Des plaies chroniques au développement incertain - L'Infirmière Magazine n° 412 du 01/02/2020 | Espace Infirmier
 

L'infirmière Magazine n° 412 du 01/02/2020

 

FORMATION

L’ESSENTIEL

Thierry Pennable  

Directement liées au cancer et à son évolution, les plaies tumorales sont des plaies imprévisibles et inquiétantes, qui doivent être diagnotiquées le plus tôt possible. Leurs symptomes, notamment la douleur, feront l’objet de soins infirmiers adaptés.

1. DÉFINITION

Les plaies tumorales, aussi appelées plaies cancéreuses ou oncologiques, sont des plaies chroniques consécutives à un développement cancérologique au niveau de la peau. Composées entièrement ou en partie de cellules cancéreuses, ces plaies n’entrent pas dans un processus spontané de cicatrisation tel qu’il est observé dans les autres plaies chroniques. Leur évolution dépend de celle du cancer et donc de la réponse du patient au traitement de la maladie.

2. ÉTIOLOGIE

Ulcération d’un cancer cutané

Ces ulcérations peuvent entraîner de gros dégâts anatomiques lorsqu’elles ne sont pas prises en charge précocement, et provoquer des atteintes des nerfs et vaisseaux à l’origine de douleurs et d’hémorragies.

→ Les carcinomes cutanés : ils représentent 90 % des cancers cutanés diagnostiqués en France(1).

Deux formes diffèrent par leur développement et leur pronostic : les carcinomes « basocellulaires » et les carcinomes « spinocellulaires ».

• Les carcinomes « basocellulaires » : ils sont appelés de la sorte car ils se développent à partir de la couche la plus profonde de l’épiderme, la couche basale. Cette forme de carcinome est :

– la plus fréquente, elle représente 70 % des cancers cutanés(1) ;

– la moins grave, car ces carcinomes ne métastasent pas et leur guérison est obtenue par leur ablation complète.

Les carcinomes « basocellulaires » se situent généralement sur le visage, au niveau du cou ou encore sur le haut du tronc.

Ils se présentent le plus souvent sous forme :

– nodulaire, avec une tuméfaction ferme, bien limitée, lisse ;

– superficielle, lorsque la lésion s’étend très progressivement en surface de la peau. Le carcinome « basocellulaire » est dit « infiltrant » lorsque la lésion pénètre dans la peau.

• Les carcinomes « spinocellulaires », (du latin spina, épine), aussi appelés « épidermoïdes », se développent aux dépens de couches plus superficielles de l’épiderme, comme la couche épineuse. Ces derniers :

– sont plus rares : ils représentent 20 % des cancers cutanés(1) ;

– ont une capacité accrue à envahir les ganglions lymphatiques et à former des métastases qui peuvent atteindre toutes les parties du corps, mais également les muqueuses buccales ou génitales. Leur détection précoce est essentielle.

• Le traitement de première intention des carcinomes repose sur l’exérèse chirurgicale de la tumeur et d’une zone de peau saine comprise entre trois et dix millimètres autour de la lésion.

En cas d’impossibilité ou de contre-indication à la chirurgie, d’autres modalités de traitement sont envisagées. Par exemple, les formes superficielles de carcinome « basocellulaire » peuvent aussi être traitées par l’application d’une pommade « photosensibilisante » (Imiquimod), suivie d’une irradiation lumineuse permettant la destruction des cellules cancéreuses, en particulier en cas de lésions de grande taille ou situées sur une zone esthétique (visage, décolleté) ou en cas de carcinomes superficiels à répétition.

→ Les mélanomes : ils se développent à partir des mélanocytes situés dans la couche basale de l’épiderme. Ils s’étendent ensuite aux couches plus profondes de la peau.

Les mélanomes in situ, limités à l’épiderme, sont distingués des mélanomes invasifs qui atteignent le derme (couche moyenne de la peau). Les mélanomes :

– représentent 10 % des cancers cutanés. En France métropolitaine, les 15 404 nouveaux cas estimés en 2017 concernaient 8 061 hommes et 7 343 femmes(1), diagnostiqués en moyenne à 50 ans avec une tendance à la baisse. L’augmentation du nombre de mélanomes est liée à l’exposition au soleil ;

– ont tendance à envahir les tissus au-delà de la peau (les muscles, les ganglions), et à se greffer dans les organes distants comme les poumons, le foie ou le cerveau. Le mélanome est un cancer très agressif qui fait l’objet d’un programme de dépistage.

