De plus en plus efficaces, les traitements de la SEP améliorent la précocité et l’efficacité de la prise en charge, et la qualité de vie des malades. Des avancées qui modifient l’image de la maladie, trop systématiquement perçue comme grave et invalidante.
Bien gérer l’annonce de cette maladie est primordial. « À la fois pour faciliter l’alliance avec tous les professionnels qui interviennent dans le parcours de santé du patient, ainsi que pour lui permettre de recevoir et d’intégrer les informations médicales qui sont essentielles pour lui », explique Anne-Laure Ramelli, psychologue partageant son activité entre son exercice libéral et son poste de psychologue de coordination au sein du réseau Sindefi-SEP (voir encadré p.47). Dans la majorité des cas, entre les premiers symptômes et l’annonce du diagnostic, les patients consultent différents médecins et réalisent des examens. Durant cette période, la sclérose en plaques (SEP) peut être évoquée parmi les diagnostics possibles, ce qui leur donne le temps de se renseigner et de se forger une représentation de la maladie dont ils souffrent peut-être. « Dans ce cas, l’annonce ne donne pas forcément lieu à un traumatisme violent car elle confirme une hypothèse à laquelle les patients s’étaient préparés, et une consultation de reprise d’annonce, bien qu’utile, n’est pas toujours nécessaire, poursuit la psychologue. En revanche, elle est requise lorsque l’effraction psychique est importante et que le sujet se trouve dans l’incapacité de mettre en place l’élaboration psychique pour faire face au traumatisme de l’annonce. »
→ La reprise d’annonce peut être effectuée soit par un binôme psychologue/infirmière, soit par le psychologue seul. Il passe en revue l’historique et les caractéristiques des symptômes, et reprend le contexte et la façon dont l’annonce a été faite. Le vécu du patient est également abordé, afin de déterminer à quelle étape du travail de deuil relatif à la perte de santé il se trouve pour poser des jalons et l’aider à évoluer vers l’acceptation. « La reprise d’annonce s’appuie aussi sur les représentations qu’a le patient des causes, des conséquences et du traitement de la maladie afin d’évaluer si ses représentations sont proches ou éloignées de la représentation médicale, poursuit Anne-Laure Ramelli. Si l’écart est limité, on laisse le temps psychique nécessaire au patient pour s’ajuster. En revanche, si l’écart est trop important, les propositions thérapeutiques et l’adhésion au projet thérapeutique sont vouées à l’échec et nécessitent d’intervenir sur le plan psychique. »
→ Dans ce cas, le travail d’élaboration psychique peut être poursuivi sous forme d’entretiens de suivi individuel avec un psychologue ou d’ateliers d’ETP qui permettent de confronter le patient à d’autres malades, ce qui est généralement très fructueux. Il peut aussi être complété par des consultations infirmières pour parfaire l’information du patient sur la maladie et les traitements. Quels que soient les moyens employés, ils doivent permettre de lever les défenses et d’ajuster les représentations du patient à la réalité de la pathologie car c’est un prérequis à son adhésion aux traitements.
La SEP ne bénéficie pas de traitement curatif. Néanmoins, d’énormes progrès thérapeutiques ont été réalisés dans le traitement des formes rémittentes. Celles-ci disposent aujourd’hui d’un arsenal thérapeutique large et efficace permettant d’adapter la prescription au cas par cas, dans l’objectif de verrouiller l’activité inflammatoire de la maladie et son évolution. En revanche, dans les formes progressives, l’efficacité du traitement sur l’évolution du handicap fait encore débat.
Ces traitements sont d’autant plus efficaces que la prise en charge thérapeutique est précoce et que le suivi thérapeutique est assuré de façon optimale. « C’est aujourd’hui formellement prouvé et il faut poursuivre les efforts de sensibilisation des spécialistes et de tous les acteurs de santé (rhumatologues, ophtalmologues, urologues, gastro-entérologues, généralistes…) qui peuvent être amenés à rencontrer ces patients au décours des premiers symptômes car ils peuvent favoriser un diagnostic précoce en adressant les patients aux neurologues, seuls habilités à prescrire les traitements de fond », commente Patrick Vermersch, neurologue à l’université de Lille.
