RENCONTRE AVEC
CARRIÈRE
PARCOURS
“Les infirmières se battent contre la petite voix qui leur souffle qu’elles ne sont pas plus compétentes que les autres”
Les infirmières ne sont jamais assez valorisées », martèle d’entrée de jeu Christelle Galvez, directrice des soins au centre Léon-Bérard (CLB), spécialisé en cancérologie. Et de citer, pêle-mêle, le poids de l’histoire du métier, exercé jadis par des bonnes sœurs dévouées, le formalisme national qui bloque les mouvements de reconnaissance locaux, et la culture féminine qui inhibe encore les velléités de négociations salariales. « Depuis que je suis directrice des soins, je crois que je n’ai jamais reçu d’infirmière venue seule demander une amélioration de ses conditions de travail. Elles portent plutôt des revendications en équipe, précise-t-elle . J’ai compris qu’elles devaient se battre contre la petite voix intérieure qui leur souffle qu’elles ne sont pas plus compétentes que les autres. Or, dans un collectif, il y a des individus différents… »
→ Référentiel de compétences. Elle qui a exercé comme infirmière en chirurgie, en médecine, au pool puis en salle de réveil, a bien conscience des compétences développées par les IDE. Comme directrice des soins, son champ d’action financier reste assez limité. « Notre établissement compte plus de 400 infirmières. Si je valorise leur expertise d’une centaine d’euros chacune, les répercussions sont énormes pour le budget global », glisse-t-elle. Elle confie donc des lettres de mission à ses soignants, qui sont assorties d’une valorisation financière et qui s’inscrivent dans un plan de formalisation des parcours.
« Lorsque les IDE arrivent au CLB, nous leur donnons un référentiel de compétences spécifiques à la cancérologie à atteindre dans les trois ans », explique Christelle Galvez. Un premier entretien d’évaluation professionnelle a lieu à un an. « Certaines arrivent déjà avec une partie des compétences, ou avec d’autres compétences utiles, en gérontologie par exemple. Elles se voient donc confier des lettres de mission pour s’appuyer sur leur bagage professionnel. » Au fur et à mesure de leur montée en compétences, la valorisation financière s’étoffe. « À cinq ans, nous leur proposons de rédiger leurs parcours, afin de valoriser les acquis professionnels propres aux centres de lutte contre le cancer. Ce document est validé par une commission », poursuit-elle.
À partir de là, les infirmières peuvent, si elles le souhaitent, s’engager dans un des cinq circuits proposés par le CLB. « La filière expertise recouvre les champs de l’hygiène, de la douleur, des plaies complexes et des soins palliatifs. Dans le circuit diplômant, elles peuvent s’orienter vers des parcours d’Ibode, d’Iade ou de puéricultrice. En coordination de parcours, elles peuvent travailler sur les retours d’urgences, sur l’hospitalisation à domicile (HAD), les services d’aide à domicile (SAD) ou sur des parcours par pathologies. Certaines vont évoluer ensuite vers des formations d’IPA. Enfin, d’autres choisiront de s’essayer au management. »
→ Apprendre à se valoriser. Avec la mise en place de ce système de valorisation des compétences de chacune, au rythme qui lui convient, Christelle Galvez espère dégonfler les craintes de certaines. « Elles ne se rendent pas compte de leurs talents », déplore-t-elle. En entretien, elle a pris l’habitude de poser trois questions : quel supplément d’âme apportez-vous au métier ? Qu’est-ce qui vous fait vous lever le matin ? Comment prenez-vous soin de vous ? « Les infirmières doivent apprendre à se préserver et à se valoriser », insiste-t-elle.
C’est dans cette même perspective qu’elle encourage les soignants à participer à des congrès pour présenter leurs réalisations. Ces rassemblements sont aussi l’occasion de candidater à des prix. « Nous en recevons un par an en moyenne. Ces manifestations ont un vrai intérêt pour mettre en lumière les savoir-faire infirmiers », conclut-elle.
2002 : obtient son diplôme d’État infirmier, qui débouche sur un premier poste à la clinique Turin à Paris, où elle exerçait déjà comme aide-soignante.
2009 : Master de management d’un établissement de santé, pour prendre le poste de directrice des soins de la clinique Turin.
2010 : après un stage de six mois à l’armée de l’Air et la naissance de son troisième enfant, fonde son entreprise pour promouvoir le facteur humain dans les soins.
Depuis 2013 : directrice des soins au centre Léon-Bérard, spécialisé en cancérologie.