• Traitement : les mélanomes localisés sont traités par une exérèse chirurgicale large comprise entre un et deux centimètres autour de la lésion.

Les mélanomes non opérables ou étendus à distance de la peau, aux ganglions ou aux autres organes, peuvent nécessiter des traitements complémentaires tels qu’un curage ganglionnaire, une immunothérapie, une radiothérapie, une chimiothérapie ou une exérèse de métastases.

Ulcération d’un cancer profond

Une plaie tumorale peut être la manifestation d’un cancer profond qui vient ulcérer la peau. C’est notamment le cas pour le cancer du sein qui n’est pas très profond.

Une tumeur qui se forme d’abord au niveau des canaux ou des lobules du sein (carcinome in situ) peut devenir « infiltrante » ou « invasive » et ulcérer la peau.

Cela peut également être le cas pour des atteintes du péritoine, qui finissent par transpercer la paroi abdominale, ou des sarcomes des membres qui peuvent ulcérer la peau.

Métastases cutanées

→ Métastases de cancers internes. Les cancers profonds les plus agressifs peuvent produire des métastases cutanées qui surviennent le plus souvent à un stade avancé de la maladie.

Dans ce cas, de nouveaux foyers tumoraux, les métastases, se forment quand les cellules cancéreuses quittent la tumeur primitive, ou primaire, survivent dans la circulation sanguine, et s’agrègent à de nouveaux tissus.

Ces nouveaux foyers tumoraux témoignent de l’agressivité du cancer. La survenue de métastases fait passer le cancer au stade 4, dernier stade cancéreux, défini par la propagation du cancer vers un autre organe.

→ Un phénomène minoritaire. En pratique, entre 3 et 10 % des cancers internes sont à l’origine de métastases cutanées. Seul un groupe de cancers est régulièrement impliqué, même si, en principe, tous les cancers pourraient être concernés.

Sachant que la majorité de ces métastases sont issues de cancers cutanés, mélanomes ou carcinomes, les métastases cutanées d’origine interne sont donc minoritaires(2) et concerneraient environ 5 % d’entre eux. Les métastases cutanées sont alors le plus souvent localisées à proximité du cancer primitif.

Plaie chronique cancérisée

Le milieu inflammatoire présent sur une plaie chronique qui se prolonge sur une longue durée va finir par modifier l’état des cellules de la peau, et ces dernières vont devenir cancéreuses. C’est par exemple le cas lors de la dégénérescence des ulcères cutanés, dont la prise en charge s’étend sur des mois ou des années sans aboutir à une guérison.

L’ulcère “banal” se transforme alors en un cancer de la peau dont le retard de diagnostic peut avoir de graves conséquences. La cancérisation peut également concerner d’autres plaies, comme un hématome qui ne guérit pas, une escarre ou bien encore une brûlure. Certains signes peuvent alerter l’infirmière confrontée à une plaie qui ne cicatrise pas malgré les traitements.

Signes cliniques évocateurs

→ Un retard de cicatrisation. Les plaies qui ne cicatrisent pas malgré les traitements conduits durant de nombreuses années présentent un risque de cancérisation. L’orientation vers un dermatologue pour éliminer une cancérisation à l’origine du retard de guérison est indiquée face à une plaie :

– qui ne cicatrise pas malgré des soins adaptés bien conduits ;

– pour laquelle aucun facteur de retard de cicatrisation n’est identifié après élimination des principaux facteurs connus.

En 2006, la Haute Autorité de santé (HAS) préconisait de faire une biopsie cutanée d’un ulcère de jambe à la recherche d’un carcinome cutané en l’absence de cicatrisation après six mois à un an d’un traitement bien conduit et bien observé, ou en présence de signes suspects(4). Depuis, des études ont confirmé le risque de cancérisation des ulcères chroniques. Une étude a été menée en 2013 auprès de patients hospitalisés pour ulcère de jambe dans le service de médecine vasculaire du groupe hospitalier Saint-Joseph, à Paris. Des biopsies cutanées d’ulcères ont été effectuées chez les patients qui répondaient aux critères de la HAS, dont l’absence d’explication vasculaire au retard de cicatrisation et/ou aux signes cliniques inhabituels de la plaie.