Ils ont pour but de diminuer la survenue des poussées et le nombre des lésions (plaques), et de retarder l’apparition et la progression des séquelles et du handicap. Il existe deux grandes catégories de traitements de fond : les immunomodulateurs et les immunosuppresseurs.
→ Les immunomodulateurs (IMD) sont proposés en première intention. Ils comprennent :
• Des médicaments sous forme injectable : interférons β (Avonex, Bétaféron, Extavia, Rebif) et acétate de glatiramère (Copaxone). Ils sont administrés soit en IM une fois par semaine (Avonex), soit en S/C quoti diennement (Copaxone) ou un jour sur deux (Bétaféron, Extavia, Rebif)(1). Leur sécurité d’utilisation est très satisfaisante (aucune étude n’a montré d’augmentation du risque d’infection ou de cancer) et leur tolérance est bonne. Il n’est pas rare que les patients sous interféron rapportent un syndrome pseudo-grippal dans les heures qui suivent l’injection, surtout les premières semaines. Les injections S/C peuvent être associées à une inflammation au point d’injection. Des réactions allergiques sont possibles mais exceptionnelles et une surveillance biologique est nécessaire à un mois, trois mois puis tous les six mois, pour contrôler les transaminases (risque d’atteinte du foie) et les leucocytes(1).
• Des médicaments per os : diméthyl-fumarate (DMF-Tecfidera). Administré en deux prises quotidiennes au milieu des repas pour limiter l’intolérance digestive fréquente au début du traitement, le DMF peut également être associé à de brèves bouffées congestives. Il nécessite une vigilance biologique régulière (tous les trois mois environ) en raison du risque de lymphopénie lié à la prise de ce traitement.
→ Les immunosuppresseurs (IMS) : ils sont disponibles soit par voie orale (Tériflunomide, Fingolimod), soit par injection IV (Natalizumab, Ocrelizumab) (voir le tableau ci-dessous). Ils ciblent généralement une catégorie précise d’éléments du système immunitaire (lymphocytes activés, lymphocytes B, par exemple) et sont plus agressifs que les IMD sans toutefois être forcément plus toxiques. Néanmoins, leurs effets secondaires potentiels justifient un suivi rigoureux, biologique, radiologique (IRM), hépatique, dermatologique, ophtalmologique ou cardiologique, en fonction des médicaments utilisés.
A priori prescrits en deuxième intention lorsque les poussées persistent sous IMD, ils peuvent s’imposer en première intention lorsque la maladie est d’emblée sévère. La recherche d’un éventuel déficit immunitaire (infection par le VIH, tuberculose…) est un préalable à leur prescription. De même, la mise à jour des vaccins est un pré-requis, notamment pour protéger les patients contre la grippe, la varicelle et le zona. Certains médicaments comme l’alemtuzumab (Lemtrada) ou le mitoxantrone, pourtant très efficaces, sont peu ou quasiment plus utilisés aujourd’hui. L’alemtuzumab (en injection IV deux semaines par an en une fois) a récemment obtenu l’AMM, mais n’est pas remboursé par l’Assurance maladie, ce qui en limite l’utilisation car son coût doit être assumé par l’hôpital. Quant au mitoxantrone, il n’est quasiment plus utilisé dans le traitement de la SEP en raison de sa cardiotoxicité et du risque de leucémie induit par ce traitement, précise le Pr Vermersch.
Grâce aux progrès réalisés en immunologie, les traitements de fond actuels permettent de décaler dans le temps le risque de passer à la forme secondairement progressive. « Il y a trente ans, 50 % des patients passaient à la forme secondairement progressive entre dix et quinze ans, c’est-à-dire vers l’âge de 40-45 ans, constate le Pr Vermersch. Aujourd’hui, cette évolution de la maladie concerne plus généralement des patients âgés de 45-50 ans, voire plus, ce qui est encourageant, même s’il reste encore beaucoup de progrès à faire. »
Au-delà des traitements de fond, la prise en charge thérapeutique de la SEP repose également sur le traitement des poussés et des symptômes.
