L'infirmière Magazine n° 409 du 01/11/2019

 

COUR DES COMPTES

ACTUALITÉS

FOCUS

ADRIEN RENAUD  

Dans son rapport annuel sur la Sécurité sociale rendu en octobre, la Cour des comptes a recommandé de nouvelles restrictions financières. La branche santé n’est pas épargnée.

Qu’il semble loin ce mois de septembre 2018 où la ministre de la Santé, Agnès Buzyn, et son homologue du budget, Gérald Darmanin, annonçaient le retour à l’équilibre des comptes de la Sécurité sociale ! Depuis, les Gilets jaunes sont passés par là, et avec eux un cortège de coûteuses mesures d’urgence. Résultat : finalement, le célèbre « trou de la Sécu » est encore là cette année. Voilà qui n’a pas échappé à la Cour des comptes.

« Un infléchissement du rythme de progression des dépenses est impératif pour assurer le retour à un équilibre durable », estimaient les magistrats dans leur rapport annuel sur la Sécurité sociale, publié début octobre. Traduit en langage courant, l’infléchissement en question signifie des mesures drastiques qui portent sur l’ensemble des branches de la Sécurité sociale. Et force est de constater que la Cour des comptes accorde une attention toute particulière à la branche maladie.

Les arrêts de travail visés

Dans son viseur, on trouve notamment les arrêts de travail, qui doivent selon le rapport faire l’objet d’une « nécessaire maîtrise ». Ceux-ci représentent 5,3 % des dépenses de santé, rappelle la Cour des comptes, et ils ont progressé de 3,2 % par an entre 2013 et 2017. Or, parmi les dépenses liées aux arrêts de travail, il y a d’après les magistrats « un montant important de dépenses injustifiées ».

Responsabiliser davantage

D’où la nécessité, toujours selon le rapport, d’une « responsabilisation accrue de l’ensemble des acteurs, médecins prescripteurs, patients et employeurs ». Cette responsabilisation passe par l’instauration d’un jour de carence dit « d’ordre public », c’est-à-dire non compensé par les employeurs, comme le font souvent ceux du secteur privé.

Et ce n’est pas tout : la Cour entend aussi inciter les médecins à mieux respecter les « fiches repère », qui donnent des indications sur la durée d’arrêt maladie à prescrire en fonction des différentes situations cliniques. Ces fiches repère doivent être améliorées. Et si un praticien ne parvient pas à justifier pourquoi il déroge à leurs préconisations, des sanctions pouvant aller jusqu’à son déconventionnement provisoire doivent pouvoir s’appliquer.

Mais les dépenses liées aux indemnités journalières ne sont pas les seules cibles de la Cour des comptes. Cette dernière émet aussi des recommandations à propos du transport sanitaire, des consultations externes à l’hôpital, des greffes ou encore de l’assistance médicale à la procréation. En ce qui concerne cette dernière, il s’agirait notamment de mieux « justifier le nombre de tentatives prises en charge par l’Assurance maladie ».

Reste à savoir si ces mesures d’économies sont politiquement acceptables dans un secteur de la santé déjà sous forte pression. Car dans l’esprit des magistrats de la Cour, les restrictions préconisées doivent s’ajouter à celles déjà prévues par le gouvernement, qui a annoncé que les dépenses de santé ne progresseraient l’an prochain que de 2,3 %, contre 2,5 % cette année.

Étant donné que sans mesure particulière, les dépenses progresseraient d’environ 4 %, le secteur a déjà 4,2 milliards d’euros d’économies à ingurgiter pour 2020. Mais peut-être les sages de la rue Cambon estiment-ils que l’appétit (d’économies) vient en mangeant.