Résultat : des carcinomes ont été retrouvés chez 3,5 % des patients, dont trois cas de carcinome « basocellulaire » et deux cas de carcinome « épidermoïde ».

→ Autres signes :

– un hyperbourgeonnement atypique, isolé, nodulaire ou multiple, concernant une zone au centre de la plaie ou des berges surélevées ;

– la présence d’un nodule, d’une enflure ou d’une induration, visible à l’œil ou à la palpation, qui révèle une prolifération cellulaire sous-jacente dont seule la biopsie pourra confirmer ou infirmer le caractère malin ou bénin ;

– un tissu de granulation friable et/ou hémorragique, caractéristique des plaies tumorales ;

– la présence de vermiottes : lorsque la pression sur la plaie fait apparaître des filaments de kératine blancs jaunâtres, qui ressemblent à des « petits vers blancs », cela relève alors d’un diagnostic dermatologique.

→ Le contexte. Certains éléments de contexte peuvent justifier une demande de biopsie :

– un bouton retiré par le dermatologue quelques années auparavant ;

– la présence d’une lésion pré-existante à l’ulcère sous forme d’un petit bouton ou d’une petite croûte ;

– une peau particulièrement exposée au soleil ;

– l’existence d’un cancer interne connu qui peut faire craindre le développement d’une métastase.

Cancer cutané ulcéré ou plaie cancérisée

Deux situations prêtent à confusion : quand un cancer cutané prend l’aspect d’un ulcère vasculaire ou quand une plaie chronique dégénère et se cancérise.

→ Cancer avec l’aspect d’un ulcère vasculaire. L’erreur de diagnostic en faveur d’un ulcère vasculaire est d’autant plus à craindre que ces cancers cutanés surviennent souvent chez des personnes âgées en présence de troubles circulatoires évoquant une étiologie vasculaire. Le plus fréquent est le carcinome « basocellulaire » dans 75 % des cas, un carcinome « spinocellulaire » n’étant retrouvé que dans 20 à 25 % des cas(5).

→ Cancérisation d’une plaie chronique.

• D’un ulcère de jambe chronique : dans près de 5 % des cas, un ulcère de jambe chronique n’est pas ou n’est plus vasculaire, une dégénérescence pouvant survenir après six à vingt-cinq ans de chronicité de la plaie(5). Cette dégénérescence aboutit essentiellement à un carcinome spinocellulaire, un cancer dont le pronostic dépend de la précocité du diagnostic et dont la mortalité reste élevée. Dans d’autres cas plus rares, il peut s’agir de sarcomes ou de carcinomes « basocellulaires ». Ce phénomène de cancérisation ne se limite pas aux ulcères de jambe.

• D’une autre plaie chronique : la cancérisation peut aussi concerner d’autres plaies chroniques comme « un hématome qui ne cicatrise pas ou une escarre dont les plaques de nécrose sont résistantes à l’hydrogel et à la détersion mécanique », avertissait le Dr Pascal Toussaint, dermatologue au centre de diagnostic et traitement des plaies chroniques de la Maison de santé protestante de Bordeaux-Bagatelle, lors des Journées armoricaines plaies et cicatrisation en 2014(6). Le médecin présentait aussi un bourgeon, apparu sur un lambeau de peau greffé pour le traitement d’une brûlure, pour lequel « seule une biopsie permettra de dire s’il s’agit d’une tumeur bénigne ou d’une tumeur maligne ».