Les traitements des poussées reposent uniquement sur les corticoïdes et n’ont pas changé depuis de nombreuses années. Seules les poussées qui occasionnent une réelle invalidité pour le patient doivent être traitées. Lorsqu’elles sont modestes et s’améliorent spontanément, le traitement n’est pas utile car il n’influence ni les poussées ultérieures, ni l’évolution vers un handicap, ni le pronostic de la maladie. En observant cette règle, la corticothérapie n’est grevée d’aucun effet secondaire.
→ Fort et court mais pas systématique : pour être efficace, le traitement des poussées repose sur l’administration, le plus tôt possible, dès l’apparition des symptômes, de fortes doses de cortisone sur peu de temps. L’objectif est de réduire rapidement l’inflammation et de diminuer l’intensité, la durée et la gravité de la poussée pour accélérer le rétablissement. Intervenir tardivement n’a aucun intérêt. La molécule de choix est la méthylprednisolone qui peut être administrée soit par voie IV à raison de 1 g, trois ou cinq jours de suite, soit par voie orale à la même dose, selon le choix du médecin et du patient. Une étude française montre que l’efficacité de la voie orale est équivalente à la voie IV à condition de respecter la même dose mais certains médecins estiment que la voie IV agit plus vite en traitement d’attaque.
→ Privilégier l’ambulatoire : l’induction du traitement IV, comme pour les traitements de fond par voie IV, est réalisée en HDJ (voir encadré p.44). Les jours suivants sont pris en charge à domicile par un prestataire de service et une Idel. « Ces modalités de prise en charge ambulatoire sont de plus en plus privilégiées afin de préserver l’autonomie et la qualité de vie de ces patients jeunes, commente le Pr Jean Pelletier, chef du service neurologie de l’hôpital de La Timone, à Marseille (AP-HM). Cette volonté nous conduit no - tamment à adapter les horaires de manière à ce que les patients puissent autant que possible concilier leur traitement et leurs obligations familiales (déposer et récupérer les enfants à l’école par exemple). »
Les symptômes doivent faire l’objet d’une prise en charge thérapeutique adaptée, indépendamment des autres traitements. Cette prise en charge n’est pas uniquement médicamenteuse. Elle fait largement appel à la kinésithérapie, à la réadaptation physique et à l’accompagnement psychologique. Elle est également ouverte aux thérapies complémentaires.
→ Principaux traitements symptomatiques médicamenteux et non médicamenteux :
• Traitements de la fatigue : « Il n’existe au sein de la pharmacopée aucun traitement symptomatique efficace sur la fatigue, indique le Pr Vermersch. La seule recommandation dans ce domaine est d’inciter les patients à pratiquer une activité physique adaptée. Il est essentiel que la kinésithérapie débute précocement, si nécessaire avec l’aide d’un médecin rééducateur, pour bien adapter les efforts et les exercices aux capacités du patient. Son bénéfice est prouvé non seulement sur le plan du mieux-être physique mais aussi sur le plan de la fatigue. » Tous les spécialistes s’accordent sur ce point et reconnaissent que les consignes d’hier (« reposez-vous ») sont vouées à l’échec, alors qu’une AP bien encadrée constitue aujourd’hui le seul traitement susceptible de diminuer le niveau de fatigue chronique de leurs patients. Par ailleurs, il est important d’aborder l’expression de la fatigue avec le patient pour l’aider à la verbaliser de manière à ce qu’elle soit comprise par l’entourage. « Si le patient dit sans arrêt “je suis fatigué”, son entourage va s’agacer et réagir négativement : “tu es pénible, tu es toujours fatigué”, “j’en ai assez de ta fatigue”…, commente Anne-Laure Ramelli. Dans le cadre de notre accompagnement, nous travaillons à ce que le patient exprime de manière claire le besoin ou la demande sous-jacents, par exemple, “j’ai besoin d’un coup de main pour faire telle ou telle chose”, de manière à être mieux entendu. »
