent suivre le programme de douze séances. « La psycho-éducation est ainsi proposée à tous les patients, souligne Isabelle Muraccioli, qui co-anime les séances avec un ou une psychologue. Lors de la journée de psycho-éducation, les différents thèmes, tels que l’observance du traitement, l’identification des symptômes annonciateurs d’une rechute ou les règles d’hygiène de vie, sont abordés de façon plus synthétique. »
→ À la différence du programme de douze séances qui s’apparente plus à une formation, « la journée de psycho-éducation fonctionne un peu comme l’éducation thérapeutique du patient, avec des outils similaires et beaucoup d’interactions entre patients, proches et soignants. Cette journée permet aux patients et aux aidants de se rendre compte du vécu et du ressenti de chacun. » C’est aussi l’occasion de rappeler aux proches qu’ils peuvent aider mais ne doivent pas devenir soignants. Qu’ils doivent savoir passer la main, par exemple en demandant de l’aide à une structure de soins si besoin ou à une association de patients.
ANNIE LABBÉ PRÉSIDENTE D’ARGOS 2001, ASSOCIATION D’AIDE AUX PERSONNES BIPOLAIRES ET À LEURS PROCHES
Y a-t-il une augmentation des demandes auprès d’Argos 2001 ?
Oui, nous sommes de plus en plus sollicités, tant au niveau des permanences téléphoniques que pour les groupes de parole pour les patients et les proches, organisés dans toutes les antennes de l’association. Il y a un besoin de connaissance sur la maladie, d’informations et de renseignements sur les prises en charge ou encore sur les moyens d’améliorer les difficultés scolaires ou professionnelles. Nous sommes aussi sollicités par des parents quand le trouble touche un jeune adolescent. Ils ont besoin de connaissances. Ils essaient ensuite de convaincre leur enfant de venir nous rencontrer mais ce n’est pas toujours facile dans cette tranche d’âge.
Quelles sont les principales difficultés soulevées ?
En premier lieu, l’acceptation d’un diagnostic très sérieux, qui n’est souvent pas compris tout de suite, et l’observance du traitement. Surtout quand le traitement est initié lors d’un épisode maniaque avec des médicaments assez puissants et des effets indésirables souvent difficiles à supporter. D’autant plus si le trouble n’a pas encore été accepté, ce qui peut prendre une dizaine d’années. C’est le cas par exemple des adolescents et jeunes adultes qui connaissent plusieurs hospitalisations pour des états maniaques, mais qui ont malgré tout besoin d’un accompagnement thérapeutique, d’une psycho-éducation ou d’une psychothérapie, pour aller vers une prise en charge acceptée et bien menée. Ça peut prendre du temps.
Est-ce que la prise en charge des troubles bipolaires progresse ?
Oui, les troubles bipolaires sont de mieux en mieux connus et donc de mieux en mieux traités. Il faut inciter les patients à retourner vers leur médecin référent lorsque des effets indésirables les gênent. Ils représentent un risque pour le suivi du traitement alors qu’il y a des possibilités d’agir. Même s’il faut souvent du temps pour trouver le bon traitement, et même s’il existe encore des personnes qui ne répondent pas bien aux médicaments.