3. DES ASPECTS VARIÉS

Isabelle Fromantin, infirmière PhD à l’unité recherche, plaies et cicatrisation de l’Institut Curie, à Paris, décrit trois grands types de plaies tumorales. « Cette distinction a pour but de simplifier la description des plaies mais n’a pas de valeur diagnostique, précise l’infirmière chercheuse. Ces plaies chroniques peuvent passer d’un aspect à un autre, évoluant au gré de la maladie cancéreuse et de la réponse aux traitements. Ainsi, une plaie initialement extériorisée peut devenir cavitaire et réciproquement. En revanche, une plaie initialement superficielle conserve généralement son aspect étendu. »

→ Les plaies tumorales superficielles ont tendance à s’étendre et ne s’extériorisent ou ne se creusent pas ou très peu ;

→ Les plaies tumorales extériorisées à la peau ont un aspect bourgeonnant, irrégulier, nécrotique et/ou fibrineux, dont la forme est familièrement comparée à celle d’un chou-fleur. Les nodules peuvent être agglutinés en une même masse informe ou séparés entre eux par des petits espaces qui nécessitent un nettoyage minutieux lors des soins(7).

→ Les plaies cavitaires ou fistulisées peuvent se creuser assez profondément, en délabrant progressivement les tissus et/ou les os, et en créant des plaies béantes ou des fistules(7).

4. PRINCIPAUX SYMPTÔMES DES PLAIES TUMORALES

Douleur

La douleur d’une plaie tumorale peut être à la fois :

– une douleur nociceptive, ou douleur inflammatoire, due à une stimulation persistante et excessive des récepteurs périphériques de la douleur (nocicepteurs). Ce type de douleur est fréquent dans un contexte de cancer. La douleur nociceptive répond aux antalgiques, mais la chronicité justifie une prise en charge plus globale (insomnie, dépression…) ;

– une douleur neuropathique due à une altération des nerfs périphériques par la tumeur. En plus d’une hyperalgésie au contact, les plaies tumorales sont sujettes à des douleurs particulièrement incommodantes à type de démangeaisons, décharges électriques et/ou brûlures(7). Ces douleurs, souvent identifiées et prises en charge tardivement, peuvent être à l’origine d’une altération du lit de la plaie ou de la peau péri-lésionnelle quand le patient ne peut s’empêcher de se gratter(7). Les douleurs neuropathiques étant peu ou pas sensibles aux antalgiques, les options thérapeutiques reposent sur l’analgésie multimodale, à laquelle sont par exemple associés des antidépresseurs ou des anti-épileptiques ;

– une douleur psychogène, sensation douloureuse due à l’anxiété générée dans un contexte de soins palliatifs, voire de fin de vie.

Odeur désagréablev

→ Un symptôme incommodant : les plaies tumorales sont souvent malodorantes, parfois de façon fluctuante, mais ce n’est pas systématique. Les odeurs désagréables, voire nauséabondes, le plus souvent liées à la flore bactérienne, sont parmi les symptômes les plus souvent cités et désignés comme incommodants, insupportables ou inquiétants(8).

Ces odeurs peuvent entraîner des nausées, voire des vomissements, et une perte d’appétit. Elles ont d’importantes répercussions sur la qualité de vie des patients (lire Prise en charge ci-après).

→ Une origine bactérienne : la mauvaise odeur des plaies est causée par les bactéries localisées dans les tissus nécrosés. Ce sont principalement les bactéries anaérobies qui causeraient les odeurs nauséabondes en émettant de la putrescine et de la cadavérine(9), substances d’odeur fétide se formant lors de la décomposition des corps organiques.

Ces odeurs peuvent aussi être produites par certaines bactéries aérobies telles que les Proteus et les Klebsiella(9).

Hémorragies

Des saignements sont possibles dans le lit de la plaie, spontanément ou provoqués par les soins. Ils sont liés à la vascularisation du tissu tumoral et à l’inflammation inhérente à ce type de plaies. Ces saignements peuvent être contrôlés par l’infirmière qui effectue les soins locaux (lire Prise en charge p. 41). En revanche, le risque d’hémorragie massive due à la rupture d’un gros vaisseau est rare. Cette rupture est alors provoquée par une tumeur et doit faire l’objet d’une anticipation et d’une prise en charge adaptée.

Exsudation

La quantité d’exsudat sécrété par les plaies tumorales, parfois importante, est variable d’une plaie à l’autre et durant l’évolution d’une même plaie.

Cette exsudation est prise en charge en tenant compte des autres symptômes de la plaie, notamment la douleur.

