L’AVC est un facteur de risque majeur de dépendance. Les patients doivent pouvoir bénéficier d’une rééducation adaptée immédiate afin de pouvoir récupérer un maximum d’autonomie.
Nous avons vu que des traitements existent en phase aiguë, en particulier pour l’infarctus cérébral. Mais s’ils permettent de limiter les séquelles, ils concernent un nombre limité de patients : 14,3 % pour la thrombolyse et 4,8 % pour la thrombectomie. Même si l’on peut espérer une plus grande accessibilité, pour la majorité des victimes des AVC, la rééducation est le seul chemin vers la récupération d’un maximum d’autonomie.
L’évaluation clinique est primordiale car c’est elle qui permet d’estimer les besoins de récupération, le pronostic de récupération, et de proposer une prise en charge à adapter au fil du temps.
Selon l’état des patients, leur âge et leur type d’AVC, plusieurs orientations seront envisagées à plus ou moins long terme : retour à domicile, hospitalisation de jour ou à temps complet en service de soins de suite et de réadaptation (SSR) voire en SSR spécialisé « affections du système nerveux » (ASN). Ces structures sont indiquées chez les patients ayant besoin de rééducation intensive (au moins trois heures par jour), un pronostic de récupération favorable, ainsi qu’une grande motivation.
→ Les outils cliniques
• La grille NIHSS évalue le déficit neurologique NIHSS dans la phase aiguë de l’AVC. Elle a une valeur prédictive de l’évolution du patient, car un score élevé est associé à moins d’autonomie du patient à la sortie.
• De nombreuses échelles mesurant le retentissement de la maladie dans la vie des patients (alimentation, continence, mobilité…) existent : l’index de Barthel en dix items, la Mif (mesure de l’indépendance fonctionnelle) en dix-huit items. Plus les scores sont bas, plus les patients sont dépendants. En pratique, les soignants utilisent plus souvent des indicateurs hospitaliers :
– En SSR, la grille du programme de médicalisation du système d’information (PMSI) recueille chaque semaine l’état de dépendance physique des patients et évalue la performance du service. C’est un indicateur qui contribue à la tarification à l’activité.
– En gérontologie, la grille Aggir (autonomie gérontologie-groupe iso-ressources) détermine les degrés de perte d’autonomie classés en six groupes isoressources (GIR1 à GIR6) et le besoin d’aide des patients. Elle contribue à déterminer l’enveloppe de financement allouée aux Ehpad et aux USLD (unités de soins de longue durée) et à fixer le niveau d’allocation personnalisée d’autonomie (APA).
• Des échelles d’évaluation spécifiques à certaines fonctions sont préférées dans les services de rééducation et sont très nombreuses : score de Tinetti (évaluation du risque de chute), échelle de Berg (évaluation de l’équilibre), l’EPD (indice d’équilibre postural debout), la BDAE (échelle de l’évaluation de l’aphasie)… Chaque discipline (kiné, orthophoniste) a donc son échelle qui permet d’évaluer et d’orienter le travail de rééducation.
→ Quatre catégories d’AVC. La Société française de médecine physique et de réadaptation (Sofmer) a défini quatre catégories d’AVC selon leur gravité :
• AVC léger (catégorie 1) : une seule déficience, autonomie de marche, sans besoin d’évaluation écologique (déficit moteur brachio-facial, aphasie motrice pure…). Score NIHSS < 5. La place de la rééducation/ réadaptation est moins essentielle pour ce type d’AVC compte tenu de l’importance du processus de récupération spontanée.
• AVC modéré (catégorie 2) : plusieurs déficiences ou déficit moteur du membre inférieur interdisant la marche, avec un potentiel de récupération, un projet d’autonomie probable, AVC unilatéral (hémiplégie complète et/ou aphasie, et/ou négligence, et/ou troubles de déglutition transitoires…). Score NIHSS entre 5 et 14. Ces AVC ont le plus à bénéficier de la rééducation/ réadaptation.
• AVC sévère (catégorie 3) : plusieurs déficiences dont au moins des troubles des fonctions cognitives (mémoire, fonctions exécutives, langage) et/ou troubles du comportement, potentiel de récupération limité, projet d’autonomie partielle ou impossible (AVC bilatéraux, multiples, totaux). Score NIHSS > 15. Le potentiel de récupération d’indépendance fonctionnelle est faible.
• AVC gravissime (catégorie 4) : déficience respiratoire, locked-in syndrome, état de conscience minimale. Score NIHSS > 20. Aucun projet d’autonomie envisageable.