• Traitements de la spasticité : le principal médicament anti-spastique est le baclofène (Lioresal) dont la posologie, très variable selon les patients, peut être comprise entre un demi à un comprimé deux fois par jour et jusqu’à neuf voire douze comprimés par jour dans certains cas. Ses effets sédatifs lors de l’augmentation des doses peuvent être gênants pour la vie quotidienne et nécessite une mise en place progressive. Le dantrolène (Dantrium) peut également être utilisé en deux prises par jour. Certains benzodiazépines sont parfois utilisés essentiellement le soir et à petites doses en raison de leur effet sédatif(2). Pour aider la marche, la fampridine (Fampyra) améliore la conduction chez 30 à 40 % des patients à raison de deux comprimés par jour. Quant au Sativex, cannabis médical largement utilisé dans le monde dans cette indication, il n’est pas encore accessible en France car sa formule contient du THC, produit interdit à la consommation à cette concentration dans notre pays. « Sans THC, le cannabidiol (CBD) a très peu d’intérêt, explique le Pr Patrick Vermersch. Ce qui pose un réel problème pour les patients français qui ne peuvent en bénéficier car cette association a montré un effet réel sur la spasticité rebelle et douloureuse. En outre, dans les pays qui l’utilisent, le Sativex entraîne une diminution de l’usage de certains médicaments comme les benzodiazépines, et une amélioration de la qualité du sommeil et des troubles urinaires, ce qui justifie la pression exercée par les professionnels de santé et les sociétés savantes pour faire avancer la mise à disposition de ce médicament au plus vite. » En attendant, il est important de rappeler que la spasticité des membres inférieurs et supérieurs répond très bien à la kinésithérapie, ce qui justifie de lui accorder d’emblée une place de choix dans la prise en charge de ce symptôme.
• Traitements des troubles urinaires : différentes catégories de médicaments sont disponibles en fonction des symptômes. Des anticholinergiques (oxybutynine - Ditropan, trospium - Ceris, solifénacine - Vesicare) pour traiter les mictions incontrôlées par hyperactivité vésicale, ou encore, des alphabloquants (alfuzosine - Xatral, tamsulosine - Josir) en cas de dysurie consécutive à un blocage des sphincters urétraux au moment de la miction. L’apprentissage des autosondages permet également de restaurer une vidange vésicale facile, complète et régulière et de freiner l’hyperactivité de la vessie sans craindre la rétention(2). Lorsque l’hyperactivité vésicale n’est pas contrôlée par les médicaments, des injections intra-vésicales de toxines botuliques renouvelées tous les six à douze mois peuvent apporter une amélioration. Elle peut également être freinée par la neurostimulation tibiale postérieure. Cette technique consiste à stimuler de manière indolore un nerf sensitif de la cheville pendant vingt à trente minutes afin de contrôler, par les racines de la moelle sacrée, le dysfonctionnement urologique. Cette stimulation est réalisée sur plusieurs jours à l’aide d’une électrode reliée à un petit appareil (Urostim) disponible en pharmacie.
• Traitements des douleurs : le traitement des douleurs neuropathiques repose essentiellement sur les psychotropes, en particulier les anti-épileptiques comme la gabapentine (Neurontin), la prégabaline (Lyrica), la carbamazépine (Tégrétol), et les antidépresseurs comme la duloxétine (Cymbalta) ou l’amitriptyline (Laroxyl). En cas de douleurs rebelles, une prise en charge pluridisciplinaire dans les centres d’évaluation et de traitement de la douleur permet d’optimiser le traitement, de proposer des médicaments hospitaliers en perfusion (kétamine, Lidocaine…) ou en application locale (capsaïcine, Qutenza) et de bénéficier de thérapeutiques innovantes comme la stimulation magnétique transcrânienne répétitive ou la neuromodulation trans cutanée(2). Des approches non médicamenteuses peuvent être associées comme les massages et la mobilisation par le kinésithérapeute, mais aussi l’acupuncture, la relaxation, l’auto-hypnose, la méditation, le yoga ou la sophrologie.
→ Traitements complémentaires : beaucoup de patients se tournent en effet vers ces thérapeutiques complémentaires. « Nous les encourageons plutôt car ces approches holistiques participent de nos programmes de prise en charge globale tant que les patients n’abandonnent pas leur traitement et à condition que ces pratiques soient coordonnées avec le projet de soin et qu’elles soient pratiquées par des partenaires sérieux », argumente le Pr Vermersch.
