À la recherche du chaînon manquant - L'Infirmière Magazine n° 410 du 01/12/2019 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 410 du 01/12/2019

 

LIBÉRAL

DOSSIER

C. C.-C.  

Les IPA s’installent aussi dans le monde libéral, avec la mission de prendre en charge les malades chroniques complexes. Mais elles doivent d’abord rassurer médecins et Idel.

Les Idel sont aussi en pointe sur la pratique avancée. Les premières diplômées sont spécialisées dans les maladies chroniques stabilisées, et chargées de suivre des patients aux parcours complexes. Travaillant sous la coordination d’un généraliste, à partir de sa patientèle, elles exercent surtout en maison de santé ou centre de santé. Adeline Cancel est un précurseur. Depuis 2017, l’ARS lui a permis de développer, de manière expérimentale, des consultations de pratique avancée dans la maison de santé où elle travaille, dans l’Hérault. Elle a obtenu cet été son diplôme d’IPA à l’université d’Aix-Marseille. « Je me sens armée pour exercer ma nouvelle fonction, en toute autonomie, encadrée par le décret et par le protocole d’organisation signé avec le médecin », se félicitet-elle. C’est un vrai engagement pour cette IDE. Car elle réalise ses consultations, trois à quatre par semaine, sans être rémunérée. Et elle a dû jongler entre son activité libérale et sa formation d’IPA : « L’ARS m’a accordé une aide de 10 600 € pour suivre ce master. Mais l’année universitaire coûte 5 000 €. J’ai dû continuer à exercer comme libérale, du vendredi au dimanche. En semaine, j’étais à la fac ou à l’hôpital. »

Rémunération « aberrante »

Sa formation a été un réel enrichissement. « J’ai approfondi mes compétences en cardiologie, pneumologie, neurologie et diabétologie. Notamment durant mon stage à l’hôpital, où j’ai pris en charge des patients chroniques décompensés, fait des consultations externes encadrée par un médecin, puis toute seule. » Adeline Cancel suit toujours quelques patients par semaine, sans être rémunérée. Elle est très déçue par l’avenant 7 de la convention nationale sur la valorisation des IPA en ville, signé le 4 novembre. « Ce n’est pas ainsi que ces nouvelles pratiques seront valorisées. Ce qu’on nous propose, un forfait de 157 € par patient pour quatre consultations dans l’an née, n’est pas viable. Si je n’exerçais qu’en tant qu’IPA, je gagnerais moins qu’en libéral, c’est aberrant. » À ses yeux, l’avenant 7 ne prend pas en compte les missions transverses de l’IPA : la recherche, l’éducation à la santé, la démarche qualité, la formation. Par exemple, elle travaille actuellement sur l’implantation des IPA : « Il faut communiquer, rassurer les médecins et les Idel, prouver notre plus-value… Le plus dur reste à faire. »

Coimplémentarité avec le médecin

En Guadeloupe, la situation de l’IPA Pierrette Meury-Abraham est moins incertaine, car elle est aussi Asalée. L’association qui la salarie établit une grille de rémunération IPA. Mais elle ne peut toujours pas prescrire, faute de numéro de prescripteur. Elle développe tout de même son activité d’IPA, la première en Guadeloupe. Elle vient de signer un protocole avec un nouveau médecin. La prise de contact a pris du temps. « Durant six jours, j’ai assisté à ses consultations, pour lui être complémentaire. Elle m’a aussi permis de faire des auscultations, de donner mon avis sur des plaies. Elle a réalisé que je pouvais faire des choses intéressantes. »

Pierrette Meury-Abraham a obtenu son diplôme d’État à Paris-Diderot, et réalisé son stage dans un centre de santé de Saint-Denis (93), en binôme avec Chantal Prat. Pour cette médecin généraliste, l’implantation des IPA tient à « un binôme médecin-IDE fort ». Au départ, elle admet avoir été un peu perturbée : « Quand Pierrette voyait un patient, une partie de mon travail était fait. Mais l’IPA n’intervient que sur une petite partie de notre patientèle, les malades chroniques complexes, avec lesquels nous avons des difficultés. L’IPA leur offre le temps de se poser, de parler. » À la fin du stage, l’IPA a étudié tous les dossiers de patients de Chantal Prat, pour identifier ceux qui pourraient bénéficier d’une consultation IDE : « Hormis deux cas, nous étions d’accord », constate la médecin généraliste, convaincue.