L'infirmière Magazine n° 408 du 01/10/2019

 

PLAIES CHRONIQUES

DOSSIER

CAROLINE COQ-CHODORGE  

Depuis 2013, des infirmiers du pôle Saint-Hélier, à rennes, pratiquent une téléconsultation sur les plaies chroniques complexes. Une manière de partager leur expertise hors de l’établissement.

Le 3 septembre, le pôle Saint-Hélier a reçu le 2e prix du concours « Parlez-nous télémédecine », organisé par le ministère de la Santé. Mais ce n’est pas une innovation technologique qui a été primée. « Un smartphone, une tablette et une connexion de bonne qualité suffisent. Nous envoyons simplement un lien vers une visioconférence sécurisée. Nous avons aussi besoin de pouvoir échanger par messagerie sécurisée avec le médecin », explique Amélie Chopin, l’une des infirmières qui participent, deux jours par semaine, à la téléconsultation « plaies chroniques ». Cette pratique de la télémédecine a été primée parce qu’elle est « vecteur de solidarités territoriales », relate Sophie Burlot-Tual, la directrice de cet établissement privé à but non lucratif, situé à Rennes (Ille-et-Vilaine).

Le pôle Saint-Hélier est spécialisé dans la réadaptation, en particulier en neurologie et en orthopédie. Il dispose de 120 lits d’hospitalisation complète, de 80 places en hospitalisation de jour, d’un Ehpad de 80 places, de 20 places d’hospitalisation à domicile spécialisée en rééducation et d’une équipe mobile de rééducation. Depuis 2010, l’établissement se projette « hors les murs, jusqu’au domicile du patient, dans une logique d’accès aux soins », poursuit la directrice. C’est dans cette dynamique qu’ont été créées, dès 2013, deux téléconsultations : l’une dédiée à la réadaptation, animée par des kinésithérapeutes ou des ergothérapeutes, l’autre à la prise en charge des plaies chroniques complexes, et animée par une équipe d’infirmiers. Cette téléconsultation sur les plaies permet au pôle Saint-Hélier de faire entrer, au domicile du patient, son expertise sur les escarres, les plaies vasculaires, les ulcères, etc. Elle a lieu « au lit du malade, en présence du professionnel de proximité, quelquefois le médecin généraliste, le plus souvent l’Idel, qui connaît le patient, son autonomie, son mode de vie, ses antécédents, détaille le Dr Benoît Nicolas, président de la commission médicale d’établissement. Après la consultation, le médecin reçoit toujours un compte-rendu médical, pour assurer la continuité des soins. » C’est donc une expertise délivrée en étroite collaboration avec les professionnels de ville.

Pour les infirmiers qui pratiquent la téléconsultation, il n’y a rien de désincarné dans cette pratique des soins. « Les patients nous accueillent chez eux », assure l’infirmière Amélie Chopin. « Avec le professionnel de proximité, nous formons une alliance thérapeutique autour du patient, renchérit son collègue Lomig Le Bihan. Nous évaluons l’état de la plaie, conseillons le meilleur pansement, accompagnons les gestes de l’Idel. Pour le patient, cela évite des déplacements douloureux et angoissants. Tous adhèrent, certains se maquillent, nous font des blagues en faisant de petits dessins sur leurs corps. »

DU et protocole de coopération

Tous les infirmiers qui réalisent ces téléconsultations sur les plaies chroniques sont titulaires d’un diplôme universitaire plaies et cicatrisation. Ils exercent dans le cadre d’un protocole de coopération. Les infirmiers peuvent prescrire des radios, des compresses, des pansements en dehors de la nomenclature des actes infirmiers, des écho-dopplers, des bilans biologiques, etc. Chaque consultation est ensuite débriefée au cours d’un staff, en présence de médecins.

Les téléconsultations sont limitées aux frontières de l’Ille-et-Villaine, « car c’est le territoire où nous sommes efficaces, où nous connaissons les ressources médicales et techniques », explique Benoît Nicolas. L’établissement a contractualisé avec 60 structures médico-sociales et 76 cabinets libéraux, se constituant ainsi un important réseau territorial. Depuis 2013, le pôle a réalisé plus de 1 000 consultations de télémédecine. Et les premiers résultats sont là : « En 2018, pour la première fois, le nombre de plaies d’une durée supérieure à un an a commencé à baisser », se félicite Benoît Nicolas. « Les professionnels qui travaillent avec nous peuvent mieux anticiper l’aggravation d’une plaie, nous alerter avant qu’elle soit dramatique, complète la cadre de santé Gaëlle Aubert-Brouxel. Nous partageons nos compétences. »