5. PRISE EN CHARGE

Une évolution imprévisible

« Face à une plaie tumorale, l’infirmière ne raisonne plus comme devant une autre plaie chronique », souligne Isabelle Fromantin. L’évolution de la plaie ne dépend pas des soins locaux mais de la réponse globale aux traitements spécifiques du cancer. « Ce n’est pas un contexte dans lequel les traitements sont définitivement efficaces ou ne le sont pas », remarque l’IDE, l’efficacité des traitements anti-cancéreux variant au cours de la prise en charge.

Ainsi, un traitement efficace peut améliorer la plaie pendant un temps puis ne plus l’être par la suite. À l’inverse, une nouvelle ligne de chimiothérapie peut apporter des améliorations que ne permettait pas le traitement précédent. À l’instar de la maladie elle-même, l’évolution de la plaie est imprévisible.

Des soins de support

Dans tous les cas, les soins de la plaie, qui ne visent pas directement la cicatrisation, ont un objectif de soins de support et d’accompagnement du patient. De plus, la plaie tumorale survient le plus souvent à un stade avancé de la maladie, dans un contexte global de soins palliatifs qui peut parfois s’étendre sur plusieurs années.

Pour toutes ces raisons, « l’infirmière aura intérêt à se mettre d’emblée en lien avec le service en charge du patient pour connaître le contexte du soin s’il ne lui a pas été transmis », recommande Isabelle Fromantin.

1- « Épidémiologie des cancers cutanés », Institut national du cancer. À consulter en ligne sur : bit.ly/33VDr4l

2- P. Quatresooz et al., « Comment j’explore… une métastase cutanée. Qui es-tu, d’où viens-tu ? », Revue médicale de Liège, 63 : 9, 2008, pp. 559-563.

À consulter en ligne sur : bit.ly/33NY96h

3- Tableau présenté par le Dr Pascal Toussaint, dermatologue, lors des Journées armoricaines plaies et cicatrisation (JAPC), 6e édition, en septembre 2014.

4- Haute Autorité de santé, « Prise en charge de l’ulcère de jambe à prédominance veineuse hors pansement. Recommandations pour la pratique clinique », 2006.

À consulter en ligne sur : bit.ly/2qnhayO

5- P. Combemale, « Ulcère de jambe cancérisé et cancer ulcéré : attention aux pièges », Journal des maladies vasculaires, vol. 32, n° S1, mars 2007.

6- Intervention du Dr Toussaint dans la vidéo « Plaies chroniques cancéreuses et cancer cutané ulcère » sur www.therashare.tv (inscription gratuite).

7- « Les plaies tumorales », document mis en ligne par la Société française et francophone de plaies et cicatrisation sur sffpc.org à la rubrique « Médiathèque ».

8- « Étude de la flore bactérienne dans les plaies tumorales du sein : incidence des biofilms bactériens sur l’évolution des plaies et le développement d’odeurs », Isabelle Fromantin, thèse de doctorat de l’université de Cergy-Pontoise, décembre 2012.

9- C. O’Brien, « Plaies cancéreuses. Prise en charge de l’odeur », Canadian Family Physician, 58 : 3, mars 2012.

ÉTYMOLOGIE

→ À l’origine du mot « cancer » : c’est le médecin grec Hippocrate (460 – 377 avant J.-C.) qui compara, pour la première fois, les plaies tumorales du cancer du sein à un crabe (karkinos en grec, cancer en latin), à cause de leur formation arrondie, entourée de prolongements en rayons semblables aux pattes d’un crabe.

REPÈRES

UNE ÉTAPE DANS LA MALADIE

La survenue d’une plaie tumorale témoigne généralement de l’aggravation de la maladie. Presque impossible à guérir, cette plaie peut causer de nombreux désagréments au patient.

L’histoire naturelle de la maladie peut varier d’un cancer à l’autre, mais dans le cas de l’ulcération cutanée d’un cancer profond à la peau ou d’une métastase cutanée, la plaie tumorale survient en général à un stade avancée de la maladie », observe le Dr Paul-Henri Cottu, oncologue et chef adjoint du département d’oncologie médicale de l’Institut Curie, à Paris. « Les plaies tumorales apparaissent dans plusieurs situations », ajoute Chrystel Pluviaux, infirmière en équipe mobile de soins palliatifs à l’hôpital Lyon-Sud :

– lorsque la pathologie échappe aux traitements ;

– dans le cas d’un cancer très agressif qui évolue très vite ;

– lorsque le patient consulte tardivement à un stade avancé de la maladie.