Les formes progressives primaires de SEP ne répondent pas aux traitements de fond utilisés dans les formes récurrentes-rémittentes car elles correspondent à une expression inflammatoire différente de la maladie. Seules les formes secondairement progressives s’accompagnant de poussées peuvent bénéficier d’un traitement par interféron sous-cutané (Bétaféron, Rebif). Face au manque de médicaments dans les formes progressives de SEP, la biotine a été largement prescrite dans le but de stimuler le métabolisme énergétique des cellules et d’aider à la remyélinisation. À la suite d’une étude française réalisée sur un petit échantillon de patients (158 malades), les autorités de santé ont accordé une ATU à la biotine avec des résultats mitigés. L’ATU a été suspendue mais le laboratoire peut toujours, à titre compassionnel, continuer à délivrer la biotine aux patients répondeurs. En revanche, dans l’attente des résultats d’une nouvelle étude plus significative, il est impossible de prescrire de novo ce traitement. « Les espoirs sont aujourd’hui tournés vers le siponimod qui a montré des résultats intéressants notamment dans la forme secondairement progressive associée à des poussées ou à une activité à l’IRM, précise le Pr Vermersch. Sa mise sur le marché est espérée en 2020. Concernant la forme progressive primaire, seul l’Ocrelizumab, à raison d’une perfusion tous les six mois, s’est avéré moyennement efficace sur le handicap avec une bonne tolérance au quotidien dans l’étude Oratorio(3). D’ici peu, on espère voir la fin du tunnel dans les formes progressives grâce aux quelques nouvelles molécules actuellement en essai thérapeutique de phase 2 et 3. »
À noter : dans les formes progressives, les patients sont parfois hospitalisés pour des complications de la pathologie (encombrements bronchiques, infection urinaire, constipation, fécalomes, pneumopathies d’inhalations, escarres…). « Ces complications sont autant d’épines irritatives (EI) qui aggravent leur handicap, commente Catherine Desmet, IDE de l’unité médico-chirurgicale ambulatoire du CHU de Lille. Il est important de traiter efficacement ces complications car elles exacerbent les symptômes. Dans les formes rémittentes, ces EI peuvent donner à penser qu’il s’agit d’une poussée alors qu’il n’en est rien. Le fait de traiter l’EI permet de lever les symptômes et d’éviter de traiter inutilement une poussée. »
L’éducation thérapeutique du patient (ETP) englobe toutes les thématiques susceptibles d’aider les patients à mieux connaître la SEP et à mieux vivre la maladie au quotidien. « À l’hôpital, je pratique essentiellement de l’ETP individualisée, en particulier pour tout ce qui relève des “auto-soins” (initiation aux traitements injectables en S/C notamment), et j’oriente vers le réseau pour les ateliers d’ETP en groupe, ouverts aux patients et à leur famille », explique Sophie Redaelli, partagée entre son poste d’IDE coordinatrice du CRCSEP de l’hôpital Henri- Mondor et son poste d’IDE au sein du réseau Sindefi- SEP. « Au-delà de la connaissance de la maladie, de ses symptômes et de ses traitements, les patients peuvent choisir parmi l’ensemble des ateliers (“Se repérer au début de la maladie”, “S’orienter dans le labyrinthe administratif”, “Gérer la fatigue”, “Mieux dormir”, “Estime de soi”, “Activité professionnelle”, “Découverte de la relaxation”, “Conduite automobile”), ceux qui répondent à leurs besoins en fonction des problèmes qu’ils rencontrent dans la gestion au quotidien de leur maladie (lire p.47). En fonction des thèmes, les ateliers sont animés par un intervenant spécialisé et/ou une IDE. »
Nécessaire dès l’annonce de la maladie, l’accompagnement psychologique peut intervenir au long cours ou plus ponctuellement pour aider le patient à passer un cap face aux difficultés causées par la limitation des capacités physiques, la confrontation au handicap et la perte du rôle social, induites par la maladie. « Les retentissements de la SEP engendrent un affaissement de l’estime de soi qui nécessite une prise en charge spécifique, explique Anne-Laure Ramelli. Que ce soit au fil de nos entretiens ou pendant les ateliers d’ETP sur ce thème, nous travaillons sur les leviers internes tels que les compétences et les qualités que la maladie a contribué à développer (combativité, ténacité, courage…) et nous identifions les leviers externes tels que les soutiens informatifs, matériels, affectifs… sur lesquels le patient peut s’appuyer lorsqu’il atteint ses propres limites. Nous abordons les différents types de comportements relationnels (agressif, inhibé, affirmé) pour amener le patient à se positionner et à comprendre l’intérêt d’avoir un comportement affirmé qui permet de retrouver confiance et estime de soi. »
