L'infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019

 

EXPRESSION LIBRE

Alex Ollivier  

Infirmier, chef de projet télémédecine, Groupement régional d’appui au développement de la e-santé (GRADeS), Normand’e-santé à Caen

Infirmiers et infirmières, nous avons tous été formés en Ifsi. Mais s’est-on déjà demandé si chacun d’entre nous avait été formé de la même manière ? Question saugrenue car nous avons tous le même diplôme, n’est-ce pas ? Or, derrière ce dernier se cache une grande disparité. Certes, le référentiel de formation est identique pour l’ensemble de la profession, mais son application et sa traduction en contenus d’apprentissage sont extrêmement variables d’un institut à l’autre. Plus inquiétant, lorsque l’on parcourt la France, on constate rapidement qu’il en est de même pour la validation des connaissances. Si l’on se concerte entre IDE à propos du “mémoire” de fin d’études, sur la façon dont nous avons été évalués par exemple, nombre d’entre nous pourrons faire le constat de “l’exotisme” des pratiques de leurs interlocuteurs. Il en est de même pour la réalisation de ce travail. Tantôt l’étudiant infirmier se verra demander de réaliser seul son mémoire et de le soutenir comme un réel embryon de travail de recherche. Tantôt la réalisation de la partie théorique fera l’objet d’un travail de groupe, quand la partie analytique ne sera l’œuvre que d’un seul étudiant. Et quid des oraux de soutenance ? D’un Ifsi à l’autre, ils sont passés seul, à deux ou à trois, tout est permis ! Mais nous avons tous le même diplôme, n’est-ce pas… ? Cette variation peut, hélas, parfois exister au détriment des IDE sans qu’ils en aient conscience.

Cela ne s’arrête pas là. Certains Ifsi font souvent état de leur taux de réussite « de 100 % » dans la presse. Sans d’ailleurs forcément le mettre en perspective avec un taux d’employabilité équivalent. C’est très bien de valider tout le monde. C’est sûrement mieux de faire preuve d’exigence dans les évaluations et de rehausser le seuil des bases nécessaires à la validation des compétences. Ne vaut-il pas mieux un peu moins d’infirmiers, mieux formés, qu’une légion d’IDE aux pieds d’argile sacrifiés pour un taux de réussite ?

Et les employeurs ne sont pas dupes. Mais il est plus convenable de taire les faiblesses des exigences d’évaluation des connaissances de ces Ifsi à une époque où la profession est soumise à un flux tendu entretenu artificiellement : tant qu’il y aura pléthore d’effectifs, peu importe la solidité de leur base de compétences, cela ne posera de soucis à personne. Sauf aux IDE eux-mêmes qui s’en rendront compte, souvent bien trop tard.

Il est temps de soulever le voile d’illusion qui entoure ces inégalités de formation : à l’heure de l’intégration universitaire de la formation infirmière, alors que se créent des filières de soins infirmiers et se montent des projets d’écoles doctorales en soins infirmiers, ne serait-il pas judicieux de travailler à une uniformisation des modes de dispensation et d’évaluation des connaissances afin que nous ayons tous le même bagage et la même valeur sur le marché du travail ?