Difficultés de diagnostic, mauvaise compréhension de la douleur, troubles alimentaires… L’accès aux soins des personnes autistes demeure moins bon que celui de la population générale.
C’était le sujet phare du 12e congrès international d’Autisme-Europe, événement triennal qui s’est tenu à Nice du 13 au 15 septembre. Plus de 2 000 experts ont planché sur l’accès aux soins des personnes autistes, autour du fil rouge « Une nouvelle dynamique pour le changement et l’inclusion ».
Selon Eluisa Lo Presti, docteur en médecine à l’hôpital de Toscane et responsable des soins de santé pour les personnes autistes, le problème vient du système lui-même. « Nous avons un modèle très médical, précise-t-elle, il faut passer à un modèle plus social du handicap. La personne doit être au centre, avec ses droits, dont ceux de la santé et de la rééducation. Or, en réalité, les personnes avec un trouble du spectre autistique (TSA) sont dans une situation qui empêche un accès juste et équitable aux soins. Pour y parvenir, il faut lutter contre les idées préconçues. » La difficulté à établir le diagnostic d’une maladie secondaire chez un patient autiste est un préjugé souvent émis. « Les besoins sont différents d’une personne à l’autre, et les professionnels de santé doivent s’adapter, souligne Eluisa Lo Presti. Il faut avoir des services, des structures et organisations qui peuvent y répondre. Or, il y a de nombreuses expériences en Europe, mais aucun pays ne dispose de programme national et structuré pour accueillir dans les services de soins des personnes atteintes de TSA. » Une analyse sombre de la situation pour les 7,4 millions de patients autistes que compte l’Europe.
C’est pourquoi l’Italie a mis en place le service Dama (Disabled advanced medical assistance) dans douze hôpitaux, dont celui de Florence. L’idée est d’avoir une organisation adaptée avec une équipe (un interne, un chirurgien, un anesthésiste, une IDE, une infirmière de liaison, un dentiste…), en mesure de répondre aux questions spécifiques. « Dama est un service ambulatoire qui dispose d’un service hospitalier, ajoute Eluisa Lo Presti. Le médecin intervient sur l’aspect clinique mais l’infirmière, elle, réalise un entretien plus approfondi avec la personne, pour mieux la connaître, appréhender ses réactions et anticiper la prise en charge. Un autre entretien avec les membres de la famille permet de cerner l’environnement de la personne autiste et ses habitudes. » Avec ces éléments, l’équipe peut commencer un parcours de soins avec les spécialistes hospitaliers, mais l’objectif est de réduire la durée du séjour hospitalier. « Nous faisons le nécessaire pour la personne en un même lieu, avec un contact unique et un seul point d’accès », précise Eluisa Lo Presti.
Dans ce programme, la contention est interdite : « L’équipe utilise son expérience pour réaliser des soins de qualité. Les professionnels sont formés à écouter et tenir compte des manifestations de l’inconfort et de la douleur chez la personne autiste. » Un projet qui a nécessité une longue formation des professionnels.
Au quotidien, les troubles de l’alimentation chez les personnes autistes sont courants. Annelies Spek, psychologue clinicienne et directrice du centre d’expertise de l’autisme à Eemnes, aux Pays-Bas, a étudié ce sujet. Elle rapporte le témoignage d’une femme de 30 ans avec TSA : « Mes problèmes ont commencé lorsque j’ai commencé à vivre seule, je devais me rappeler que le réfrigérateur était vide et qu’il fallait le remplir. » Comment faire et avec quels produits ? C’est une des difficultés qui génèrent, à terme, des problèmes, voire une incapacité à prendre des repas réguliers et sains. Plusieurs facteurs entrent en jeu, mais vivre dans une résidence ou disposer d’une aide durant le repas limite une prise alimentaire déstructurée. « Les femmes avec TSA souffrent plus d’anorexie et développent une fixation sur leur poids, souligne Annelies Spek. Elles ont du mal à ressentir la faim et la soif. Faire un régime devient assez facile et elles maigrissent vite. Sur le plan personnel, elles pourront alors être admirées par leur entourage pour leur persévérance dans la perte de poids. Cela leur permet d’être acceptées dans un groupe, c’est une sorte de récompense sociale, alors qu’elles sont souvent mises à l’écart. Il est donc important de surveiller cette perte de poids afin que celle-ci ne se transforme pas en trouble alimentaire. »
Par ailleurs, manger ensemble est souvent un problème pour les patients autistes. Il est donc compliqué pour eux de se soigner dans une clinique spécialisée dans les troubles alimentaires. Un suivi individualisé est une solution : encore faut-il en avoir les moyens humains et financiers.