Pour l’oncologue

« La survenue d’une plaie tumorale marque une étape significative dans la prise en charge globale du cancer pour l’oncologue », souligne Paul-Henri Cottu. Et ce, à double titre, car la survenue d’une telle plaie est le plus souvent le signe de l’aggravation de la maladie et parce que la guérison est exceptionnelle. « Le médecin sait d’avance qu’une telle plaie est une complication visible, potentiellement très invalidante physiquement et/ou psychiquement, et qui peut préoccuper le patient pendant des mois ou des années », ajoute le spécialiste. Dans le cas où la plaie représente la seule localisation du cancer, elle est alors « le principal objectif de la prise en charge ». Elle est un objectif « annexe » lorsque d’autres métastases mettent plus gravement en jeu le pronostic vital du patient. Dans tous les cas, « la plaie est intégrée dans l’évaluation oncologique globale pour savoir quelle est sa signification du point de vue du pronostic de la maladie ».

Pour le patient

→ Des réactions diverses : « La survenue d’une plaie tumorale peut être perçue par certains patients comme un signe très péjoratif associé à l’idée que la maladie évolue et qu’il n’y a plus rien à faire, mais différentes stratégies d’adaptation peuvent être observées chez les patients », rapporte Chrystel Pluviaux. L’ampleur des dégâts corporels causés par la plaie peut parfois engendrer un changement d’attitude chez certains patients au départ opposés à des traitements anti-cancéreux agressifs comme la chimiothérapie ou la chirurgie. Pour d’autres, la plaie peut aussi s’inscrire dans une sorte de “normalité” de l’évolution d’un cancer, notamment lorsque les patients ont connu plusieurs protocoles thérapeutiques peu efficaces. « La plaie n’est pas forcément source d’inquiétude nouvelle pour le patient, qui ne réalise pas forcément le potentiel de gravité qui peut lui être associé et sa chronicité prévisible », observe Paul-Henri Cottu. C’est alors « plutôt une source d’inconfort » quand la douleur, l’odeur ou l’aspect de la plaie altèrent profondément la qualité de vie et la relation aux autres.

→ Des mécanismes de défense. Des patients ne regardent pas leur plaie mais peuvent néanmoins interroger l’infirmière quant à son évolution. D’autres patients peuvent regarder leur plaie « un peu comme si elle ne leur appartenait pas », constate Chrystel Pluviaux. Si ces patients, qui ne sont pourtant pas dans le déni de leur maladie, « prennent conscience d’un délabrement de leur corps, la barrière psychique qu’ils ont établie pour “supporter” le cancer peut flancher face à cette nouvelle agression ». D’autres patients qui ne sont pourtant pas dans ce « déni » de leur plaie ne supporteront pas d’en parler, au risque de sombrer psychologiquement.

ÉTUDIANTS EN IFSI

Les UE en lien avec le dossier

Références d’unités d’enseignement et extraits :

→ UE 2.3.S2 : « Santé, maladie, handicap, accidents de la vie » : les concepts en santé, bien-être, qualité de vie, maladie, douleur (compétence 1).

→ UE 2.9.S5 : « Processus tumoraux » : expliquer les mécanismes physiopathologiques des tumeurs ; décrire les signes, les risques, les complications et les thérapeutiques des pathologies étudiées ; développer une vision intégrée des soins à donner aux personnes atteintes de cancer (compétence 4).

→ UE 2.10.S1 : « Infectiologie, hygiène » (compétence 3).

→ UE 3.1.S1 : « Raisonnement et démarche clinique infirmière » : développer une démarche réflexive permettant une prise de décision argumentée (compétence 1 ).

→ UE 3.3.S3 : « Rôles infirmiers : organisation du travail et interprofessionalité » (compétence 9).

→ UE 4.1.S1 : « Soins de confort et de bien-être » (compétence 3).

→ UE 4.2.S3 : « Soins relationnels » : la relation d’aide (compétence 6).

→ UE 5.5.S5 : « Mise en œuvre des thérapeutiques et coordination des soins » : prescrire des dispositifs médicaux selon les règles de bonne pratique (compétences 4 et 9).