Dès le début de la prise en charge, une fois le patient stabilisé, il est primordial de débuter les soins associant kinésithérapie, ergothérapie, orthophonie, psychologie. Après un AVC, on observe un degré de récupération spontané, en particulier dans les trois mois suivants. Il est souhaitable d’associer les aidants à la rééducation et d’entretenir la motivation du patient. Grâce à sa proximité avec le patient, l’infirmière a un rôle privilégié pour l’inciter à mobiliser volonté et énergie afin de récupérer au maximum les fonctions altérées.
→ La rééducation motrice doit s’inscrire dans un processus au long cours. Elle commence au lit du patient avec son installation et la prévention des complications liées à l’immobilisation. L’installation au lit et au fauteuil doit prévoir l’utilisation de coussins ou de mousses de positionnement. Pour se déplacer, privilégier un fauteuil ergonomique (avec cale-tronc, accoudoirs, repose-pieds) et maintenir le bras atteint avec une écharpe ou un coussin. La rééducation précoce, avec des séances quotidiennes ou plusieurs fois par semaine selon les cas, est nécessaire pour :
– stimuler la plasticité cérébrale ;
– stimuler la neuro-motricité ;
– lutter contre les positions vicieuses, la spasticité, l’équinisme ;
– prévenir la subluxation de l’épaule déficitaire ou l’apparition d’un œdème du membre supérieur ;
– éviter l’apparition de problèmes cutanés (escarres), les complications thrombo-emboliques, l’encombrement bronchique ;
– aider le patient à percevoir un corps unifié d’une manière générale.
→ Prise en charge de la dysphagie : les troubles de déglutition, très fréquents dans la phase aiguë de l’AVC, sont dus à la paralysie unilatérale des muscles de la déglutition, retrouvée dans l’hémiplégie, et peuvent entraîner des fausses routes responsables de dénutrition/déshydratation ou de pneumopathies d’inhalation, L’orthophoniste (parfois une infirmière formée notamment en unité neurovasculaire) peut effectuer sur prescription médicale un test protocolisé et validé, le patient étant assis, la tête légèrement fléchie en avant. Si le patient est à risque, il faudra dans un premier temps proscrire l’alimentation orale et poser une sonde gastrique le temps qu’il récupère ses capacités. Des séances de rééducation seront prescrites.
→ Gérer l’incontinence : la gravité de l’hémiplégie est un élément prognostique de la survenue de troubles vésico-sphinctériens, en particulier urinaires. Dans la phase aiguë, il sera éventuellement nécessaire de poser une sonde urinaire ou un pénilex, et un collecteur pour éviter que l’humidité soit facteur d’irritation cutanée et d’escarre. La rééducation vise à éviter autant que possible le port de protections urinaires, en conduisant régulièrement le patient aux toilettes, en incitant à la reprise de la marche. Passé la phase de récupération, optimale (trois à quatre mois), on pourra envisager une consultation spécialisée et des traitements spécifiques (injection de toxines botuliques, rééducation périnéale…).
→ Rééduquer les troubles du langage : l’aphasie et la dysarthrie sont source d’anxiété, de frustration et de dépression pour le patient. Des exercices très réguliers avec un orthophoniste, l’ensemble de l’équipe soignante et médicale et le soutien de la famille peuvent permettre une récupération. On recommandera à l’entourage de rester patient malgré la lenteur de formulation, d’utiliser des phrases courtes sans hausser la voix, d’exagérer la gestuelle naturelle.
→ Autres troubles :
• La désorientation peut handicaper certains patients qui pourront être aidés par un agenda, un téléphone, une horloge numérique, des photos, des consignes ou rappels écrits.
• Les troubles de la mémoire peuvent être soulagés en utilisant des mémos, en incitant à placer ses affaires toujours à la même place, en utilisant des consignes courtes et simples.
• Les troubles visuo-spaciaux constituent une gêne importante au quotidien. L’héminégligence est un trouble de l’attention : le patient ignore les événements qui surviennent d’un côté (en général, le côté gauche), avec le regard et la tête tournés de l’autre côté. Elle peut être associée à l’hémianopsie (perte de la moitié du champ visuel de chaque œil). Il est possible de stimuler le côté négligé (gauche) mais il est inutile de confronter le patient à cette difficulté dont il n’est pas conscient généralement (anosognosie). On incitera le patient à tourner la tête pour voir l’ensemble de son plateau repas, à laver son bras atteint, on le guidera pour se raser complètement et on placera les objets importants (sonnette, téléphone…) du côté sain ainsi que les objets stimulants (radio, télévision…).
• Les apraxies (troubles dans l’exécution des mouvements intentionnels) pourront être atténuées à force de répétition de gestes.
