VISITES GUIDÉES POUR DÉDRAMATISER - L'Infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 407 du 01/09/2019

 

RÉANIMATION

ACTUALITÉS

ÉTABLISSEMENTS

ISABEL SOUBELET  

Depuis plus d’un an, l’hôpital privé Résidence-du-Parc,à Marseille (Xe), accueille les enfants visiteurs en réanimation grâce à un projet porté par une équipe soignante.

Quand un parent est hospitalisé en réanimation, c’est toute la famille qui est touchée, y compris le ou les enfants. Bien souvent pour le protéger ou par incapacité à dire les choses, ce dernier sera en réalité mis à l’écart. « Or, l’enfant a un besoin de vérité, souligne Claire Altroff, porteuse du projet, ex-responsable réanimation et désormais responsable des unités d’hospitalisation de l’établissement. Il voit que tout le monde pleure à la maison et que l’ambiance n’est pas habituelle, mais il ne sait pas pourquoi. Il n’arrive pas à mettre de mots sur la réalité. Il vient pour voir. Nous sommes là pour l’accompagner. »

La démarche mise en place dans cet hôpital du groupe Ramsay Générale de santé se fait selon un protocole en cinq étapes (voir encadré).

Préparation de la visite

« La base de cette procédure d’accueil, c’est la demande de l’enfant, précise la cadre de santé. Et pour cela, il faut qu’il soit en capacité de la verbaliser, donc avant 4 ans, cela n’est pas vraiment adapté. Nous vérifions toujours que le souhait vient de lui. Selon son âge, sa connaissance de la situation et l’état du parent, nous adaptons nos propos. Souvent, les parents ont du mal à aborder la gravité de la maladie, allant parfois jusqu’à la nier, et c’est donc nous qui le faisons. »

Lors de ce rendez-vous, qui se passe à l’hôpital mais hors du service de réanimation, le soignant établit une relation de confiance avec l’enfant. Il lui explique grâce à un livret d’accueil et à une maquette de figurines comment la visite va se dérouler et ce qu’il va voir dans la chambre. « À partir de cette maquette, l’enfant peut visualiser la situation, poser des questions et jouer avec les éléments, ajoute-t-elle. Cela permet de dédramatiser la situation et de le préparer à ce qu’il va voir, aussi bien au niveau de l’environnement de la chambre que de l’état de son parent. »

Réalisée de manière bénévole par l’association Deklick, basée à Aubagne, la maquette des personnages customisés reprend les éléments de la chambre en respectant les codes couleurs : tenues, écrans, perfusions, tuyaux, respirateur, scope, pousse-seringue… Et, sauf en cas d’urgence, l’enfant ne fera pas la visite ce jour-là. Il repartira avec le livret d’accueil avant de revenir quelques jours plus tard, pour la visite, s’il ne change pas d’avis entre-temps. Une fois le rendez-vous fixé, l’équipe prépare la chambre du patient. Cela passe par la suppression de certaines perfusions si cela est possible, l’organisation de la visite en dehors de la dialyse pour éviter la vue du transfert de sang, le port d’une blouse au patient ou tout simplement le retrait de l’appareil dentaire sur la table… « Les proches sont dans l’émotion et ne se rendent pas forcément compte de ce qui peut choquer l’enfant, estime-t-elle. Nous pouvons suggérer par exemple un bisou volant plutôt que physique. Il ne faut jamais forcer l’enfant qui peut partir à tout moment. »

Une démarche labellisée

Récemment arrivé dans le service, Mathieu Bordes, infirmier de réanimation, a déjà participé à une réunion et une visite. « La lecture du non-verbal de l’enfant est quelque chose d’important que nous devons observer, précise-t-il. J’ai pu constater un décalage chez l’enfant avant et après le rendez-vous. Au départ souriant puis silencieux. Lors de la visite, comme je connaissais bien le patient, j’avais des familiarités avec lui, cela a facilité la communication. » Si aucune durée n’est fixée, la visite dure en général quinze à vingt minutes. Ensuite, certains enfants souhaitent revenir, d’autres non. Dans tous les cas, l’équipe en place effectue un suivi. Cette démarche est d’ailleurs le résultat de la réflexion d’un groupe de travail - composé de médecins, cadre de santé, IDE, AS et psychologues - entamée fin 2017. Depuis le départ, l’équipe soignante (IDE-AS) formée par le groupe de travail et la psychologue participe aux rendez-vous sur la base du volontariat. Un projet complet qui a d’ailleurs reçu le label « Droits des usagers de la santé », décerné par l’agence régionale de santé (ARS) Provence-Alpes-Côte d’Azur (Paca).

ORGANISATION

Un protocole d’accueil en cinq étapes

1 Recueil de la demande de l’enfant par un soignant lors d’un entretien avec lui et le ou les parents ;

2 Entretien avec l’enfant en amont de la visite et explication à l’aide du livret d’accueil et de la maquette en figurines ;

3 Préparation de la chambre et du service ;

4 Visite de l’enfant auprès du parent hospitalisé avec un soignant et un parent de l’enfant ;

5 Réunion-bilan post-visite afin de recueillir le ressenti de l’enfant.