L'infirmière Magazine n° 412 du 01/02/2020

 

PNEUMO-GÉRIATRIE

ACTUALITÉS

COLLOQUES

ÉLÉONORE DE VAUMAS  

Souvent banalisées, les plaintes de mauvais sommeil chez les personnes âgées sont pourtant à prendre au sérieux. Lors de leur troisième journée de rencontre(1), pneumologues et gériatres ont fait le point.

Sommeil instable, phase d’endormissement allongée, éveils nocturnes, diminution de l’efficacité du sommeil, réveil précoce… Plus une personne vieillit, plus la qualité de son sommeil est altérée. Après 65 ans, les signes du vieillissement physiologique du sommeil étant très proches de ceux de l’insomnie primaire, il est important de rechercher la présence de comorbidités. La coexistence de plusieurs facteurs aggravants est en effet fréquente. Y a-t-il un trouble psychiatrique, somatique ou iatrogène associé ? Si oui, une adaptation thérapeutique devra être envisagée. Les conditions du sommeil sont-elles correctes ? Dans le cas contraire, une approche psycho-éducative permettra de rappeler les règles d’une bonne hygiène du sommeil, comme éviter les bains chauds en fin de journée, limiter les boissons excitantes ou les repas trop lourds le soir, avoir des horaires réguliers de coucher et de lever, sortir durant la journée, etc.

Le personnel de nuitmobilisé

Si la plainte autour du sommeil persiste, des examens complémentaires (polysomnographie [PSG] nocturne, oxymétrie) s’imposent. Plusieurs maladies respiratoires occasionnent des désaturations nocturnes en oxygène, telles que la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) ou le syndrome d’apnées obstructives du sommeil (SAOS), ce dernier étant très fréquent avec l’âge. La réalisation de ces tests est d’autant plus essentielle que la symptomatologie peut varier par rapport à la population générale. Ainsi, les ronflements sont moins présents après 75 ans. De même, l’échelle de somnolence d’Epworth, habituellement utilisée pour chiffrer l’essoufflement, est plus faible si le sujet est âgé. Enfin, difficulté supplémentaire : les apnées sont souvent méconnues du fait de l’isolement des personnes. À Nantes, pour contourner ce problème, l’Ehpad Korian Le Ranzay a mis en place une surveillance nocturne visant à repérer les éventuels signes de pathologies respiratoires du sommeil de ses résidents. Sur 95 personnes testées, 21 présentaient une Onsi (Observation-based nocturnal sleep inventory) positive, avec au moins une pause respiratoire et deux épisodes de ronflements. Douze d’entre elles ont ensuite bénéficié d’une polygraphie respiratoire nocturne, qui a confirmé le diagnostic de SAOS.

« L’opération consistait à venir voir le dormeur au moins cinq fois dans la nuit, pendant deux nuits consécutives. Si cela représentait un investissement pour les équipes de nuit, toutes ont accepté de collaborer avec plaisir », se réjouit Jean-Paul Tesson, médecin coordonnateur de l’établissement. Une démarche que ne peut que recommander Sandrine Jaffré, pneumologue aux soins intensifs au CHU de Nantes, qui est quotidiennement confrontée aux conséquences dramatiques de l’hypoxie intermittente au long cours : « Il existe un lien entre SAOS sévère (IAH(2) > 30 heures) et maladies cardiovasculaires, mais aussi avec une dégradation plus importante des troubles cognitifs à cinq ans. Alors qu’une fois les apnées traitées, les bénéfices en termes physiologiques et psychologiques sont réels. »

Mauvaise observance

Encore faut-il que le patient accepte de suivre le traitement. La littérature rapporte un taux d’abandon d’environ 30 %, notamment chez les apnéiques de moindre sévérité(3). « L’intérêt du traitement par appareillage à PPC (pression positive continue) est réel, mais il faut pouvoir mettre le casque seul, serrer les liens, l’adapter en cas de fuites, le remettre lorsqu’il tombe la nuit ; ce qui suppose une certaine mobilité des membres supérieures », constate Sandrine Jaffré. Fréquente chez la personne âgée, l’édentation est responsable de fuites importantes au niveau du masque. Seule solution : garder l’appareil dentaire la nuit pour assurer une bonne ventilation. « Aussi efficace soit-il, le traitement par PPC avec port d’un masque nasal ou oro-nasal est contraignant. Inutile de le proposer à une personne qui ne souhaite pas être ventilée. Sinon, c’est l’échec assuré, prévient la pneumologue nantaise. Dans tous les cas, il faut se donner trois ou quatre mois pour voir si le patient arrive à s’adapter. Au-delà de cent jours, c’est soit perdu, soit gagné ! »

1 - La Journée nantaise de pneumo-gériatrie était organisée à Nantes, le 12 décembre, autour du thème des pathologies respiratoires au cours du sommeil chez les personnes âgées.

2 - Indice d’apnées-hypopnées.

3 - F. Gagnadoux, « Place de la PPC dans le traitement du SAS : algorithme de prise en charge », Revue des maladies respiratoires, vol. 23, HS2, juin 2006, pp. 30-33.