• La dépression, souvent consécutive à l’état de dépendance, est très fréquente. Mieux vaut inciter à une prise en charge pour éviter que le patient se fige dans un état de découragement et de tristesse.
• Les troubles des fonctions exécutives (anticipation, initiative, anticipation, planification, stratégie). Il faudra adopter une attitude tolérante face à des conduites inadaptées, infantiliser, stimuler en cas d’apathie et cadrer en cas de comportement inadapté (agressivité, désinhibition).
Il s’agit là de contrôler les facteurs de risque dits « modifiables » et de traiter les maladies pouvant causer une récidive d’AVC.
→ Contrôle de la pression artérielle : les objectifs sont une pression artérielle < 140/90 mmHg à moduler en fonction de plusieurs critères (âge, sténose, comorbidités). Le patient aura si besoin un traitement adéquat et une sensibilisation à l’observance.
→ Contrôle du taux de lipides : on recommande un régime alimentaire pauvre en graisses, riche en fruits, avec diminution des portions en cas de surpoids. On incitera au maintien d’un indice de masse corporelle de 18 à 25 kg/m2 et un tour de taille inférieur à 88 cm chez les femmes, à 102 cm chez les hommes. Un traitement par statines (attention à la survenue de crampes) sera envisagé en fonction du taux de LDLcholestérol et des comorbidités.
→ Contrôle du diabète avec régime alimentaire, surveillance de la glycémie et l’hémoglobine glyquée et traitement antidiabétique oral ou insuline.
→ Sevrage tabagique. Dès le diagnostic d’AVC, on proposera des patchs nicotiniques pour commencer un sevrage tabagique.
→ Réduction ou arrêt de la consommation d’alcool. Pour les femmes, pas plus de dix consommations par semaine et pas plus de deux consommations par jour. Pour les hommes, pas plus de quinze consommations par semaine et pas plus de trois consommations par jour.
→ Lutte contre la sédentarité. Une activité physique, dans la mesure des possibilités des patients, est fortement recommandée.
→ Œstrogènes contre-indiqués chez les femmes, qu’il s’agisse de contraception orale ou de traitement substitutif de la ménopause.
→ Traitement anticoagulant en cas de fibrillation atriale ou en prévention d’une récidive d’AVC ischémique : antivitamines K (attention à la surveillance stricte) ou nouveaux anticoagulants oraux.
→ Traitements anti-agrégants plaquettaires (Plavix, Ticlid, Efient) dans les AVC ischémiques selon le contexte clinique.
→ Douleur : si besoin, préférer la prise de paracétamol.
Références d’unités d’enseignement et extraits :
> UE 1.2.S2 : « Santé publique et économie de la santé » : les filières de soins, épidémiologie (compétence 5) ;
> UE 2.3.S2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » : notions de réhabilitation, réinsertion, rééducation (compétence 1) ;
> UE 2.7.S4 : « Défaillances organiques et processus dégénératifs » : mécanismes d’apparition, étude des signes et des paramètres cliniques, impacts… (compétence 4) ;
> UE 2.8.S3 : « Processus obstructifs » : anatomie et physiologie de l’appareil cardiovasculaire, du cerveau, du système nerveux ; AVC (compétence 4) ;
> UE 3.2.S3 : « Projet de soins infirmiers » : élaborer les conditions de mise en œuvre et de suivi du projet de soins dans le cadre de la pluriprofessionalité (compétence 2) ;
> UE 4.3.S4 : « Soins d’urgence » : rôle de l’infirmier dans les services d’urgence (compétence 4) ;
> UE 5.1.S1 : « Accompagnement de la personne dans la réalisation de ses soins quotidiens » : évaluer, anticiper et prévenir les risques liés à la diminution ou la perte de l’autonomie, adapter et sécuriser l’environnement de la personne (compétence 3) ;
> UE 5.2.S2 : « Évaluation d’une situation clinique » (compétence 1).
Un diplôme interuniversitaire paramédical de pathologie neurovasculaire, destiné notamment aux infirmières, est proposé par plusieurs universités dans le cadre de la formation continue.
→ Objectifs : apporter une formation théorique sur la pathologie neurovascualire, améliorer les compétences des professionnels dans la prise en charge des patients atteints d’AVC, contribuer à améliorer les soins.
→ Il comporte quatre modules de vingt heures répartis sur une année et deux semaines de stage pratique, dont l’une en unité neurovasculaire et l’autre dans un service de la filière d’aval (rééducation neurologique).
Universités : Paris-VII (Descartes), Paris-V, Poitiers, Lille-II, Dijon, Nancy, Clermont-Ferrand, Brest, Toulouse-III.
Service commun de formation continue : bit.ly/33wUdYc