Un autre point important de la prise en charge psychologique concerne les stratégies d’adaptation grâce auxquelles les patients vont pouvoir augmenter leur capacité à faire face aux situations de stress aigu et chronique générées par la maladie. « La SEP impose aux patients de mettre en oeuvre des processus d’ajustement intenses et répétés très éprouvants, poursuit la psychologue. Épuisés, ils vont au plus simple, vers leur stratégie d’adaptation de prédilection (déni, évitement, par exemple) plutôt que de chercher des réponses plus appropriées. » En pratique, à l’aide de jeux de rôle, la psychologue repère le mode de fonctionnement des patients face à l’adversité, identifie leurs compétences d’ajustement, leur présente les stratégies adaptatives pour élargir leur palette d’action et les aide à les mettre en œuvre en travaillant selon le principe du renforcement positif. « Cette approche permet aux patients d’être plus souples et plus adaptables ce qui améliore leur qualité de vie et influence favorablement le cour de leur maladie », conclut Anne-Laure Ramelli.
Afin d’optimiser la coordination des intervenants et la qualité de la prise en charge et du suivi multidisciplinaires des patients, des réseaux spécialisés se sont mis en place dans de nombreuses régions, à l’instar du réseau ParcSEP à Lille, Sindefi-SEP à Créteil, AquiSEP à Bordeaux ou AlsaCEP à Colmar, entre autres(4). Par ailleurs, compte tenu de la complexité grandissante des traitements et de leurs risques potentiels, l’état a validé la création des CRCSEP (23 en France) dans le cadre du Plan des maladies neurodégénératives, pour répondre aux questions des spécialistes, des médecins traitants, des personnels de santé et des patients. « Ce dispositif permet de personnaliser la prise en charge et de l’adapter à la pluralité des symptômes grâce à l’aide des différents spécialistes concernés par le cas du patient, conclut le Pr Vermersch. Par ailleurs, au-delà des soins, l’ETP permet de rendre les patients le plus autonomes possible et d’alléger le poids des contraintes inhérentes à la maladie. »
1- Les traitements de fond de la SEP, en ligne sur l’Arsep : bit.ly/2krqAGr
2- Voir : bit.ly/2kpiMVN
3- Montalban X. et coll., « Ocrelizumab versus placebo in primary progressive multiple sclerosis », The New England Journal of Medicine, 19 janvier 2017.
À lire sur : bit.ly/2ltZeQq
4- La liste des réseaux et CRCSEP est disponible sur : bit.ly/2lYcjlj
À l’exception des patients dont les pathologies associées nécessitent de contrôler en milieu hospitalier la mise en œuvre des traitements de la SEP(1), l’induction des traitements de fond et des poussées par voie IV est aujourd’hui prise en charge en HDJ. Explications de Catherine Desmet.
Catherine Desmet, IDE dans l’unité médico-chirurgicale ambulatoire du CHU de Lille.
Actuellement, dans 80 à 90 % des cas, les traitements de fond ou le traitement des poussées sont initiés en HDJ à J1. Ils sont relayés (si nécessaire) les deux jours suivants, à domicile, sous surveillance infirmière, dans le cadre d’une prise en charge coordonnée entre l’hôpital, l’Idel, le prestataire de service qui fournit le matériel et le pharmacien de ville qui approvisionne les médicaments. Nous sommes toujours très vigilantes à l’induction de la corticothérapie car il existe un risque de délire agressif aux corticoïdes qui, lorsqu’il n’est pas d’emblée connu, peut survenir durant ou après l’injection et justifier une hospitalisation. Lorsque les patients réagissent bien au traitement, nous leur indiquons préventivement qu’ils pourront ressentir des effets secondaires du traitement (rougeurs du visage, bouffées de chaleur, goût métallique dans la bouche, maux d’estomac en cas d’antécédent d’ulcère) dans les suites immédiates ou au décours des injections qu’ils réaliseront à domicile. On instaure de façon systématique pour tous les patients, durant les trois ou quatre jours de traitement, un régime sans sel pour éviter une rétention d’eau, et sans sucre pour limiter le déséquilibre de la glycémie. Celle-ci se régularise dans les deux jours qui suivent la fin du traitement.
Traitement de fond sur une journée
Après accord du médecin, la mise en route des traitements de fond par voie IV se fait également sur une journée afin de surveiller leurs effets secondaires dont les principaux sont le risque allergique et le choc anaphylactique. Ils reçoivent alors une prémédication et la vitesse d’administration du traitement est augmentée progressivement pour permettre à l’organisme de s’habituer. Une surveillance toutes les demi-heures (tension, pulsations, température, saturation, absence de démangeaisons (derme et gorge), irruptions cutanées, etc.) permet de réagir au plus vite lorsque des signes d’allergie apparaissent. Dans ce cas, la perfusion est suspendue le temps de renouveler les antihistaminiques et le traitement est ensuite repris tout doucement. En général, il peut être réalisé en totalité. Certains patients ne nécessitent pas de prémédication et bénéficient simplement d’une surveillance de deux heures et d’un suivi tensionnel. Nous supervisons également en HDJ la mise en route du Gilenya. Ce traitement de fond par voie orale est administré à l’hôpital en raison de ses effets secondaires sur la tension (risque d’hypotension) et sur le cœur (risque de bradycardie due à des troubles de la conduction). Nous réalisons un ECG de référence avant la prise du médicament et instaurons une surveillance rapprochée de la tension et des pulsations toutes les heures. De plus, le patient est branché à un scope durant toute la surveillance. Un nouvel ECG est réalisé à la fin de la surveillance des six heures afin de s’assurer que le traitement n’entraîne pas de bradycardie. Tant que l’ECG n’est pas satisfaisant, nous gardons le patient sous surveillance (en moyenne deux heures). Globalement, le temps de traitement varie entre trois, six et huit heures en fonction des molécules.
1- Par exemple, la cortisone utilisée pour traiter les poussées peut déséquilibrer un diabète.
Installé à Créteil (94), le programme d’ETP du réseau sclérose en plaques et maladies inflammatoires du système nerveux, le Sindefi-SEP, s’est développé dans une logique de partenariat afin d’offrir, dans les territoires dépourvus, un programme d’ETP répondant au cahier des charges du plan des maladies neurodégénératives mis en place en 2014. « Les partenariats sont la clé de voûte des réseaux de santé et nous avons développé ce concept pour structurer et coordonner les parcours de santé des patients atteints de SEP avec l’ensemble des acteurs médico-sociaux impliqués dans la prise en charge de cette maladie, explique Fabienne Pelé, directrice du réseau. Grâce à notre équipe mobile, nous pouvons intervenir dans des centres de rééducation et des centres médicosociaux, à l’instar du Samsah (le Service d’accompagnement médico-social aux adultes handicapés) de Brie- Comte-Robert, en Seine-et-Marne. Ce partenariat avec le Samsah nous permet d’organiser des ateliers d’ETP au profit des patients de cette structure, mais aussi des patients externes non suivis sur place et qui, sans ce dispositif, n’auraient pas accès à l’ETP. »
Innovant dans son concept, le réseau présente aussi la particularité d’intégrer dix « patients ressources » dans son équipe, composée de professionnels de santé salariés et de professionnels partenaires.
« Au-delà de leur savoir expérientiel, poursuit Fabienne Pelé, ces patients “experts”, dûment formés à l’ETP et aux techniques d’intervention, participent à toutes les étapes du programme (élaboration, évaluation, animation). Leur vécu, leur posture positive et leur capacité à se distancier de leur propre cas sont très enrichissants pour les soignants et très bénéfiques aux patients, car ils apportent, sur tous les thèmes abordés en atelier, une crédibilité et une légitimité au message éducatif. »